vendredi 14 mars 2008 - par Alain Rojo

Guerre d’émigration Brésil - Espagne

Crise diplomatique entre le Brésil et l’Espagne suite au renvoi forcé de touristes empêchés d’entrer en Espagne.

En février 2008, le nombre de passagers aériens brésiliens reconduits dans leur pays par les autorités espagnoles a été multiplié quasiment par 20 par rapport à la même période de 2007. En tout, 452 Brésiliens se sont vus refuser l’accès au territoire espagnol pour des motifs divers résumés par la phrase générique : "Faute des documents adéquats justifiant le motif de la permanence dans le pays".

En soi, c’est une situation théoriquement "normale", chaque pays européen devant appliquer les normes d’entrée des étrangers dans la CEE pour contrôler l’immigration. Là où ça se complique pour le Brésil, c’est que non seulement près de la moitié de l’ensemble des "refusés" à la frontière est de nationalité brésilienne, que certains semblent pourtant satisfaire pleinement les pré-requis et que, surtout, le traitement qui est réservé aux immigrants "illicites" dans les aéroports espagnols est particulièrement inhumain.

La situation a explosé quand, le 5 mars, 20 Brésiliens se sont retrouvés bloqués à l’aéroport de Barajas (Madrid). Parmi eux, deux étudiants de l’Instituto Universitário de Pesquisas do Rio de Janeiro,qui allaient participer au 4e Congrès de Sciences Politiques du Portugal à Lisbonne, une riche propriétaire terrienne allant visiter sa famille et un jeune joueur de football qui se rendait en Italie.

Tous ont donné le même témoignage saisissant sur le traitement et les conditions d’hébergement réservés aux immigrants, étayé par une vidéo d’un portable qu’une étudiante avait réussi à cacher. Je cite :"Nous avons été traités comme des chiens. On nous a confisqué tous nos bagages, téléphones, ordinateurs portables, nous avons été parqués dans une salle sans toilettes pendant 5 heures sans aucune explication, on nous a ensuite interrogés sur ce que nous venions faire dans le pays et combien d’argent liquide nous avions sur nous, puis obligés à signer un formulaire de ’négation d’entrée dans le pays’ sans avoir l’autorisation d’en lire le contenu. Ensuite, en attendant de reprendre le vol de retour, nous sommes restés entassés à 200 personnes, gardés par des policiers en arme, réveillés en pleine nuit par des torches dans le visage, obligés de se sécher après la toilette avec des mouchoirs en papier (pas de serviette), réveillés par des coups violents dans les portes comme dans les prisons. Si 2 personnes se levaient en même temps pour prendre un café, un policier criait et nous en empêchait. Enfin, quand l’avion nous a emportés de retour vers le Brésil, ce fut sans nos bagages, qui ne sont toujours pas arrivés."

Pourtant, il s’agissait de personnes aisées, présentant toutes les garanties financières. Malgré leurs explications, la présentation de cartes de crédit internationales, de coucher d’hôtel, du billet de retour, la proposition du recteur de l’université (pour les 2 étudiants) de se porter garant, les autorités ont, de manière surprenante, simplement décidé de ne rien entendre et sont restées sur leur décision initiale.

Il est à noter également que l’ambassade du Brésil en Espagne a été notoirement absente et incompétente dans cette affaire. Interrogé à ce sujet, l’ambassadeur s’est défendu en affirmant que "dans ces cas-là, il n’y a pas grand-chose à faire. On ne peut que confirmer à la police les données fournies par les immigrants (dans ce cas les 2 étudiants), mais s’ils n’ont pas tous les pré-requis nécessaires, cela ne sert à rien d’affirmer que ce sera le cas à leur arrivée au Portugal". Néanmoins, certains touristes, autorisés à téléphoner à l’ambassade, n’ont obtenu aucune réponse : celle-ci était fermée !

Le ministère brésilien des Affaires étrangères a fait savoir sa "profonde insatisfaction" (adorables termes diplomatiques) au gouvernement espagnol. Devant le peu de réponse probante de celui-ci, les mêmes mesures ont commencé à être appliquées au Brésil pour les immigrants espagnols, appliquant le principe diplomatique de réciprocité. En particulier, un groupe de touristes en voyage accompagné a vu son guide bloqué à l’aéroport et renvoyé en Espagne, car il n’avait pas pris la peine de se munir des documents de voyage pour lui-même, alors que tout son groupe était parfaitement en règle.

Cette attitude bizarre des autorités espagnoles peut s’expliquer de différentes manières. En premier, l’absence de nécessité d’un visa pour les Brésiliens entrant en Europe amène à renforcer les contrôles sur ceux-ci à leur arrivée dans le pays. Ensuite, en une période politique tumultueuse d’élection, le gouvernement socialiste a peut-être voulu montrer qu’il contrôlait l’immigration, pour faire taire les critiques de la droite à ce sujet. Enfin, il existe une grande population d’immigrés clandestins brésiliens en Espagne et au Portugal, mal vus par les Espagnols, suivant en cela la vague xénophobe qui agite de plus en plus toute l’Europe.

En revanche, le traitement donné par les policiers aux immigrés bloqués est totalement inexcusable.

Les autorités espagnoles nient que les Brésiliens soient particulièrement visés. Elles allèguent que les contrôles sont les mêmes pour tout le monde, que "les règles sont les règles " et doivent être appliquées. Néanmoins, les chiffres de la propre ambassade et les nombreux témoignages des "rejetés" disent clairement le contraire.

Le président Lula a déclaré qu’il comptait personnellement demander des comptes à ce sujet au prochain chef de gouvernement espagnol, dès sa nomination après les élections du 9 mars.

Source espagnole : l’affaire traitée par El Mundo



13 réactions


  • tvargentine.com lerma 14 mars 2008 13:57

    j’ai voté pour la diffusion de cet article car il permet d’élargir un débat qui bien souvent reste franco-français et voudrait faire croire que seul la France à des problèmes avec la reconduite aux frontières

    Cet article entre l’Espagne et le Brésil est tres enrichissant

    Encore bravo ami informaticien

     

     


    • Rosemarie Fanfan1204 14 mars 2008 14:09

      Lerma se fait un plaisir énorme à dire qu’il a voté positivement pour des articles dans l’espace modération.

      Ou négativement (billet d’Artemis). Faut le laisser c’est son petit bonheur.


  • HELIOS HELIOS 14 mars 2008 14:38

    Lamentable, comme comportement de la part de la police espagnole. S’ils veulent limiter l’entrée des Bresiliens, ils n’ont qu’a remettre les visas.... à moins qu’il ne s’agisse que d’un alignement sur les américains, qui sont toujours en bisbille avec les mesures de réciprocités appliquées par Lula.

    Par contre, bonne nouvelle, les maghrebins ont la preuve que ce type d’aventure n’existe pas que pour eux ! Ils viennent de perdre une raison de se faire plaindre...


  • yvan 14 mars 2008 18:46

    Il n’y à pas lieu de s’inquièter, cela s’est passé exactement de la même façon à l’Aéroport de Paris. Ma belle-mère, Brésilienne, n’a pas eu le droit d’entrer en france, malgré un billet A-R, une invitation en bonne et due forme de ma part. De plus au Consulat de France à Macapa, on lui à demandé si elle avait un passeport en règle, une carte bancaire et un billet d’avion. Toutes les réponses étant positives, on lui à dit qu’elle pouvait aller en france sans problèmes. Je ne parlerai pas du traitement à l’aéroport, plus ou moins pareil qu’en Espagne. Nous avons tout de même pu avoir des conversations téléphoniques grâce au portable de l’interprète. Pour repas, un sandwich au thon surgelé.

    D’autres personnes on pu rentrer dans le pays sans tout les documents. Comme quoi, le passage au frontières se fait vraiment à la tête du client. Un jeune fille qui n’a ni papiers, ni carte de crédit est passée, sans doute grâce à son joli sourire.

    Je peux dire que nous étions vraiment dégoutés de l’attitude de la police d’immigration. Quand on à demandé pourquoi certains ont pu passer et pas d’autres, ils nous ont répondu que nous n’avions pas de chance. Venir en france se joue donc comme un poker !!! Si on a de la chance, on rentre, sinon, basta, retour.


  • Kobayachi Kobayachi 15 mars 2008 02:45

    Oi ! Tudo Bom !

    Ma compagne est bresillienne, elle m’as informer du different entre les 2 pays. Le Bresil pratique la reciprocité diplomatique, ce qui veut dire que si des bresilliens se font renvoyer d’espagne, certains des nombreux espagnoles qui ont acheter des maisons sur la cote au Bresil auront des soucis pour s’y rendre.

    Je trouve le comportement des autorités espagnol ridicule, d’un cote ils refusent des personne qui veulent se rendre dans leur pays legalement et pour la tres grande majorité pour ne pas y rester. Et de l’autre des milliers d’africains sans papiers rejoignes l’europe en passant par l’espagne et ils n’y font pas grand chose. (ca me rappel ce qu’un mexicain habitant legalement aux USA m’a dit un jour, quand il se rend au Mexique pour quelques jours, il prefere repasser la frontiere illegalement car il a toujours trop de soucis au controle douanier)

    Le Bresil a beaucoup changer et est devenu plus riche et plus puissant que l’Espagne. Bien que le niveau de vie soit encore tres bas pour la grande majorite dans ce pays, le taux d’emmigration venant du Bresil doit etre infime en Europe.


  • yvan 15 mars 2008 07:37

    A Crumpet

    La France impose actuellement une attestation d’accueil aux étrangers. Apparement le consulat de France au Brésil n’est pas au courant de cette directive.

    Pour obtenir cette attestation, nous devons remplir un dossier avec déclaration de revenus, superficie de la maison, assurance rapatriement, et un tas d’autres papiers. Des fois qu’on ne pourrait pas assumer la survie de la personne ici en France.


    • Alain Rojo Alain Rojo 15 mars 2008 15:39

      Est-ce que cette attestation est demandée systématiquement, ou uniquement pour les étrangers qui désirent effectuer un séjour prolongé sur le territoire ?


  • foufouille foufouille 15 mars 2008 11:39

    bon article

    M6 avait diffuse un reportage sur les travailleurs etrangers en espagne

    les arabes et roumain aux avec 400€/mois

    les bresiliens dans la restauration pour 800€. le salaire etait converti en dollars pour faire plus gros


  • foufouille foufouille 15 mars 2008 11:46

    pardon arabes et roumain auux champs 400€/mois


  • fifilafiloche fifilafiloche 15 mars 2008 18:12

    Ayant traverse le Bresil du Sud au Nord au mois de Janvier en moto, je peux confirmer la totale incompetence de l administration des douanes de ce pays continent. A Punta Pora, a la frontiere avec le Paraguay, je me suis presente a la douane qui pretendait qu aucun papier d importation n etait necessaire : J ai du insister pour recevoir un certificat d importation. A Corumba, frontiere avec la Bolivie, impossible de faire les papiers de sortie a la frontiere, il faut retourner en ville, chercher les adresses de la police federale, la gare routiere, la recette regionale puis federale, le bureau de vaccination, l infirmerie...queues, fonctionnaires peu aimables et totalement ignorants des regles...A San Vicente, frontiere Nord de la Bolivie, pas de poste non plus, deux fonctionnaires occupes a pecher, un coup de jet d eau sur les vehicules pour eviter une contamination Bolivienne, rien sur les papiers necessaires...Heures d ouverture des administrations contraignantes, indisponibllite le week end et les jours feries, attentes interminables...La bureaucratie dans ce qu elle a de plus irrespectueux de l individu, seulement preoccupee par son propre confort.

    Dans ces conditions, il semble que l indisponiblitie et l incompetence de l ambassade bresilienne en Espagne soit logique, coherente avec la realite bresilienne.


  • mars 16 mars 2008 09:29

    Merci pour cet article qui élargit notre horizon sur la forteresse européenne.

    Une petite précision : La CEE, ça existe encore ?


  • Dark-Vador Dark-Vador 16 mars 2008 19:34

    selon LULA les partis les plus conservateurs de la CEE ne veulent pas que des pauvres d’autres pays rentrent.

    Comme le dirait encore Lula : ils ne se souvienent plus qu’un jour c’est les Brésil qui a reçu les pauvres de ces pays europeens...

    il va certainement falloir rétablir les visas ou envoyer des flics a l’embarquement pour controler avant

    le départ et ainsi éviter des situations déplorables pour l’image du pays.


    • foufouille foufouille 16 mars 2008 21:17

      en realite nous avons sufisamement de pauvre : roumains bulgare ou turc, arabes suivant les pays. certains comme les polonais sont devenus "riche" et vont donc en irlande. l’allemagne remplace ses polonais devenus trop cher (3.87€/h c’est plus assez), par des roumains ou bulgares. l’important est que les esclaves sous paye soit le moins visible possible.

      d’ou le choix d’importer les bresiliens non metisses bien sur. ceci pourrait expliquer ce qui est arrive. les etrangers c’est pas les meme partout


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