L’euro et les Anglais
Merkel et Sarko sont à bâtir une Nouvelle Europe. Les Chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres constitueront de fait le gouvernement économique de la zone euro et se réuniront tant que la crise durera pour gérer tout ça au mieux à la petite semaine. La Nouvelle Europe, ce sera celle des 17 pays déjà en otages de l'euro et de tous les autres qui voudront s’y joindre...
Ils seront nombreux les volontaires pour embarquer dans le navire qui sombre ? Peut-être… Pourquoi pas ! Ne vaut-il pas mieux finir avec les autres en chantant des cantiques sur le pont, plutôt que seul au milieu des vagues ? Et comme il suffira d’émettre des voeux pieux pour en être...
Des voeux pieux, puisque la Cour européenne de justice ne pourra pas opposer son véto aux budgets des États ; elle viendra seulement, de temps en temps,faire le constat que personne n’a respecté ses engagements et des sanctions pourront automatiquement être appliquées...
Ca va régler la crise ? Certainement pas, car pourquoi tous ces écoliers qui n'obéissent pas aux règles obéiraient-ils aux sanctions ?... D'ailleurs, dixit Sarkozy : “L'Allemagne et la France sommes tout à fait d'accord pour dire que les eurobonds ne sont en aucun cas une solution à la crise, en aucun cas !". Or comme rien d’autre n’a été proposé, la proposition est : "Dites oui, ensuite on avisera..." De Paris, de Berlin ou des autres capitales du continent on ne voit pas d'issue à la crise. On voit une Europe qui se désagrège et des écoliers qui s'affolent.
Vu de Londres, c'est autre chose : on voit une révolte des vassaux financiers du continent, sous l’égide d’une Frédégonde et d’un Roi fainéant. On voit les Goths et les Francs qui s’agitent. On voit le dernier épisode de ces rebellions velléitaires contre la domination britannique qui dure depuis deux siècles et demi.
Même pas “shocking”, cette rébellion, “just annoying”… car il y a longtemps que l’on croit savoir dans les clubs de la City - et qu’on chuchote au moment du porto - que “Negroes begin at Calais…. Alors à Londres, on ne s’inquiète pas. On a remis à leur place en leurs temps les Espagnols, les Français. les Allemands et les Russes, parfois même, quand il le fallait, les Japonais et les Chinois. On le fera bien encore cette fois. On sait qu’il ne s’agit que de se recroqueviller sur l’Ile Inexpugnable et d'attendre que les enfants se calment, même s'il leur faut une bonne bagarre avant de se calmer. On parle déjà en France de germanophobie...
Les Anglais ne s'inquiètent pas. Il savent qu’ils gagneront… parce qu’ils sont Anglais. Ils ont la sereine certitude que leur insularité à la japonaise, leur éducation élitiste et mille ans de succès en commun ont fait d’eux un “peuple élu”, don’t la supériorité ne repose sur rien qui pourrait se perdre, comme la richesse ou l’intelligence, mais sur la cohésion qui découle de leur simple appartenance.
On se trahit peu entre Anglais. Les exemples d’Anglais qui ont trahi sont rares et, en chaque cas, la fin des événements a été telle qu'on ne peut écarter l’hypothèse d’agents doubles ou triples… On peut se faire confiance entre Anglais. C’est ce qu’illustre mieux que tout cette stratégie légendaire des guerres d'Écosse où, affrontant des ennemis physiquement plus forts, le fantassin anglais devait négliger l'ennemi devant lui pour frapper d'estoc l'attaquant de son voisin de droite qui découvrait son flanc en voulant attaquer celui-ci de taille.... Il devait le faire croyant fermement que son propre voisin de gauche lui rendrait le même service : sa vie en dépendait.
Les Anglais se sentent différents. Rien d’aussi vulgaire que du racisme ou la haine de l’autre. Plutôt de la compassion. La conviction, sans qu’il soit jamais nécessaire de l’exprimer et encore moins d’en abuser, qu’être supérieur est une responsabilité et entraîne des devoirs. Il faut, comme disait Kipling, "porter le fardeau de l'homme blanc".
Protéger... Mais manipuler, aussi, car cette responsabilité a ses limites ... et cesse sans préavis, quand l’intérêt de l’Angleterre est en jeu. Ainsi, une poignée de britanniques iront administrer des millions d’Indiens… puis mener au combat des dizaines de milliers de Pathans et de Bengalis pour défendre l’Empire...
Quand les circonstances ont changé, les Anglais on pu aussi, comme en “14 ou en “40, appeler à la rescousse le “peuple ami “ américain démocratique, avec ses longues carabines et ses idées courtes, qui est venu sauver la mise quand on le lui a dit. De la même façon, les Anglais seront solidement avec la Pologne et la France contre l'Allemagne pour défendre Danzig, mais a Dunkerque ils partiront seuls ... et à Mers-le-Kebir ils tueront des Français... puisque c'était nécessaire. Fort de sa cohésion, l'Anglais entre dans des alliance et protège ses amis avec une ostentatoire loyauté... mais il est d’abord Anglais et partie d’une “union sacrée” implicite qui ne se rompt jamais.
L’Angleterre, qui manipule ses amis, en fait autant avec ses ennemis. Depuis qu’elle a établi son hégémonie, elle l'a maintenue en alimentant une constante zizanie entre les États européens, particuiièrement entre l’Allemagne et la France… sauf lorsqu’il a été nécessaire que ceux-ci collaborent pour offrir à l’Angleterre un bouclier contre la Russie soviétique.
Quand la guerre est devenue une affaire d'argent, elle a continué par d'autres moyens, mais les principes sont demeurés les mêmes. Albion est devenue encore plus inexpugnable, maintenant que son Empire maritime s’est transformé en "fricocratie" virtuelle et n’est plus a la merci de l’invasion d’une quelconque Armada.
C'est dans le même esprit, quand il a semblé bon que l’Europe soit créée, que l’Angleterre a répondu oui, mais sans jamais y mettre toutes ses billes ni y jouer son va tout. Elle y est ainsi entrée contre l'avis de Gaulle qui savait reconnaitre un cheval de Troie. Commonwealth, privilèges, exceptions... l'Angleterre a su tirer parti de l'Europe. Mais elle n'a pas oublié où ses intérêts en divergeaient et s'est gardée une voie ouverte vers un Dunkerque financier. Ne pas être partie prenante de l'euro lui gardait cette issue.
Quand les Continentaux ont pris la décision de remettre leurs politiques monétaires à une Banque Centrale Européenne, elle même sous contrôle des banquier internationaux opérant depuis la City de Londres, l'Angleterre ne s'est évidemment pas jointe à cette aventure, que seule peut expliquer la naïveté des peuples et une grandiose manoeuvre de corruption. (Il faudra que l'on découvre un jour et que l'Histoire sache, ce qu'ont personnellement touché tous les dirigeants qui ont accepté cette haute trahison ! )
L'important, aujourd'hui, c'est que l'Angleterre ne l'a pas fait, gardant sa propre monnaie, la livre sterling... tout en acquérant par ses banquiers le contrôle de l'euro, monnaie de l'Europe sa rivale. Ce qui permet aux Anglais de rigoler maintenant des déboires de leurs alliés qui sont tombées dans ce piege.
Dans un monde où la valeur des devises ne repose plus sur rien d'autre que la volonté des États d'en maintenir la valeur - et la crédulité des citoyens qui croient que l'État gardera cette volonté - l'Angleterre, en conservant son indépendance à la livre stirling, a maintenu un point de référence monétaire relativement stable.... et un avantage énorme.
En effet, il n'y a simplement pas, pour garantir l'euro, un "État" réel auquel on puisse faire confiance. Seulement une ébauche d'État auquel on croit de moins en moins. Tout ce qui est libellé en euros est donc prêt à prendre. Or, vendre en dollars, c'est miser sur une hausse indéfinie du prix du pétrole, ou sur une hausse encore plus insoutenable du prix des denrées alimentaires, les deux domaines où l'Amérique à une marge de manoeuvre. Euro et dollar hors jeu.... Il reste de sérieux que la livre stirling...ou le yuan.
Contrôlant par la BCE la monnaie, les transactions des banques continentale et les politiques financières des États européens, les banquiers de Londres peuvent, à leur discrétion, créer la monnaie qu'ils veulent, définir les taux de change qui leur conviennent et se porter acquéreurs de tout sur cette planète. S’ils ne semblent pas le faire c’est que presque tout leur appartient déjà et que le reste ne leur est pas nécessaire pour tout contrôler....
Il ne faut donc pas voir la crise actuelle comme une action agressive pour avoir plus. C'est une mesure conservatoire, pour garder la propriété du monde à ceux qui l'ont déjà, en mettant l'Europe à l'abri d'un "péril jaune" qui devient imminent.... tout en apportant certains changements structurels au mode de gouvernance que nous disons "démocratique' et qui ne donne plus le change.
Les anglo-saxons visent une tutelle plus efficace des finances et donc de l'économie européenne. Quand la perte de confiance en l'euro deviendra totale, les État européens, un à un, s'en dissocieront et ce ne sont pas les remontrances de ce pouvoir sans fusil qu'est l'UE à Bruxelles qui les en dissuadera par des sanctions... Ils vont tous s'en sortir... et filer à l'anglaise.
Y a-t-il une solution ? C'est une autre histoire, comme dirait justement Kipling, et je la raconterai la semaine prochaine :-)
Pierre JC Allard