mercredi 4 juillet 2018 - par
L’UE et Macron butent sur le roc migratoire
Il faut un sacré culot à Macron pour se livrer à l’exercice de langue de bois suite au sommet européen de la semaine dernière, comme s’il l’avait emporté sur le moindre sujet. Dans la réalité, la logique supranationale vient non seulement de connaître un coup d’arrêt, mais même de reculer. Les Etats-nations, grâce, entre autres, à l’Italie, ont totalement mis en échec la logique de l’UE.
La revanche des Etats contre Bruxelles
Pour qui prend un peu de recul, comme Jacques Sapir, l’évolution de la situation est spectaculaire. Il y a trois ans, l’UE tentait une nouvelle fois d’utiliser une crise (celle des migrants), pour gagner de nouveaux pouvoirs, avec la proposition abracadabrantesque d’établir des quotas par pays, idée ridicule dans un espace sans frontière et où les situations nationales sont si différentes. Déjà, l’Allemagne avait rompu les rangs en fermant ses frontières devant l’appel d’air créé par Angela Merkel. Mais, en trois ans, au grand dam des fédéralistes français, très isolés et dont les idées sont totalement en échec, les plaques tectoniques européennes ont été largement rebattues, en leur défaveur.
Tout à leur logique, ils voulaient imposer aux pays un volume d’accueil de migrants, ou la création de centres fermés d’accueil dans les pays par lesquels transitent les migrants. Déjà, la position de Macron était assez acrobatique, à vouloir imposer ces centres à l’Italie, en refusant d’en installer en France, tout à sa stratégie de faire aux Républicains ce qu’il a fait au PS. Sauf que l’Europe de 2018 n’est plus celle de 2015. Renzi n’est plus l’homme fort de l’Italie, c’est maintenant Salvini, la Grande-Bretagne prépare son départ, l’Allemagne a beaucoup évolué sur la question et l’Autriche a rejoint bien des pays d’Europe de l’Est sur la question des migrants. Le centre de gravité a changé.
Résultat, c’est bien Salvini qui l’a emporté, et pas Macron. La logique supranationale recule sur la question migratoire, puisqu’aucun quota ne sera imposé et que chaque pays fera ce que bon lui semble, tant sur la question de l’accueil que sur celle de la création de centres fermés. Devant l’hypocrisie crasse de l’Allemagne et de la France depuis trois ans, le premier créant un appel d’air phénoménal avant de vouloir imposer sa solidarité à tous les autres pays, tout en fermant ses frontières, le second en continuant de vouloir faire peser le gros de l’effort sur les pays du Sud, les autres pays ont fini par imposer une logique où chaque pays pourra décider souverainement de ce qu’il fera.
Comme le note Jacques Sapir, cet épisode est important car il constitue un vrai et assez inédit recul de la logique communautaire, qui en dit long sur l’état de décomposition de l’UE. Certes, nous auront encore eu droit aux complaintes de la plupart des média contre l’extrême-droite qui refuse d’accueillir ces pauvres migrants, mais ce discours ne passe pas et pourrait au contraire continuer à raidir une opinion publique déjà très majoritairement hostile à l’accueil de tout migrant supplémentaire, accélérant le processus politique de remise en question de l’UE. Bref, la question migratoire est bien devenu un grain de sable qui stoppe la progression de l’UE et pourrait même la faire reculer.
Il est tout de même effarant que les élites oligo-libérales de l’Europe et de la France ne parviennent toujours pas à se rendre compte à quel point leur discours sur l’immigration ne tient pas. En acceptant la croissance de l’armée de réserve du capital et laissant faire des comportements en contravention avec notre modèle républicain, ils rendent légitimement toute immigration supplémentaire insupportable.