lundi 21 janvier 2008 - par Laurent Watrin

La politique du virage permanent

Nouvelle volte-face de Nicolas Sarkozy à Boulogne-sur-Mer, devant 300 marins-pêcheurs. Le chef de l’Etat souhaite abandonner les quotas européens validés par la France et ses partenaires en décembre dernier.

Les dernières directives de la politique de la pêche, approuvées par la France en même temps que ses partenaires de l’Union européenne, il y a tout juste un mois, viennent d’être balayées par Nicolas Sarkozy. Voici des extraits du discours de Sarkozy, devant plusieurs centaines de marins-pêcheurs, à Boulogne-sur-Mer, ce samedi 19 janvier : "la France va présider l’Union européenne, du 1er juillet au 31 décembre, c’est une opportunité pour sortir de l’affaire des quotas (...) Il faut un dialogue très approfondi et très fort avec la Commission européenne sur la question des quotas (...) d’ici à la fin du mois (...) Il faut apporter une réponse beaucoup plus souple aux problèmes de la pêche que celle des quotas et cela quelles que soient les espèces et les lieux de pêche. On ne peut plus avoir d’un côté les scientifiques, de l’autre les pêcheurs, ce n’est pas possible. La pêche est globale et les premiers à défendre la ressource sont les pêcheurs".

La politique européenne de la pêche s’appuie sur des expertises transparentes, et validées au niveau mondial, qui disent, en substance, ceci : trop pêcher aujourd’hui, c’est mettre en danger l’économie de la pêche très vite et déstabiliser demain l’ensemble de l’écosystème marin connu et exploité par l’homme. L’accord européen du 19 décembre visait notamment les quotas de cabillaud. Les scientifiques estiment depuis des années que la surpêche du cabillaud est telle que cette espèce est menacée de disparition. Cette politique européenne de la pêche fait donc partie des préoccupations écologiques et économiques globales, et la France en est la première visée, en raison d’un littoral qui borde les trois quarts de son territoire national. La politique de la pêche est démocratique, au sens où les représentants des Etats, dans le cadre des compétences de l’Union européenne, ont choisi une voie représentative, sur la base de données raisonnables et concertées. Voilà pour le rappel de quelques bases.

Que fait Sarkozy ? Il détruit ce qu’il a lui-même validé au niveau européen, au nom de la France, par la voix de son ministre Michel Barnier.

Lorsque le président souhaite "sortir de l’affaire des quotas", il balaie d’un revers de main toute la vision européenne et la construction d’une méthode, de façon unilatérale. Nicolas Sarkozy se moque clairement de ce que la France - avec pourtant son mandat de chef d’Etat - a validé dans le cadre de l’Union. Sarkozy n’avait-il pas annoncé, pourtant, il y a quelques mois, qu’il voulait sauver l’Europe ? Ensuite, prétendre que les pêcheurs sont les « premiers à défendre la ressource » est totalement faux. Les entreprises du secteur maritime pêchent pour tirer un revenu suffisant apte à assurer leur avenir. Elles ne pêchent pas pour défendre la ressource halieutique. Les entreprises de pêche, dans leur majorité aujourd’hui, ne sont plus celles du passé, familiales et coopératives. Pour être compétitifs et vendre du poisson, y compris à des milliers de kilomètres de la mer tous les jours (non-sens écologique), il faut être gros et puissant. Il faut pêcher beaucoup, avec peu de personnel. Que les petites sociétés de pêcherie soient dans l’impasse est indéniable. Mais, même dans la difficulté, la politique européenne les préserve en instaurant des mécanismes d’aide à l’activité et à la reconversion. Et la vérité, c’est que moins il y a de quotas européens, plus ces petites entreprises risquent de souffrir. Car elles ne suivront pas la concurrence des gros.

Enfin, notons une anecdote révélatrice. A Boulogne, ce samedi 19 janvier, le ministre français de la Pêche, Michel Barnier, était présent. Le mois dernier, il avait annoncé que l’accord européen sur la pêche serait appliqué avec une "totale intransigeance". Aux côtés de Sarkozy, le ministre a dû ravaler sa salive en direct. Une fois de plus, le président de la République vient de prouver qu’il aime casser en public et en solo ce qui est élaboré par ses « collaborateurs ».

Les déclarations de Sarkozy sur la pêche, comme sur d’autres sujets, n’ont malheureusement rien d’étonnant. Il s’agit d’un nouvel exemple de la méthode et de la communication à la manière de Nicolas Sarkozy. Une communication du virage permanent et du mensonge pour flatter le dernier qui écoute ou le dernier qui parle, et surtout conforter une posture personnelle de l’instant. Souhaitons que les minorités silencieuses de ce pays, qui n’en peuvent plus de ce gouvernement du mensonge organisé, se lèvent et fassent grossir leurs rangs pour redresser la barre. Car seule l’intelligence collective, fondée sur une réelle vision politique, peut donner espoir en l’avenir. Les credo virevoltants de Sarkozy ne répondent pas à cet espoir démocratique.

Laurent Watrin



16 réactions


  • Fergus fergus 21 janvier 2008 10:42

    En effet, Sarkozy nous gratifie d’une nouvelle volte-face, cette fois sur les quotas de pêche qu’il soutenait en décembre et dénonce en janvier. Sans doute pour amadouer les professionnels avant les élections municipales, histoire de ne pas ouvrir un nouveau front de contestation dans un milieu dont les coups de sang peuvent se révéler spectaculaires et désastreux pour le pouvoir.

    Résultat : une fois de plus, Sarkozy a raconté n’importe quoi et promis la réouverture du dossier dès juillet. A l’évidence, il s’agit au mieux d’une nouvelle calembredaine du chanoine, au pire d’une manipulation de l’opinion. Dernière réaction en date après celle, très critique du vice-président de la Commission Jacques Barrot, le WWF dénonce une initiative qu’il juge « scandaleuse » à l’heure où il conviendrait, au contraire, de renforcer ces quotas et non de les assouplir.

    Qui peut encore raisonnablement faire confiance à Sarkozy lorsqu’il se livre à de telles déclarations, irresponsables pour la ressource et malheureusement emblématiques de son mépris intrinsèque pour l’écologie ? En baisse dans les sondages et en début de désamour du côté des ralliés FN, des retraités et des catholiques, le président bling-bling a été, nous dit-on, contraint d’annuler un week-end en amoureux à l’étranger avec Carla pour retourner au charbon sur le terrain vendre ses salades mal assaisonnées comme il l’avait fait auparavant avec un certain succès. Pas sûr que l’opinion se laisse prendre désormais, surtout lorsqu’il manipule les chiffres (comme à Sens sur les heures supplémentaires) ou remet en cause, comme à Boulogne, la parole de la France dans la plus pure démagogie !


  • Argo Argo 21 janvier 2008 11:04

    Votés par la France en décembre et balayés d’un revers de main électoraliste en janvier...

    Quand elle est pratiquée à un tel niveau, l’improvisation a quelque chose de diabolique.

    De quoi s’inquiéter... A moins que le dernier spasme présidentiel ne marque un début de dégénérescence de son tissu neuro-végétatif. Rassurons-nous, Nicolas Sarkozy doit présenter le plan Alzheimer 2008-2012 dans les semaines qui viennent.


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 21 janvier 2008 12:16

    Plus fort que Jésus ! Revenu du Latran, le chanoine Sarkozy tente le miracle de la multiplication des poissons. Avec les anchois et le cabillaud, quasiment en voie d’extinction, c’est pas gagné. Mais qui pourrait arrêter un homme de Dieu ? Quand on veut, on peut...


  • TSS 21 janvier 2008 13:40

    il espère simplement qu d’ici la presidence europèenne de la France d’autres faits se feront jour et detourneront l’attention lui permettant d’oublier sa promesse !!!


  • Voltaire Voltaire 21 janvier 2008 14:08

    Après le coup des caisses vides de l’Etat, on pensait le Président de la République revenu des promesses électorales farfelues autant que démagogiques. Force est de constater qu’il n’en est rien, et que ce sont, au choix, les pêcheurs ou les poissons qui en feront les frais...


    • Djanel 21 janvier 2008 22:58

       

      Sarkozy est hors la loi, il viole en toute liberté les principes suprêmes de la cinquième république à cause d’un parti socialiste qui n’a pas fait son travail facile d’opposant en ayant recours au conseil constitutionnel pour obliger le Président délinquant à respecter la loi.

       

      A la fréquence où il viole les articles de la constitution, le conseil aurait été obligé de siéger 24 sur 24.

       

      Il est écrit dans la constitution que le président est souverain donc on ne peut obliger le Président.

       

      Il fait donc ce qu’il veut. Non !!! Et NON !!! Erreur !!! Parce qu’il est dit aussi que le gouvernement est souverain ainsi que l’assemblée nationale et que nous membres du peuple nous possédions aussi cette souveraineté. Pourtant ce n’est pas l’anarchie en France parce qu’il y a une constitution qui a donné à chacun son rôle pour éviter que la liberté de l’un n’empiète sur celle de l’autre ce qui évite la guerre entre-nous. Donc soyez logique le Sarkomaniaque est un danger public. Le plus grave dans cette affirmation, c’est que je n’ai choqué personne. 

       

      Sarko a mangé son pain blanc ainsi qu’Hollande et Ségolène qui n’ont pas marqué un point pour se mettre en valeur en faisant seulement des rappels à la loi.

       

      Quant à l’affreux jack Lang qu’il rende son mandat de député.

       

      Sarko mérite d’être menacé d’une procédure en destitution pour ses manquements répéter à la constitution. Une telle procédure échouera puisqu’il faut une majorité des deux tiers pour aboutir mais dans l’opinion publique l’image de Sarko serait sérieusement ébranlée. Quant à sa volonté de réformer les institutions, le tricheur voulant changer les règle à son profit, sera démasqué.

       

      Je me répète Ségolène a raté sa candidature pour 2012 en étant absente dans l’arène politique au moment où on l’attendait.. C’est moi petit Djanel qui doit faire le boulot. Honte au Parti Socialiste pour s’être endormi.


  • bernard29 candidat 007 21 janvier 2008 17:27

    Sarkozy ne sait plus où il est ! 

    il a sorti cette bourde plus grosse que lui dans le seul secteur économique où "il faut travailler moins pour produire mieux." Et bien sûr ça l’énerve !!

     

     


  • jako jako 21 janvier 2008 17:47

    Merci à l’auteur belle synthése apparement les UMP s’acharnent de leurs petites griffes uniquement sur les 2 premiers articles d"Agora bon courrage ( je suis de Bayon pas loin de chez vous)


  • MarcDS MarcDS 21 janvier 2008 18:18

    Dans la même veine il y a aussi cette petite video à regarder en se rappelant ce qu’il est en train de faire par rapport au projet de Traité européen : http://tinyurl.com/yqcf9k


  • La Taverne des Poètes 21 janvier 2008 18:57

    "Sarkozy n’avait-il pas annoncé, pourtant, il y a quelques mois, qu’il voulait sauver l’Europe ?" Oui, c’est bien cela : Avec son copain Joseph Ratzinger, il veut le salut de l’Europe !

    Il n’y a donc pas de quotas pour la pêche aux votes ?

     


    • La Taverne des Poètes 21 janvier 2008 18:59

      Sarko, c’est aussi la "poliitique du visage permanent" : le sien. Comment faire pour ne pas le rencontrer ? Par pitié, qu’il nous laisse respirer !


  • chris11 21 janvier 2008 21:15

    Il ne reste plus qu’a attendre que la "grande muette " reprenne temporairement les choses en main lorsque Sarkoléon tentera d’atomiser téhéran (pour plaire à son maitre GW) et nous permettre de retourner aux urnes . Ce n’est pas parce qu’il y a un fou à la tête de l’état que l’état est devenu fou ...

    C’est sans doute un des grands paradoxes de la démocratie de permettre ce genre de situation mais tout le monde peut se tromper lourdement , même un électeur.


  • moebius 21 janvier 2008 22:05

    vous n’avez rien compris la politique des quotas satisfait les portugais et les espagnols et vous ne vous posez meme pas la question pourquoi ces derniers sont satisfaits et pas les pecheurs français. Les négociations ne ce sont pas faites en leur faveur... Ont peut etre européen , s’estimer lésés et tenter de remettre en cause une politique qu’elle quelles soient ...oubliez donc Sarkosy..Sarkosy ! par les anges du modem sort du trés saint tavernacle 


    • Francis, agnotologue JL 21 janvier 2008 23:48

      Effectivement Moebius, la pêche a été sacrifiée à l’autel de la PAC. Résultat : mort de toute une région qui perd sur deux tableaux : la pêche et le tourisme. Le tourisme parce que la PAC nous a surtout amené cette agriculture intensive responsable de la pollution des sols, des cours d’eau et du littoral.

      Bravo et merci les lobbies de l’agroalimentaire. Ah, j’oubliais : pollution des fruits et légumes, pour faire bonne mesure.

      Mais l’article c’est le virage permanent du chef de l’Etat.

      Les quotas sont incompatibles avec son slogan "travailler plus pour gagner plus" ? Qu’à cela ne tienne, sacrifions le principe de réalité que sont les quotas déjà entérinés, au profit du principe de plaisir du chef, j’ai nommé son slogan fétiche de campagne.

      La France n’est-elle pas le pays dont le roi est un enfant ?

       

       


  • gabstourna gabstourna 22 janvier 2008 00:03

    qui peut avoir confiance en la parole de sarkosy à part faire du blablaba et le gigolo pour endormir les français avec ses belles paroles, honte aux mediats qui ont tout fait pour qu’il soit élu et ce n’est pas fini car des promesses il en fera d’autres c’est gratuit et ça flate le peuple mais attention il y aura peut être le retour du baton en espérant que les français vont quand même comprendre qu’ils se sont fait plumés : pauvre FRANCE


  • laelia laelia 26 janvier 2008 09:16

    Il s’est seulement trompé de ce qu’il devait dire : car il reprenait une étude de nos propres députés Européens qui recherchent à protéger les poissons mais aussi les pêcheurs. Nous n’avons plus de ports de pêche, mais des ports de plaisance. Plus de maisons de pêcheurs, mais des maisons secondaires.... fermées tous les hivers. ^... la politique du riche sur celui de l’artisan.

    Il faudrait revoir les déclarations du Général Philippe Morillon , député Européen chargé de la pêche ( MoDem ) pour avoir la vérité sur ce qui devrait se faire pour la pêche. Au moins, lui, ne déformera rien... pas comme Sarko qui ne pense qu’à sa com.


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