samedi 14 novembre 2009 - par David Carayol

Le dîner de cons : L’Europe entre la poire et le fromage

Lu dans l’Euobserver jeudi 12 novembre 2009
« Meanwhile, a Polish suggestion that candidates should give job interview-type presentations at the dinner before the final choice is made is gaining in popularity. » 
Un dîner ??? Le 19 novembre ? La semaine prochaine ? L’Europe entre la poire et le fromage... L’histoire vous rattrape souvent de façon inattendue.

Justement en rentrant de Dresde en Allemagne, en début de semaine j’ai écouté une émission très intéressante sur l’avènement d’Hitler, avec lecture de rapports écrits dans les années 30 et notamment ceux faisant référence à un fameux dîner organisé en 1933 par les pouvoirs pour décider de la politique générale de la chancellerie. Hitler y a tenu un discours de 2h1/2 exposant ainsi son programme en tant que chancelier (mais auquel personne n’a voulu croire, tout le monde étant persuadé que Hitler ne représentait rien, n’est-ce pas ?). Dans l’exposé de son programme Hitler ne préconisait rien de moins que :

délivrer la société des dommages causés par le cancer de la démocratie...

procéder à un lavage de cerveau du peuple dont s’occuperont des organismes politiques internes

- lancer la politique de conquête vers l’Est et la germanisation du sol, à l’exemple des Français et des Polonais (sic)...

En ce qui concerne les deux premiers points, je considère que nous y sommes presque :

- Tout est mis en œuvre pour lutter contre le pouvoir du peuple

Tous les processus politiques décisionnels européens se font sans consultation des citoyens en Europe ou du moins n’ont-ils aucun contrôle sur ces processus. Parce que renvoyer tous les 5 ans de nouveaux députés européens, qui jouent aux marionnettes au sein d’une structure qui n’a aucune influence sur la gouvernance de l’Union européenne, n’est pas pour moi un pouvoir de décision et certainement pas de contrôle. D’ailleurs nombreux ont déjà oublié leur promesses, et sont déjà tournés vers leurs prochaines échéances, nationales !

Que peuvent faire les citoyens européens contre la désignation de telle ou telle personne en tant que président ou ministre des affaires étrangères ? Rien. Quels pouvoirs ont-ils ? Aucun.

Pourtant, et contrairement à ce que nos politiques et nos médias véhiculent ce ne sont pas des postes représentatifs mineurs. Ce sont les premiers postes représentatifs dont se dote l’Union européenne non seulement auprès de ses citoyens mais, et essentiellement, en tant que l’une des plus grandes puissances mondiales. Ce sont des postes clés de la politique internationale de l’UE et de la cohésion de la gouvernance européenne. Alors est-ce que la nomination à ces postes doit rester un pur marchandage entre états, ou une jeu de chaises tournantes ? On arrive à ce stade à une véritable caricature de ce que la politique et la démocratie représente en Europe et dans nos principaux pays européens, notamment en France et au Royaume-Uni. L’Allemagne est encore bercée par les douces illusions des Allemands de l’est qui se sont voici 20 ans "libérés" d’un régime qui leur déniait tous droits et libertés.

Le droit à pétition établi par le traité de Lisbonne est une farce démocratique, une distorsion bureaucratique dans un processus démocratique, une "communautarisation" des citoyens en Europe qui véhiculera toutes les revendications communautaires et minoritaires plutôt qu’une vision sociale (diviser pour mieux régner). Peut-on réellement croire qu’en voulant rapprocher la Commission européenne des desiderata des citoyens en Europe on la rendra plus démocratique ? C’est donc reconnaître que c’est cet organe, issu d’aucun processus politique et démocratique qui détiendrait le véritable pouvoir décisionnel. Peut-on vraiment croire que la démocratie passe par les arcanes bruxellois, et le bon vouloir de fonctionnaires européens non "limogeables" et immunes à vie ?
La démocratie, un cancer...


- Tout est mis en œuvre pour lutter contre la parole du peuple, dès que celui-ci s’exprime on s’offusque de tant de malhonnêteté et de tant d’absence de reconnaissance envers des chefs d’état et un système qui font tout, mais tout pour leur peuple.

Nos "bons petits pères des peuples" qui n’ont pas vu venir la crise, qui manipulent les chiffres du chômage, des licenciements, des fermetures d’usine, des ventes d’automobiles, qui se laissent gruger par des pouvoirs financiers qui les terrorisent en agitant des spectres des gouffres financiers si on ne les laisse pas continuer à creuser nos fosses. Qu’on laisse donc mourir GM de sa petite mort, qui est inéluctable et sauvons ce qui reste encore de l’automobile européenne. Que l’on taxe les banques ou les systèmes financiers pour participer à la solidarité sociale. Qu’est-ce que cela veut dire de se retirer des paradis fiscaux ? Plutôt que de lutter contre on va laisser le champ libre à d’autres établissements bancaires et financiers du monde. Les Etats-Unis s’en frottent déjà les mains ! Les Bahamas, et les Iles Caïmans ont de l’avenir devant eux. Qu’on arrête de vouloir concurrencer le monde avec une Europe sociale à la baisse, qui s’abaisse justement au plus petit dénominateur commun. La proposition du gouvernement français d’embaucher des salariés roumains ou polonais à 3 ou 4 euros de l’heure, bouée-test lancée pour connaître de la réactivité de la société sur la question, est proprement scandaleuse (d’ailleurs elle a scandalisé l’ensemble des exploitants agricoles). Nous ne nous sommes pas battus pour cela ! mais bien pour Europe du bien-être, de l’égalité des chances et du développement, et pour que ces valeurs là nous puissions en faire bénéficier le monde, de façon pacifique, à l’exemple de ces 50 dernières années de construction européenne.

Nos "bons petits pères des peuples" qui, comme Pétain, nous engluent de leurs débats sur l’identité nationale à l’heure où justement il faudrait innover en matière d’intégration socio-politique européenne. Un ministre franco-allemand ? Mais pourquoi faire ? Alors que nous sommes en pleine crise européenne ! Vous l’avez lu vous le questionnaire français sur l’identité nationale ? La France vs l’Europe, la Français vs les immigrés, et que l’on fasse chanter "tous les enfants de France" (Hitler parlait bien de "germanisation... à l’exemple de la France...) haut et fort un hymne national qui appelle à la guerre, que l’on conspue ceux qui osent critiquer et s’opposer à la fierté d’être français. L’opposition ? Y en a-t-il encore une. Nos partis conservateurs ont aspiré au sein d’un même organe depuis la gauche à l’extrême droite toutes les velléités de conspiration, mettant à l’index du terrorisme/anarchisme tout mouvement déviant (les exemple ne manquent pas en France : depuis Rocard (PS) à de Villiers (Libertas), en Allemagne : coalition Jamaïque rassemblant CSU/CDU/FDP/Die Grünen... à vos souhaits !). Cela vous donne une image de nos hommes politiques d’aujourd’hui marchandant un siège à la table royale, contre une défection sur le terrain, pourtant ce sont des élus ayant reçu un mandat spécifique des citoyens... sans oublier qu’ils "marient" avec aisance leur influence avec le pouvoir médiatique, on est en droit de s’inquiéter de leur sens de l’éthique. Les médias sous chape, où l’on a pris soin de placer nombre d’amis, ne sont autres que les relais des bonnes actions et des bonnes pensées de l’état. Sitôt un journaliste ou un intellectuel (si, si, il en existe encore !) ouvre une gueule un peu trop grande, sitôt la première injonction d’un porte-parole gouvernemental ou d’un ministre de la Cul-ture relayée sur tous les supports.
Lavage de cerveau de nos élites politiques, médiatiques...

Lavage de cerveau des citoyens par l’intermédiaire d’organes et d’instrument politiques qui viennent peu à peu ronger nos libertés de pensée, d’expression, de communication, de déplacement, au nom d’une guerre contre le terrorisme auquel plus personne ne croit, tellement nos hommes d’état ont éculé la notion, ce qui rend la situation encore plus dangereuse. Des médias de plus en plus sous influence, Reporters sans Frontières a constaté que l’Europe en général est en recul sur la liberté de la presse. Des instruments qui nous condamnent à évoluer de plus en plus dans une liberté factice : fichés depuis le petite enfance, jusque dans notre inimité (carnet de santé - MST (Sida), sexualité, religion, fichier Edvige...) écoutés, espionnés (caméras vidéos dans les rues, Hadopi, directive Telecom, stockage de tout appel téléphonique, tout email, toute recherche sur le net, twitter...), vendus (accès des services "publics" à l’ensemble des données, transmission des informations aux pouvoirs américains, vente frauduleuses des données à des entreprises privées...), l’étau se resserre sur le citoyen. Et si cela ne vous rappelle rien, demandez à nos chers concitoyens qui ont fait sauter les murs voici 20 ans.

L’espace Schengen n’est plus qu’un leurre, au cours de mes derniers voyages trans-frontaliers par le train en Allemagne nous avons été fouillés par des "policiers" auxquels ils ne manquaient plus que les chiens, en voiture, j’ai été interrogée à la frontière italienne sur le but de mon voyage... Nous devons nous soumettre au traitement de choc de la grippe H1N1, parce que le gouvernement en a décidé ainsi, mais dont le déferlement se laisse désirer, et dont la psychose mise en place par les pouvoirs publics permet d’occulter tout les dysfonctionnements des services de santé. Combien de morts par la grippe "normale" ? Combien de personnes qui ne se font pas soignées, tout simplement les dents par exemple, parce que les soins deviennent trop chers ? Et que dire des visites médicales scolaires non effectuées, inefficaces, parce que les autorités ne sont pas dotées de moyens.

Alors ? L’Union européenne ne lancera certainement pas de politique de conquête du sol vers l’est - quoique, imposer les élargissements de la Turquie, de l’Ukraine etc... n’est-ce pas une certaine perception colonialiste de l’Europe ? Elle ne réalisera certainement pas une "européanisation du sol", actuellement nous sommes plus près d’un morcellement européen, et d’une récupération par des forces nationalistes (que ce soit économiques : cf l’Allemagne, militaires : cf le Pologne, ou encore identitaires : cf la France...), sauf si demain elle concentre effectivement ses pouvoirs entre les mains de politiciens, comme Blair, Brown (avec son candidat David Miliband), Rasmussen, le danois, à l’Otan, Merkel et ses visites d’intronisation aux USA, et tous les autres, qui ne peuvent pas concevoir l’Union européenne indépendante de toute vision transatlantique. Alors, comme cela est déjà en gestation en Pologne ou en République tchèque, flottera sur nos sols européens un autre drapeau. D’ailleurs le traité de Lisbonne n’a-t-il pas tout simplement supprimé toute référence au drapeau européen comme symbole de l’Europe ?

Alors ? Pouvons-nous nous contenter d’un simple dîner, organisé dans la précipitation (la présidence suédoise ne voulant surtout pas se laisser doubler) pour le choix de ceux qui seront demain nos deux plus hauts représentants de l’Union européenne sur la scène mondiale, être conduits pendant 5 ans par des figures de proue dont les noms sont tombés sous le couperet entre la poire et le fromage, sans que nous ayions notre mot à dire, sans que nous puissions en influencer les initiatives politiques, sans une once de contrôle et de droit à sanctionner, ne serait-ce par un vote les engagements politiques qu’ils seront amenés à prendre et à défendre ? Le 19 novembre, ce n’est pas l’Union européenne qu’il faut sauver, mais nous-même, les citoyens européens et les valeurs auxquelles nous voulons encore croire, comme la démocratie par exemple... 

Marianne Ranke-Cormier
Bagneux, France 

Marianne Ranke-Cormier est membre du comité directeur de Newropeans et directrice de publication du webzine européen www.newropeans-magazine.org



4 réactions


  • zelectron zelectron 14 novembre 2009 13:08

    Et donc, qu’est-ce qu’il y a à manger, le menu SVP ? Ya du sanglier ?


  • Peretz Peretz 14 novembre 2009 18:08

    Citoyens de tous les pays, unissez-vous ! Oui, mais il faudrait commencer par la France, ensuite on verra...(www.citoyenreferent.fr)


  • kalon kalon 14 novembre 2009 18:12

    dés l’instant ou l’Europe n’a plus besoin d’écouter l’avis des Européens, cela tombe sous le sens que les Européens n’ont plus besoin de donner leur avis à l’Europe !


  • ELCHETORIX 15 novembre 2009 01:55

    quelle démocratie ! en 2005 la majorité d’entre-nous les citoyens français a voté non à cette europe ANTI-démocratique !
    la « tâche » du « palais » de l’élysée s’est « assis » dessus la décision d’un vote démocratique par un vote de l’assemblée nationale non représentative du peuple français !
    le dîner de con tourne à la farce nauséabonde d’une ’élite« politicienne qui brasse du vide car le vrai pouvoir est le pouvoir économique et FINANCIER !
    c’est le dîner des nuls et des cyniques sans culture , et sans convictions ; un seul »dieu« celui de l’argent-roi et facile , et le pouvoir ridicule d’exister par médias interposés !
    Les peuples européens sont anesthésiés , pour ne pas dire invisibles , donc sans existence propre , puisqu’ils ne participent plus » à la marche du temps « , qu’est l’apparition d’un nouvel ordre mondial mille fois plus destructeur que les nations »totalitaires " des siècles passés .
    Mais ne vous inquiétez-pas , on ne se laissera pas faire , vous verrez !
    cordialement .
    RA .


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