jeudi 16 octobre 2008 - par Sylvain Rakotoarison

Le plan européen contre la crise mondiale

L’Europe vagabonde semble se ressaisir. À qui le mérite ? Qu’importe ! Ce qu’il restera, c’est que lorsque l’Europe parle d’une seule voix, elle est puissante et peut compter dans le monde.

Le Samu est venu le 12 octobre 2008 au sommet de l’Eurozone et se traduit par un Conseil des ministres le 13 octobre, par un vote important à l’Assemblée nationale le 14 octobre, par un Conseil européen les 15 et 16 octobre et par une rencontre à Camp David entre les dirigeants européens et George W. Bush le 17 octobre.

Le plan pour aider les banques qui a été adopté par l’Assemblée nationale a nourri beaucoup de polémiques, d’incompréhensions et de rancœur.

En clair, on reproche à ce plan de faire financer par les contribuables (l’État) tout un système qui s’est lui-même mis en crise après en avoir faire profiter un très petit nombre. Et avec des sommes énormes alors que le millième est déjà difficile à débloquer pour des causes nettement plus morales comme l’aide aux plus défavorisés, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Peut-être le plan Paulson a-t-il causé beaucoup de confusion dans les esprits, car ce que proposent les Européens est très différent de la réaction de l’État américain de vouloir racheter des actifs sans valeur.


Que dit le plan adopté mardi par les députés français ?

Il dit que l’État se porte garant des crédits interbancaires à hauteur de 360 milliards d’euros jusqu’au 31 décembre 2009.

C’est-à-dire que ces 360 milliards sont plutôt dans le virtuel pour l’instant.

La recapitalisation, c’est une renationalisation du système bancaire. Mesure cocasse prise dans l’urgence (c’est encore plus cocasse aux États-Unis). L’État achète des actions aujourd’hui (sans droit de vote, mais avec capacité d’en changer les dirigeants) et compte les revendre dans quelque temps une fois la crise passée. À moins que la banque dans laquelle l’État a investi n’existe plus…

La garantie se réalisera avec contrôle (reste à savoir comment s’opérera concrètement ce contrôle). De plus, cette garantie est payante. Et si l’établissement bancaire (au bord de la faillite alors) devait faire jouer cette garantie, alors l’État serait rémunéré en intérêts élevés pour son intervention financière (temporaire) et émettrait un emprunt afin de pouvoir accéder aux montants garantis.

En contrepartie, l’État s’assurerait que les fonds éventuellement débloqués seraient « orientés vers les prêts à l’économie française » (c’est-à-dire pour les entreprises, les particuliers et les collectivités locales) et se conformeraient à « des principes éthiques ».

Cette construction est certainement bancale, mais elle est néanmoins nécessaire à condition que les autres pays européens le fassent aussi. Ce qui est le cas avec près de 2 000 milliards d’euros qui seraient ainsi impliqués "virtuellement", soit quatre fois plus que le plan Paulson (dont 480 milliards d’euros pour l’Allemagne, 382 milliards d’euros pour la Grande-Bretagne).

Pour le Premier ministre François Fillon, « la simple existence de ces outils devrait suffire à ramener la confiance dans le système interbancaire ».

Le risque, dans l’hypothèse la plus noire, c’est que la crise continue (les bourses asiatiques se sont effondrées ce matin d’une dizaine de pourcents) et que les 2 500 milliards d’euros des plans américain et européen ne soient pas suffisants…

Il y a eu cependant une efficacité immédiate de ces mesures : les indices boursiers du monde entier ont grimpé pendant deux jours. La baisse après le rebond ne doit pas masquer deux choses : d’une part, ce plan destiné en urgence à redonner mutuellement confiance aux établissements bancaires a bien fonctionné (l’objectif d’urgence est atteint) ; d’autre part, c’est l’Europe qui a su "reprendre" le leadership de l’économie mondiale (pour combien de temps encore ?).

Cette "européanisation" de l’économie mondiale se déroule parallèlement à la création pour janvier 2009 d’un groupe de réflexion sur l’avenir de l’Union qui sera présidé par l’ancien Premier ministre espagnol socialiste Felipe Gonzalez et dont le but sera de réfléchir « sur le sens, le contenu et l’identité du projet européen pour le XXIe siècle ».


Quelle est la paternité de ce plan de réactivation du marché interbancaire ?

Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Gordon Brown, Jean-Claude Juncker… ? Sans doute que chacun dans son pays se l’accaparera, cette paternité (ou maternité). Et pourquoi pas ? Chaque dirigeant européen en a été l’acteur sinon l’initiateur.

Laissons Nicolas Sarkozy de côté. Il est évident qu’en présidant le Conseil européen dans une période doublement trouble (Géorgie et crise financière), il n’a pas eu un semestre de tout repos et voudra évidemment le valoriser politiquement alors que les sondages ne sont pas au beau fixe. Ce qui est naturel et humain.

En fait, ce n’est pas le plus important. En tout temps, il y a toujours eu des "récupérateurs" professionnels des idées des autres. L’essentiel, c’est que ce plan redonne confiance aux acteurs financiers, ce qui est loin d’être durablement acquis.


Qui a voté ces mesures à l’Assemblée nationale ?

Fidèlement, les députés UMP ont voté en faveur du projet du gouvernement, mais qui s’en étonnera ?

Fidèle également à ses convictions européennes et économiques, François Bayrou a apporté son soutien au gouvernement, sans pour autant lui donner un chèque en blanc. Sa position est d’autant plus courageuse qu’il veut être le premier opposant au président Nicolas Sarkozy. Le fait d’avoir su faire la différence entre l’intérêt du pays et son propre intérêt électoral est tout à son honneur et je pense que son positionnement le soir du 14 octobre 2008 est en quelque sorte "fondateur" de sa stature d’homme d’État.

Les communistes aussi sont restés fidèles à leurs convictions en refusant de soutenir le gouvernement. Redevenant anticapitalistes à outrance (après avoir participé à un gouvernement socialiste qui a mis en œuvre la monnaie unique européenne, j’aime bien le rappeler !), le PCF se cherche une nouvelle virginité pour contrer la rude concurrence d’Olivier Besancenot.

Et les socialistes ? Comme pour le Traité de Lisbonne, comme pour plein de décisions essentielles sur l’avenir du pays : les députés socialistes ont décidé de s’abstenir. De ne pas avoir d’opinion sur ce sujet crucial !

Ils prétendent vouloir un plan social à côté du plan financier. Ils n’osent pas reconnaître qu’ils sont favorables aux mesures gouvernementales. Mais pas tous, et les profondes divisions idéologiques au sein du Parti socialiste vont lui donner une bien mauvaise image lors son Congrès dans moins d’un mois à Reims.

Divisions idéologiques et surenchères des écuries présidentielles, cela ferait un bien noir tableau dans un monde en proie au doute, dans une atmosphère de crise financière internationale et de fin de règne aux États-Unis.


Heureusement, pas d’élection à l’horizon

Le président de la République Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon bénéficient d’une chance inestimable : ils n’auront pas à affronter une élection nationale avant trois ans et demi. Cela leur laisse un peu de temps pour éviter de traduire la panique financière en panique électorale.

Avantage que n’ont pas les Américains, qui votent dans trois semaines et dont le plan Paulson, valable il y a trois semaines, ne paraît plus vraiment d’actualité : les États-Unis devront-ils alors imiter pour une fois cette vieille Europe qu’ils ont tant moquée ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 octobre 2008)


Pour aller plus loin :

Communications sur la crise financière au Conseil des ministres du 13 octobre 2008.

Discours du Premier ministre François Fillon le 14 octobre 2008 à l’Assemblée nationale.

Audition parlementaire sur la crise financière (2 octobre 2008).

Première journée du Sommet européen de Bruxelles (15 octobre 2008).





13 réactions


  • La Taverne des Poètes 16 octobre 2008 11:50

    "les indices boursiers du monde entier ont grimpé pendant deux jours." Formidable !!! 2500 milliards jetés à fond perdu et sans garanties réelles, cela valait la peine ! Allons ça baisse encore ? Mettons 2500 milliards de plus et ça tiendra encore 48 heures !

    Quand on en arrive à amener sa voiture au garage tous les matins pour des réparations , la solution intelligent est d’en changer, non ? 


    • Botsu 16 octobre 2008 12:33

      Non, pour le moment l’arnaque dure et personne ne bronche, donc c’est encore valable :]

      Les cours rebondissent, ça y est ouf c’est fini. Ah ben non, mais qu’à cela ne tienne, on double la mise. Dommage que la majorité de nos analystes ne soient dotés que d’une vision a 20 cm (25 en ratissant large). Empressés qu’ils sont de remplir leurs journaux papiers de leurs articles médiocres, pour nous annoncer chaque semaine une nouvelle crise et son dénouement.

      Au fait, tous ces hommes politiques qui jouent des centaines (milliers) de milliards à la roulette, ils ont un mandat pour le faire ? Il ne me semble pas avoir été consulté pour me demander mon avis... Mais, on continue à se réjouir d’être sacrifié chaque jour sur l’autel du veau de papier... par les mêmes irresponsables portant sur leurs épaules le poids de la situation actuelle. Tout semble aller pour le mieux. D’aucuns trouvent cela tellement réjouissant qu’ils en font des articles. Si, si.


    • La Taverne des Poètes 16 octobre 2008 13:04

      Les politiques ? Ils consultent des voyantes et voilà le résultat !


  • Mr Mimose Mr Mimose 16 octobre 2008 12:37

    Et il n’auraient pas pu filer 30 milliards au nations unies pour eradiquer la faim dans le monde ??????


    • Botsu 16 octobre 2008 12:39

      Ca rapporte rien la faim dans le monde. Tu les nourris, tu leur offres quelques garanties sociales et ils commencent à bientot ils revendiqueront les mêmes droits que leurs homologues occidentaux. Faut pas déconner ho.


    • Botsu 16 octobre 2008 12:40

      Et un mars à celui qui arrive à corriger mon commentaire tout seul, d’abord.


    • La Taverne des Poètes 16 octobre 2008 13:07

      à Mr Mimose : "son peuple" ? Non ,ce n’est pas Sarkotoarison mais Rakotoarison.
      Rakoto racketté ne le sait pas encore...


    • La Taverne des Poètes 16 octobre 2008 13:15

      Il ne parle avec personne
      Rakotoarisonne.
      Il ne connaît plus personne
      Rakotoarisonne.

      Il voterait bien trois cent
      millions d’euros au Parlement
      Que lui importe de mourir
      s’il faut sauver l’argent !
      Que lui importe de mourir
      s’il faut sauver l’argent !

      P.S : Cette mise en chanson d’un désaccord sur la politique menée n’est pas à prendre au premier degré. smiley


  • Daniel Roux Daniel R 16 octobre 2008 19:01

    Ne nous faisons pas d’illusion, rien n’est bon dans le Sarko. .

    J’ai écouté son discours embarassé. Pas de surprise, le style est toujours le même : "Moi, moi, moi et l’autre aussi un peu mais surtout moi.’’

    La méthode Coué comme politique, la précipitation et l’agitation comme principe d’action.

    S’il avait le sens de l’intérêt général et de la décence, il devrait démissionner avec tout son gouvernement. Après tout, n’est-il pas le représentant de cette engeance ultra libérale pro américaine qui nous a mis dans la mouise ? Mais ne rêvons pas, la soupe est trop bonne et chacun pour moi.

    L’étendard Ecologie en avant, surtout vendre aux quatre coins du monde les centrales atomiques d’Areva. Chichi lui, vendait surtout des Airbus, chacun son truc. VRP de luxe alors qu’il nous faudrait un homme politique.

    Les Allemands eux, veulent vendent leurs grosses cylindrées, alors les normes de rejet co2 ne devront pas être trop basses.

    Les Polonais et les Italiens roulent pour Washington, comme dab, donc pas de normes écolo qui donnerait des idées aux citoyens américains en perdition automobile et tout le reste.

    Junker protège les paradis fiscaux donc pas d’harmonie fiscale et secrets bancaires maintenus.

    Brown protège la City et le Reine, donc pas d’harmonie sociale.

    Tous protègent leurs amis fortunés et actionnaires de multinationale, donc pas de protectionnisme européen et la misère pour les peuples.

    Enfin, quoi qu’il arrive Berlusconi fait la fête. Son angoisse de mourir prend le pas sur le reste. "Ma fortune pour retrouver mes 30 ans. Tant que je bouge, c’est que je suis vivant." Chacun son truc.



  • morice morice 17 octobre 2008 08:04

     ah au gfait ,Sylvain votre pouliche "intelligente" là..

    Source : lefigaro.fr
    17/10/2008 | Mise à jour : 07:17 | 
    Commentaires  1
     
    Le Washington Post a annoncé hier soir qu’il apportait son soutien à Barack Obama dans la course à la Maison-Blanche.
    Dans un éditorial publié sur son site Internet, le Washington Post explique que sa décision a été facilitée par la "campagne décevante" de John McCain et "par sa sélection irresponsable d’une colistière (Sarah Palin, NDLR) qui n’est pas prête à être présidente". 
    Le quotidien, qui avait soutenu les candidats démocrates lors des deux dernières élections, témoigne de son "admiration" pour le candidat démocrate et les "qualités impressionnantes" dont il a fait preuve durant la campagne.  Est rejetée comme trop bête par le Post ..."les États-Unis devront-ils alors imiter pour une fois cette vieille Europe qu’ils ont tant moquée ?" ben euh on a bien Roselyne, nous....


  • Annihilator 17 octobre 2008 10:12

    L’economique europeene est étroitement liés avec economique de USA. Mais ce ne note pas que la crise en l’Europe sera surmonter comme de USA. Voila un clip - http://uk.youtube.com/watch?v=tWORppDLBDs&feature=related


  • chmoll chmoll 19 octobre 2008 12:01

    ben tiens des plans en veut tu ,en voilà

    l’blème c’est d’commencer les travaux

    p’t’ètre qui faut faire appel à l’émission d’julien gourbet


  • Antoine Diederick 19 octobre 2008 23:07

    Bonsoir,

    A l’auteur, peut -être que l’Europe parviendra a faire entendre sa voix, possible...


    je n’aime pas m’exprimer ainsi, mais pour faire simple....

    "les hommes politiques sont dans la merde et nous aussi, les citoyens....."


Réagir