jeudi 12 juin 2008 - par Gil Genappe

Les 400 jours de monsieur Leterme

365 jours après les élections de juin 2007, il n’en reste que 35 à Yves Leterme pour présenter les contours de la fameuse réforme de l’Etat.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le premier anniversaire des élections législatives belges du 10 juin 2007 ne s’est pas fêté dans la joie. Le mot d’ordre serait plutôt « profil bas ». Un message apparemment reçu 5 sur 5 par les états-majors des partis de la coalition gouvernementale, à l’exception d’un seul : le CD&V de Yves Leterme, ci-devant Premier ministre en exercice.

C’était il y a un an : les élections législatives fédérales belges voyaient émerger un nouveau leader, en tout cas en termes de voix de préférences : avec un score record de 800 000 voix, Yves Leterme ramenait triomphalement la démocratie chrétienne flamande aux affaires, après deux législatures de purgatoire. Au prix, il est vrai, d’une alliance périlleuse avec un « mouton noir », le parti nationaliste flamand NVA. Logiquement, M. Leterme se voyait rapidement nommé formateur. Héraut de la cause flamande et porteur des revendications autonomistes en faveur d’une profonde réforme de l’Etat donnant davantage de prérogatives aux régions, il allait buter, 7 mois durant, sur l’impossible concorde entre intérêts communautaires divergents. La Belgique assistait, incrédule et consternée, à une interminable négociation gouvernementale en trompe-l’œil, dans laquelle les agendas cachés des uns le disputaient à l’intransigeance des autres. Yves Leterme allait y montrer ses limites à se positionner comme un homme d’Etat et, a fortiori, en premier ministrable crédible. Il fallut le retour en catastrophe du Premier ministre sortant – et grand perdant des élections – Guy Verhofstadt pour mettre sur pied, à Noël, un gouvernement intérimaire à offrir clés en main, le 21 mars, à Yves Leterme, éternel revenant dans une course minée d’avance par son propre partenaire de cartel, l’autonomiste NVA.

Gouvernement autiste

Yves Leterme a lui-même donné rendez-vous aux sceptiques le 15 juillet pour un projet de réforme de l’Etat. Las, à 35 jours de l’échéance, rien n’a encore été entrepris, malgré la nomination de deux ministres des Réformes institutionnelles… Dès lors, qu’adviendra-t-il si, à l’échéance, les Flamands jugent les avancées trop timides et retirent, comme la NVA a promis de le faire, leur confiance au Premier ministre ? D’abord, M. Leterme ne disposera plus de la majorité des 2/3 indispensable à une révision de la Constitution. Adieu donc la grande réforme ! Ensuite, sa majorité, bien fragile et bâtie sur un équilibre inhabituel et asymétrique, risque de voler en éclats, provoquant une nouvelle crise traumatisante. Comment interpréter autrement les déclarations faites ce week-end par la nouvelle présidente du CD&V, Marianne Thyssen ? Comme pour rappeler Leterme à l’ordre, elle a lâché, dans un discours à ses troupes, que : « Si les francophones refusent de discuter de nos propositions pour la réforme de l’Etat, c’est très simple, nous remettrons en cause la solidarité interpersonnelle et interrégionale. » Une menace à peine voilée sur l’unité du pays et l’on peut faire confiance à Mme Thyssen, porte-drapeau de la jeune garde dure du cartel CD&V/NVA, pour tenir parole. D’autant qu’elle précise : « Nous réfléchissons à l’avenir du pays. Pour l’assurer, il est selon nous essentiel de rendre plus efficaces les politiques d’emploi, de soins de santé, des familles. Cela passe par des réformes qui regroupent à un même niveau de pouvoir les compétences qui sont pour l’instant éparpillées. » Transmis à un gouvernement autiste, qui n’a toujours pas établi l’ombre d’un projet de solution à la question de BHV. Résoudre en 35 jours un problème qui perdure depuis 45 ans : voilà un vrai défi d’homme d’Etat ! La dernière carte d’Yves Leterme ?




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