mardi 3 mars 2015 - par
Les progrès dérisoires de la taxe Tobin européenne
The Economist, qui s’est toujours fait le porte-parole de la finance, qui s’oppose dogmatiquement à toute taxation des transactions financières, a conté dans un récent papier les timides progrès de l’initiative des pays européens. Tellement timides qu’ils n’en font pas grand cas…
La mini-taxe européenne
The Economist rapporte que la France et l’Italie ont récemment mis en place des taxes sur les transactions financières. La France s’est inspiré de l’impôt de bourse anglais en 2012 et a mis en place une taxe de 0,2% limitée aux seuls achats d’action. Même le Crédit Suisse a reconnu que l’impact sur les volumes échangés a été très limité. Le cas de l’Italie est plus intéressant car, en 2013, Rome a mis en place une taxe de 0,12% sur les actions et de 0,22% sur les échanges hors cote. Six mois plus tard, les dérivés ont aussi été taxés. En revanche, le volume des transactions a fortement baissé par rapport aux autres pays selon le Crédit Suisse. Londres et Luxembourg s’opposent à toute taxe.
Malgré cette opposition, en 2014, onze pays européens ont décidé de lancer une initiative européenne. La position de la France est ambiguë. Si elle pousse le projet, elle s’est longtemps opposée à la taxation des dérivés, dont ses banques échangent un quart des volumes européens. Les débats portent également sur les principes de la taxation : faut-il se baser sur le pays d’émission des titres, le pays de l’acheteur ou celui du vendeur ? Début janvier, la France a changé d’opinion, appuyant une large base de taxation, s’alliant avec l’Autriche et l’Italie. The Economist conclut en notant que les financiers, qui pensaient que la taxe ne verrait jamais le jour, pensent désormais que cela est possible.
Ce que révèle ce débat
Même si The Economist parle d’une « nouvelle vie pour une mauvaise idée », le journal, porte-parole des élites globalisées, ne semble pas vraiment s’inquiéter de sa mise en place. Il faut dire que Pierre Moscovici est en charge du dossier, lui, qui, comme ministre de l’économie, avait apporté son soutien à cette finance. On peut en conclure qu’au mieux, un projet désiroire et miniscule verra le jour, destiné avant tout à montrer que les gouvernements européens font contribuer la finance, qui négociera sans doute des compensations pour cette nouvelle taxe, qui ne changera rien, d’autant plus que la sacro-sainte liberté de circulation des capitaux lui permettra d’échapper à une grande partie.
En prenant un peu plus de distance, il faut rappeler ici l’appui apporté par Joseph Stiglitz dès 2001 à une telle taxe, pour la double raison qu’elle permettrait de faire davantage contribuer le secteur de la finance à la collectivité et qu’elle contribuerait sans doute à réduire les phénomènes de bulle, qui se caractérisent en principe par une augmentation des volumes de transaction (et donc une plus forte taxation). Mais il faut noter qu’en l’absence de frontières pour les flux financiers, toute taxation est compliquée, si ce n’est illusoire, les capitaux pouvant chasser les parasites fiscaux pour échapper à toute contribution à la collectivité. Voilà pourquoi il est capital de mettre fin à l’anarchie financière.
Il est probable que la montagne accouchera d’une souris, si jamais elle aboutit à quoi que ce soit. Mais parce que les efforts sont bloqués par la libre circulation des capitaux, le nom politiquement correct de l’anarchie financière, ils montrent que le rétablissement des frontières est la condition pour la mettre en place.