lundi 29 décembre 2008 - par elisabeth

UE : du déficit démocratique au krach démocratique 1)

Lors du sommet européen du 12 décembre 2008, les membres du Conseil de l’Europe (l’organe qui réuni les Chefs d’Etat et de Gouvernement, et qui est présidé pendant six mois par un Etat membre : aujourd’hui la France, à partir du 1er janvier 2009 la République Tchèque) ont établi un « compromis » sur le traité dit de Lisbonne (qui de l’avis de tous reprend 98% du TCE rejeté par les Français et les Néerlandais en 2005) visant à répondre aux « inquiétudes » et « craintes » des Irlandais, qui seraient responsables du « non » (à 53%) des Irlandais le 12 juin 2008.

Dans la perspective de l’adoption rapide de ce « compromis » par le Peuple Irlandais, le Gouvernement de Brian Cowen (le « Taoiseach » (Premier Ministre) de l’Irlande) est donc très fortement encouragé à « rechercher la ratification du traité de Lisbonne » dans la période allant de janvier 2009 à novembre 2009, date prescrite par le Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec le « Conseil » qui désigne le Conseil des Ministres) car elle coïncide avec la fin du mandat de l’actuelle Commission Européenne.

http://www.ue2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1211_Conseil_europeen/Conseil_europeen12-12-2008_Conclusions_FR.pdf
 

En réalité, cette période sera bien plus courte, en raison de la particularité de l’année 2009 : année d’élection européenne. Pour des raisons politiciennes, et politiques, le Premier Ministre Irlandais ne pourra procéder à un deuxième référendum qu’après les élections européennes, c’est à dire au mieux en octobre 2009.
 

Or, dans l’éventualité d’un « oui » des Irlandais, en octobre, les règles régissant le traité dit de Lisbonne prévoient que ce dernier entre en vigueur au 1er jour du mois suivant le dépôt du dernier instrument de ratification. Et la nouvelle Commission doit être en place au 1er novembre. Bref, si le référendum irlandais a lieu en octobre (ce qui est l’hypothèse la plus plausible), c’est mission impossible. Car cela voudrait dire qu’il faudrait mettre en place une Commission réduite à 26 membres en novembre (en respect du traité dit de Nice) puis renommer (en décembre par ex) une nouvelle Commission avec cette fois ci 27 membres.
 

D’où l’idée du Conseil de l’Europe d’étendre le mandat de la Commission Européenne de quelques mois (trois à six mois...Puisqu’il faudra attendre la ratification des États « manquants » tels que la Pologne, l’Allemagne, ou encore la République Tchèque) en attendant le « oui » des Irlandais au traité dit de Lisbonne.
 

Tout ceci pourrait avoir du sens...Si cela ne violait pas, de manière éhontée, les traités signés par chacun des Etats membres de l’UE, et par conséquent chacune des Constitutions nationales...Ce qui porte, à l’évidence, atteinte à la sécurité juridique de chaque citoyen d’Europe.
 

Car ce « compromis » visant à étendre le mandat de la Commission Européenne, est un fait politicien...
 

  • Monsieur Barroso y souscrit car dans l’hypothèse du Traité de Nice, il n’y a que deux postes à répartir : le président de la Commission et le Haut représentant (pas de président du Conseil européen). Ce qui contrarie ses plans.

 

  • Les Etats membres militent pour un tel prolongement, parce qu’avec le Traité de Nice, il faut réduire tout de suite la Commission d’au moins un commissaire. Or ce commissaire serait, en la circonstance, celui de l’Irlande, puisque les Irlandais ont « mal voté »...Mais ce faisant l’UE se verrait sanctionner lors du référendum sur le traité dit de Lisbonne...Et s’il s’agissait d’un autre membre, les Etats craignent des discussions interminables. En effet, sachant qu’il est nécessaire d’obtenir l’unanimité sur un tel sujet, on voit mal quel État accepterait de se départir de son commissaire...Surtout juste avant les élections européennes.

 

...Sur le plan juridique, il est parfaitement illégal.
 

Il suffit en effet de lire le traité, pour le comprendre : la Commission est nommée pour un mandat de 5 ans. Rien n’est prévu pour prolonger celle ci, et c’est d’ailleurs bien l’objectif du traité. Cela contraint les Etats membres – qui ont la haute main sur le choix des Commissaires européens, et sur celui de son Président, et qui continueront de l’avoir qu’il s’agisse du traité de Nice ou de celui de Lisbonne – à se mettre d’accord. Et cela oblige le Parlement européen – qui doit donner sa « confiance » à la nouvelle Commission – à souscrire au choix des Etats membres.
 

Si l’on voulait s’assurer de cette interdiction, l’article 215 – contrairement aux assertions de certains – accrédite cette vérité, en confirmant les limites du mandat de la Commission. Car si l’article 215 prévoit bien que "les membres de la Commission restent en fonctions jusqu’à ce qu’il soit pourvu à leur remplacement ou jusqu’à ce que le Conseil décide qu’il n’y a pas lieu à remplacement" – ce qui pourrait passer pour une autorisation au prolongement du mandat de la Commission – encore faut il considérer que cette disposition vient en 4e § d’un article destiné à régir les cas d’interruption de fonction en cours de mandat. "Hormis les cas de renouvellements réguliers et les décès", c’est-à-dire essentiellement la démission volontaire.
 

Un tel prolongement de la Commission Européenne serait donc en parfaite illégalité avec le traité que...La Commission a pourtant mission...De protéger ! En effet, la Commission se voit confier par l’article 211 du Traité de Rome trois rôles principaux : un rôle de gardienne des traités, un rôle de proposition, ainsi qu’un rôle d’exécution.
 

Ce faisant, la Commission, gardienne des traités – on l’a dit – violerait donc l’intégralité des traités, et particulièrement le dernier (s’il est ratifié, ce qui n’a rien de certain) – le traité dit de Lisbonne – car le viol d’un traité entraîne, mécaniquement, le viol des lois constitutionnelles qui ont permis son adoption...Et donc, in fine, la Loi Fondamentale de chaque pays membre.
 

Or, le traité de Lisbonne dit précisément que « L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles ». Avant même son adoption...Le traité serait donc violé par l’ensemble de ses cosignataires ! A commencer par son principal défenseur : Nicolas Sarkozy.
 

En violant les traités européens, dont elle est pourtant la gardienne, la Commission Européenne violerait donc cette disposition, car le viol du traité entraînerait mécaniquement le viol de l’article 88,1 (qui « gère » les traités signés avec l’UE) de la Constitution française, mais aussi le viol du « bloc de constitutionnalité » qui regroupe notamment la Déclaration de 1946 qui régit la participation de la France à l’ordre international et qui précise bien la « réciprocité » des engagements, mais aussi la Déclaration de 1789 puisque l’UE violerait le constituant (originaire comme secondaire) en infirmant la loi constitutionnelle qui a permis l’adoption du traité, et donc le principe de Souveraineté nationale, en adoptant une mesure – l’allongement du mandat de la Commission – contraire à l’esprit de la Loi Fondamentale, qui seule donne crédit aux traités.
 

Sur le plan européen, cela ne serait pas non plus sans conséquence. Car une Commission prolongée en illégalité du Traité risquerait de voir ses décisions annulées par la CJCE...Mais aussi par les Cours « nationales » type Cour de Cassation ou même Conseil d’Etat. Bien sûr aucun Etat membre ne pousserait le pion jusqu’à aller à la CJCE ou même la Cour de Cassation.

Mais on peut être sûr qu’à la première décision individuelle (anti dumping, amende concurrence, non instruction d’une aide d’Etat, concours, nomination...), un avocat aurait beau jeu d’invoquer devant la Cour le défaut de composition de la Commission. Et sauf à se rendre illégitime, la CJCE comme ses homologues nationales, ne pourra, en respect des traités, que donner raison à ces demandes.

Tout ceci tend à prouver le caractère profondément antidémocratique de l’Union Européenne, qui pourtant se prétend le porte parole des valeurs démocratiques. Mais il ne suffit pas de faire des élections pour être une Démocratie. L’URSS en faisait...Elle n’était pas pour autant un régime démocratique. Louis Napoléon Bonaparte en faisait : le régime politique de la France n’en était pas moins impérial.
 

Après le déficit démocratique de l’UE, on assiste donc à présent au krach démocratique de celle ci.

  • absence d’un Etat de Droit véritable : la « gardienne » des traités étant la première à les violer
  • non respect de ses membres : violation indirecte des Lois Fondamentales des Etats
  • complicité des « gouvernants » : en France, le Président de la République faisant preuve de « manquement à ses devoirs dans l’exercice de ses fonctions » ; les partis politiques assignés par la Déclaration de 1789 à défendre les Droits de l’Homme et du Citoyen violent ces derniers ; Parlement irresponsable faisant usage d’un abus de pouvoir en autorisant la violation de la Constitution dont ils sont – mandat législatif oblige – les gardiens.

Etc.



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