En passant par Dinan
La situation géographique de Dinan, son caractère de ville historique, la beauté des environs, font qu’une exposition d’art y remporte un vif succès. Ce fut le cas des expositions temporaires consacrées à Camille Claudel en 2005 et à Braque en 2006, durant l’été. En 2007, la ville de Dinan expose le peintre Henri de Toulouse-Lautrec.
Il aimait à dire : "Je boirai du lait quand les vaches brouteront du raisin." Le sort semble s’être moqué de lui : il fut enterré à Verdelais (Gironde). Infirme, il était né à Malromé dont le nom fait presque "malformé". Henri de Toulouse-Lautrec était malformé du fait d’un accident qui lui brisa les jambes et bloqua sa croissance. Sa naissance par consanguinité de ses parents, qui développa chez lui une maladie des os, fut aussi à l’origine de cet accident. Il n’était pas beau et il joua de son aspect de nabot grotesque pour inquiéter les gens, jouer de leur malaise. Ivrogne et coureur, il mourut de la syphilis.
Guère plus beau était Bertrand Du Guesclin, connétable de France né en 1320 à la Motte-Broons près de Dinan. Il passait pour être « le plus laid qu’il y eut de Rennes à Dinan ». Une brute sanguinaire qui sauva la France (et délaissa la Bretagne dirent certains). Son gisant à la basilique de Saint-Denis permet de se rendre compte de son physique disgracieux.
Ces deux personnages, Toulouse-Lautrec et Du Guesclin, étaient laids, mais d’une laideur exprimant une force et un caractère hors du commun. La ville de Dinan est le point de rencontre de ces deux figures (c’est le cas de le dire) et paradoxalement de l’esthétisme. Une exposition des œuvres du peintre dans le cadre superbe de cette ville historique et de ses alentours (dont la rivière de la Rance) est visible actuellement et jusqu’au 30 septembre 2007.
"Cette exposition s’intéresse à une période d’une quinzaine d’années - entre le milieu des années 1880 et jusqu’à sa mort en 1901 - au cours de laquelle l’artiste s’attache à la représentation de l’univers nocturne du Montmartre de la Belle Époque. Son immersion dans la bohème montmartroise le conduit à un changement radical de ses sujets, des moyens employés pour les transcrire et de son style de vie", dit le site de présentation de l’exposition. C’est pendant cette période que Toulouse-Lautrec devint l’"âme de Montmartre", ou plus exactement des frasques de la vie nocturne du quartier de la Butte. Bien que laid lui-même, le peintre ne se gêna pas pour caricaturer plusieurs de ses modèles, ainsi la chanteuse Yvette Guilbert, au nez très pointu et aux gants noirs.
L’humour grinçant du peintre le poursuivit jusqu’à la tombe. Ses derniers mots furent pour son père, présent à ses obsèques, qu’il gratifia d’un « Vieil imbécile ! ». Il aurait dit auparavant à cet artistocrate féru de chasse à courre : « Je savais que vous ne manqueriez pas l’hallali. »
Quant à Du Guesclin, après la profanation de sa sépulture par des révolutionnaires en 1793, son cœur seul parvint en Bretagne où il fut déposé sous une dalle au couvent des Jacobins, à Dinan. En 1810, le précieux organe fut transféré dans la basilique Saint-Sauveur de Dinan. Le musée Du Guesclin n’est pas à Dinan, mais en Lozère. Toutefois, à quelques pas du château de la ville bretonne se trouve la place Du Guesclin (et la statue de ce guerrier). Et c’est sur la place du Champ-Clos qu’après avoir battu en duel le félon Cantorbery lors du siège de la ville par le duc de Lancastre, Bertrand Du Guesclin rencontrera sa future épouse, Tiphaine Raguenel, native de La Vicomté-sur-Rance, à quelques lieues de Dinan.
Voir le site de l’exposition ici
La beauté des laids se voit sans délai à Dinan !