samedi 29 octobre 2016 - par AMeillon

Algérie : face à la totale surdité du pouvoir, l’opposition poursuit son combat

Tandis que la chute des cours du pétrole continue d’abîmer l’économie algérienne, la crise économique se meut doucement en gronde politique et sociale. Pour Ali Benflis, membre de l’opposition et patron du parti Talaie El Houriat, l’Algérie est face à un dilemme : « aller vers la modernité ou risquer le chaos ».

En Algérie, l’opposition s’organise et poursuit son combat pacifique pour l’édification d’un Etat de droit et d’une société démocratique. Comme ils l’avaient montré lors de la Conférence de Mazafran, les principaux partis d’opposition ont réussi à dépasser leurs clivages pour consolider leur union. Leur but : proposer une alternative pour le pays, dont le modèle de développement est agonisant après 17 années d’immobilisme politique et économique.

Le pouvoir en place semble en effet sourd aux conseils des principales instances économiques internationales. Le Fonds monétaire international (FMI), ainsi que la Banque mondiale (BM), ont appelé le pays à « doper les perspectives de croissance » en engageant des réformes pour relancer l’économie. La seconde estime que les réserves de change n’atteindront que 108 milliards de dollars à la fin de l’année contre 194 milliards en 2013. Elles devraient même chuter à 60 milliards en 2018 si des réformes efficaces ne sont pas mises en œuvre.

« Fuite en avant »

Mais le gouvernement, qui a trop tardé à prendre des mesures face à la dégringolade des cours de l’or noir en 2014, semble incapable d’engager les réformes nécessaires au pays. L’Etat avait jusqu’ici l’habitude d’acheter la paix sociale en subventionnant les produits de première nécessité, ce qui lui permettait de faire l’impasse sur le développement des infrastructures et des secteurs non-pétroliers de l’industrie. Mais avec 39 % de revenus pétroliers en moins au premier trimestre 2016, cette stratégie est aujourd’hui insoutenable.

Pour l’opposition algérienne, cela prouve que le pays a plus que jamais besoin de croire à la possibilité d’un changement et d’un renouveau politique. « Le régime politique en place a fait de la fuite en avant une méthode de gouvernance en dépit des défis politiques, économiques et sociaux, d’une gravité extrême, auxquels la nation est confrontée », dénonce l’Instance de coordination et de suivi de l’opposition (ICSO), réunie le 3 octobre dernier au siège du parti d’opposition Talaie El Houriat (« Avant-garde des libertés »), créé et dirigé par Ali Benflis.

Pour l’ICSO, la dépréciation des cours du pétrole n’a fait que mettre à nu l’échec économique et social du gouvernement. Malgré les nombreuses manœuvres visant à empêcher toute alternative démocratique et assurer la survie du pouvoir au détriment de la pérennité de l’Etat, l’ICSO constate « une vacance du pouvoir » qui est la « cause directe de la déliquescence des institutions de l’Etat ».

« Etablissement d’un Etat de droit »

En effet, depuis son élection en 1999, Abdelaziz Bouteflika a manœuvré pour briser toute forme d’opposition et disposer pleinement de ses pouvoirs de décision. Mais si un projet de loi validé en février par les parlementaires lui laisse la possibilité de briguer un cinquième mandat présidentiel, l’absence de réformes structurelles et le manque de projets d’envergure plombent son action et favorisent, selon l’ICSO, la multiplication des centres de décision sous contrôle de forces extraconstitutionnelles.

Le problème est davantage compliqué par l’intrusion d’argent douteux dans la sphère politique, la corruption et la déprédation de l’argent public par l’appareil politico-administratif et les clientèles du pouvoir. Si la crise économique prend des proportions alarmantes, celle du régime ne cesse de s’aggraver, et les atteintes aux droits fondamentaux se multiplient face aux revendications des Algériens.

Les citoyens subissent des interrogations dans des officines occultes, des condamnations à de lourdes peines de prison sont fréquemment prononcées sur la base de poursuites injustifiées, les médias indépendants subissent le harcèlement des autorités et l’exercice du droit à la liberté de réunion et de manifestation est entravé. La liste établie par l’ICSO pour dénoncer le rétrécissement du champ des libertés fait froid dans le dos. Et le régime continue de refuser le vrai multipartisme et la saine confrontation des idées.

Pour l’ICSO, « le changement s’impose » et l’alternative existe. L’opposition est déterminée à poursuivre son combat pour une solution politique, pacifique, démocratique et globale à la crise. Comme l’affirmait récemment Ali Benflis dans un entretien au Monde, « la seule façon de sortir de l’impasse actuelle est l’établissement d’un Etat de droit, fondé sur le respect des institutions, de la citoyenneté et des libertés ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, le choix est clair : aller vers la modernité ou risquer le chaos ».

 



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