vendredi 29 juin 2007 - par Philippe Vassé

Asie : sous la prospérité, la rage ou une journée bien ordinaire

C’est une journée ordinaire en Asie. Une petite revue de presse continentale sur ce qui se passe dans le plus grand et peuplé continent de la planète peut donc être instructive. Pour information...

Ce jeudi 28 juin 2007 est un jour comme tant d’autres dans l’année, mais il peut sembler intéressant de faire, pour l’information, une petite chronique de ce qui se passe en ce moment en Asie. Ceci peut être vu au choix comme une revue de presse, un arrêt sur image à un moment particulier ou comme l’expression à un instant précis de processsus profonds en cours.

Manger sainement en Chine, un supplice chinois ?

Monsieur Han Yi est le porte-parole du Département administratif du contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine pour la sécurité alimentaire de Chine. C’est un homme informé : c’est un "officiel" !

Il vient d’annoncer, dépêche reprise par l’agence AP, que les autorités chinoises viennent de fermer récemment 180 entreprises de fabrication de nourriture qui utilisaient comme ingrédients des produits chimiques toxiques dangereux, suite à une opération nationale de contrôle qui aurait eu lieu, selon lui, en décembre 2006... !!! Son administration aurait ainsi trouvé, selon cet "officiel" au total 15.000 tonnes d’aliments avariés, dangereux et donc non comestibles !!!...

Selon monsieur Han, il s’agit de petites entreprisess, par toujours déclarées légalement, employant en majorité moins de 10 salariés. Le quotidien "China Daily" estime que la production alimentaire chinoise, très fructueuse pour le commerce extérieur du pays, serait répartie dans un million d’entreprises dont 75 % seraient de petite taille.

Une autre administration d’Etat, l’Agence d’Etat pour l’Industrie et le Commerce, vient d’annoncer de son côté qu’elle avait fermé en 2006 152.000 ateliers illégaux de production ou de vente de produits alimentaires du fait de produits frelatés et/ou dangereux....

Rapporté au chiffre total d’entreprises du secteur, cela signifie qu’environ une entreprise sur six a été fermée ! Les "officiels" ne disent pas combien ont été contrôlées et quel est le pourcentage de "fraudeurs" sur l’ensemble visé par leur administration.

On apprend, toujours via l’agence AP, que plusieurs pays (Canada, Etats-Unis, Inde, etc.) ont interdit de vente divers produits chinois de l’agroalimentaire, allant d’une pâte dentifrice plus que nocive à la santé publique à des poissons surgelés toxiques et des jus de fruits composés avec des produits dangereux et interdits...

Iran : le pays rationne l’essence et les émeutes gagnent tout le pays

Selon une dépêche AFP citée par la presse asiatique, l’Iran s’embrase suite à des annonces gouvernementales de rationnement de l’essence pour les particuliers et les taxis, ceci dans un pays qui est le deuxième producteur du monde de brut.

Les manifestants ont affronté les forces de police et incendié des stations-service. La presse fournit même une image de l’incendie d’une d’entre elles au nord-ouest de Téhéran, à Pounak très précisément. Les émeutiers, en majorité des jeunes, ont manifesté en criant des slogans hostiles au président en place, Mahmoud Ahmadinejad et à sa politique.

Selon plusieurs sources, la colère populaire s’étend tant aux villes que dans les campagnes où le rationnement va aggraver une vie quotidienne déjà difficile.

Inde : les insurgés maoïstes frappent dans tout le pays

En Inde, les insurgés maoïstes, qui semblent, selon la presse et les sources locales, gagner en force et en organisation, ont frappé en plusieurs endroits du pays, désorganisant la vie quotidienne et économique dans plusieurs Etats.

Ils ont détruit la gare de Biramdih, important noeud ferroviaire au Bengale occidental, à l’est de l’Inde. Les rapports officiels des autorités indiennes indiquent que les rebelles maoïstes auraient leurs points forts au centre et à l’est de l’Inde. Ils ont aussi appelé à des grèves contre la mise en place de Zones économique spéciales (ZES) qui, si elles sont bâties, spolieront de nombreux petits paysans de leurs terres.

Au sud de l’Inde, dans l’Etat d’Andhra Pradesh, les rebelles, après avoir évacué les ouvriers et le personnel, ont fait exploser une usine de conditionnement de café. D’autres actions similaires ont conduit, depuis mardi, les autorités à fermer des voies ferrées, des ZES et à arrêter les industries minières et les services publics dans plusieurs Etats, au sud, à l’est et au centre de l’Inde, donnant ainsi de facto un retentissement important aux actions des insurgés.

Selon Ajai Sahni, expert en sécurité, "cette action coordonnée des rebelles maoïstes est la première du genre au niveau national et d’une si vaste ampleur".

Corée du Nord : le chaud et le froid

Pour la première fois, les inspecteurs de l’ONU ont pu visiter les installations atomiques de Yongbyon, en Corée du Nord et ont indiqué que l’accueil des autorités avait été "agréable".

Au moment où les inspecteurs effectuaient leurs premières études de la centrale nucléaire en question, la Corée du Nord lançait un missile d’une portée de 100 km dans ce que son agence de presse officielle a qualifié de "tir de routine".

Il semble que Pyongyang continue son subtil jeu de pression, en soufflant alternativement le chaud et le froid, afin d’obtenir les 2 milliards de dollars pour l’instant gelés qu’elle doit recevoir de l’administration américaine en échange de la fermeture du réacteur de Yongbyon.

Le Pakistan à nouveau sous les eaux

Un cyclone a touché les côtes du Pakistan et a provoqué d’importants dégâts matériels, une désorganisation significative du pays et, pour l’heure, la mort de cinq personnes électrocutées par la chute de câbles électriques dans l’eau.

Plusieurs centaines de milliers de personnes ont dû fuir leurs habitations devant la montée des eaux et la situation s’est aggravée car il a fallu relâcher la pression de plusieurs réservoirs sur leurs barrages de retenue.

Une nouvelle fois, le manque de moyens publics freine considérablement le travail des secours et l’aide d’urgence, notamment alimentaire et sanitaire, aux populations touchées par le cataclysme.

Japon : le lourd dossier des "femmes de confort" de l’armée japonaise

Le Japon se trouve une nouvelle fois confronté à son histoire, et particulièrement à un passé qui touche à l’armée japonaise et son comportement pendant les guerres en Asie, de 1931 à 1945.

Selon les historiens spécialistes du sujet, plusieurs centaines de milliers de jeunes femmes, chinoises, coréennes et taiwanaises notamment - on avance un chiffre de 250.000 à 300.000 - ont été utilisées comme "esclaves sexuelles" dans ce que l’armée nippone a appelé du nom peu subtil de "bataillons féminins de confort", en clair, des bordels ambulants sous contrôle militaire pour les soldats japonais de l’époque.

Le dossier est aujourd’hui très médiatiquement amené sur la place publique et embarrasse le très impopulaire gouvernement de monsieur Abe, qui fait déjà face à une série de scandales politico-financiers : le Congrès américain a exigé, dans une résolution rédigée par un congressiste d’origine japonaise, monsieur Honda, et par 39 voix contre 2, que le Japon reconnaisse la responsabilité de son armée et de son Etat dans ce dossier, présente des excuses aux survivantes et leur accorde des indemnités pour leurs souffrance passée.

Pour l’heure, le gouvernement Abe semble ne pas vouloir changer sa position antérieure, qui est de ne rien reconnaître et de traiter ce problème comme un fait qui relève du comportement irresponsable de quelques militaires japonais, donc n’engageant pas son armée et le Japon comme tels.

Mais, cette position va-t-elle être tenable longtemps, dans l’intérêt même du Japon et de ses relations avec ses voisins ?

Un aperçu rapide, mais significatif

Les quelques faits, tirés de dépêches de presse, qui sont ici rapidement évoqués, manifestent une situation qui est à l’évidence de plus en plus instable sur le continent asiatique.

Un certain nombre de faits présentés ici, comme la situation en Inde ou la vérité sur les produits alimentaires en Chine, ont souvent été ignorés ou minorés depuis des années par les grands médias, voire "censurés" par les gouvernements concernés, afin de présenter des images "convenables" à l’extérieur, notamment par rapport aux souhaits des autorités publiques d’attirer de capitaux étrangers ou pour ne pas gêner un commerce extérieur florissant.

Ces vérités qui explosent aujourd’hui dans les faits publics reconnus avant de paraître, demain, dans les grands médias indiquent que la bataille pour la liberté et l’objectivité de l’information brute est un enjeu mondial et qu’elle est bien un combat permanent.



7 réactions


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 29 juin 2007 14:27

      Le Furtif,

      Oui, vous avez raison de rappeler cette unité « spéciale » de l’armée japonaise pendant la seconde guerre mondiale.

      Aujourd’hui, la pression sur le gouvernement du Japon se renforce pour qu’enfin, cet Etat reconnaisse les atrocités de ses soldats en Asie. Si le dossier des « femmes de confort » était reconnu, assumé, cela ouvrirait la voie à la vérité publique la plus large sur les méfiats de cette unité.

      Merci de cet utile rappel.

      Bien cordialement vôtre,


    • Karl 29 juin 2007 15:00

      Les GI americains ont violes les femmes allemandes par centaines, de maniere relativement systematique (ticket de rationnement contre actes sexuels) en1945.

      C’est bien documente

      Mais on en parle pas...


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 29 juin 2007 17:32

      Karl,

      Comme vous avez dû le noter, cet article était centré sur l’Asie.

      Je prends bien note des faits que vous évoquez, sur lesquels je n’ai pas d’éléments. La seule chose certaine que je sais sur le sujet des viols de masse commis en Allemagne en 1945, comme historien de formation, est ce qui s’est passé entre janvier et juin de cette année sur ce qui était appelé le front germano-soviétique (selon toutes les sources, plusieurs millions de viols de femmes au total).

      Mais, ce n’était pas le sujet ici.

      Ceci étant dit, la mise en escalavage sexuel pendant des années de centaines de milliers de femmes par l’armée japonaise a été une des atrocités oubliées de l’Histoire et des livres d’histoire traitant de la Seconde Guerre Mondiale. Ce n’est certainement pas la seule, j’en conviens pleinement avec vous.

      Cependant, en Asie, c’est un dossier « contentieux » lourd de menaces pour les relations présentes et futures dans la région. D’ou son intérêt actuel au niveau du continent asiatique.

      Bien cordialement vôtre,


    • Patience Patience 30 juin 2007 05:45

      Recevoir une compensation en échange du consentement à un acte sexuel, cela s’appelle de la prostitution.

      Si on n’en parle pas c’est peut-être tout simplement parce qu’il n’y a pas de plaignantes.


    • Patience Patience 30 juin 2007 12:38

      Journal « Le Monde » - 29/06/2007

      Le gouvernement Abe a choisi d’ignorer la résolution adoptée le mardi 26 juin par la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants aux Etats-Unis appelant le Japon à « reconnaître sans équivoque la responsabilité historique de son armée dans la coercition » dont ont été victimes des femmes asiatiques au cours de la guerre du Pacifique. Votée à la quasi-unanimité, cette résolution exhorte les autorités japonaises à présenter leurs excuses, « clairement et publiquement » aux victimes de cet « esclavage sexuel ».

      « La position du gouvernement a été explicitée à plusieurs reprises et nous ne souhaitons pas ajouter quoi que ce soit », a déclaré, mercredi, le porte-parole du gouvernement, Yasuhisa Shiozaki. Tokyo s’en tient aux « excuses et regrets sincères » exprimés officiellement en 1993.

      « MÉCONNAISSANCE DES FAITS »

      Cette question a été remise sur le tapis en mars par une malencontreuse déclaration du premier ministre Shinzo Abe sur l’absence de « preuve tangible » de coercition de l’armée dans le recrutement des prostituées.

      La thèse a été reprise récemment dans une pleine page de publicité du Washington Post, signée de personnalités et de parlementaires japonais qui vont jusqu’à soutenir que les filles à soldats étaient mieux loties financièrement que bien des officiers.

      La plupart des journaux épousent la thèse officielle selon laquelle il ne s’agissait pas de rafles. Certains, comme le Yomiuri (centre droit), parlent de « méconnaissance des faits » et voient dans cette résolution une manoeuvre de lobbies pro-chinois aux Etats-Unis visant à affaiblir l’alliance américano-nippone. L’Asahi (centre gauche) se fait l’écho de « la honte » que ressent le pays et estime que cette affaire reflète « la non-reconnaissance par le Japon des erreurs passées ».

      Le négationnisme ambiant, conjugué à la complexité des mécanismes de la « traite » des 200 000 femmes dites de « réconfort », alimente la polémique. S’il n’y a pas eu de coercition systématique dans leur « recrutement », des documents n’en montrent pas moins l’implication de l’état-major qui, le plus souvent, sous-traitait cette besogne à des « marchands de femmes ».

      Les Etats-Unis ne sont pas les mieux placés pour dénoncer le Japon car l’armée d’occupation américaine profita d’un système qui présente des analogies avec les bordels de l’armée impériale. Trois jours après la défaite du 15 août 1945, le ministère de l’intérieur nippon donnait ordre à la police d’organiser des « lieux de réconfort » pour l’occupant et consacrait un budget à cette opération.

      Philippe Pons

      http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-929529,0.html?xtor=RSS-3208


  • 65beve 65beve 1er juillet 2007 10:49

    Bonjour,

    Vae Victis ! malheur aux vaincus et surtout au vaincues !

    On ne peut pas dire que l’armée ait une vocation philantropique et ceci quel que soit le pays et quelle que soit l’époque. Cet excellent article démontre qu’à travers l’armée japonnaise c’est la totalité des armées qui est responsable des viols et des massacres des civils qui ont eu la malchance de se trouver sur le passage des militaires. Je vous laisse trouver les exemples récents ou anciens pour étayer mon propos.

    La récente condamnation de quelques soldats américains est l’arbre qui cache la forêt. En vérité c’est la victoire de 99% du non-droit et de la barbarie. Les victimes n’auront droit qu’à une réparation posthume ou au mieux à quelques miettes de compassion.


    • Philippe Vassé Philippe Vassé 2 juillet 2007 04:25

      65beve,

      Oui, vous avez raison de souligner que, dans les conflits, de tous temps, les femmes, et derrière les enfants, sont des victimes autant directes qu’indirectes.

      Ce qui s’est passé avec les « femmes de confort » de l’armée japonaise ne doit pas être l’arbre qui cacherait la forêt des exactions des militaires de toutes nationalités et de toutes les époques.

      En Irak, la situation, surtout depuis l’affaire de la prison Abou Ghraib, est connue. Aux Philippines, meurtres ciblées et viols de femmes de personnes suspectées d’activités « de gauche » sont devenues une habitude que Human Rights Watch a dénoncés par un communiqué le 28 juin dernier.

      La guerre est le non-droit et la barbarie à 100%. Et le viol et la mise en esclavage sexuel des femmes, que ce soit dans les camps nazis, pour les soldats japonais ou pour les militaires américains, est une forme de cette barbarie.

      Pour ce qui concerne le sujet abordé, je constate que, pour l’heure, les autorités japonaises actuelles font la sourde oreille et se placent un bandeau devant les yeux.

      Mais, comme je concluais dans l’article, ce qui se passe au Japon même dans l’opinion publique contre ce gouvernement qui allie une corruption profonde à un cynisme odieux, annonce que ce négationnisme indigne d’une vraie démocratie est condamné à se retourner fortement contre ses initiateurs.

      Le gouverneemnt de Monsieur Abe ne voit pas et ne comprend pas que les temps changent. Mais, pour paraphraser un érudit célèbre affrontant le négationnisme des autorités papales en matière scientifique au Moyen-âge, « les temps changent » et la situation tourne....

      Bien cordialement vôtre,


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