jeudi 9 mai 2019 - par HuLe

Bénin : Talon perd le contrôle

Des violences inédites ont éclaté au Bénin à l'occasion des élections législatives du 28 avril dernier, marquées par un taux d'abstention historique (80 %) et auxquelles participaient seuls deux partis pro-régime. Pour certains, il s'agit d'une crise politique majeure dans un pays longtemps cité en exemple en Afrique. Serait-ce les prémisses d'une guerre civile ?

Ce qui se passe au Bénin marque un tournant historique dans l'Histoire moderne du pays. D'une démocratie exemplaire, l'ancienne colonie française du Dahomey s'achemine progressivement vers ce qu'on appelle une « démocrature  », un « régime imaginé par Vladimir Poutine qui cumule autocratie, mainmise sur l’économie et quadrillage de la société, suppression de l’État de droit, manipulation de l’opinion et des élections  », comme l'explique Nicolas Baverez dans un article récent du Figaro.

L'élément déclencheur ? L'éviction des partis d'opposition aux dernières élections législatives du 28 avril, permise grâce à l'instauration d'un nouveau code électoral par le chef d'Etat Patrice Talon. Les craintes étaient donc grandes, à la veille du scrutin, de voir les élections législatives boudées par la population. Selon la Commission électorale nationale (CENA), 80 % des Béninois se sont abstenus. Dès le lendemain du scrutin, Fatoumata Batoko Zossou, la présidente des observateurs de la société civile, évoquant une « situation inédite » pour le pays, reconnaissait qu'il était « fortement probable que le taux de participation reste le plus bas depuis l'avènement du renouveau démocratique ». Dans un bureau de vote de Cotonou, un représentant de parti annonçait de son côté que « sur 441 inscrits, on a eu 20 votants, [dont] 4 bulletins nuls ». Le reste des voix allant au Bloc Républicain et à l'Union progressiste (8 voix chacun), les seuls partis pro-gouvernement, autorisés à se présenter.

L'opposition, quant à elle, n'avait aucun candidat à faire valoir. Une absence qui s'explique selon elle par des « malfaçons normatives », le régime ayant complexifié la procédure de dépôt des candidatures, quelques jours seulement avant la date limite. Les partis devaient ainsi se munir d'un quitus fiscal – qualifié de « mascarade » par Candide Azannai, ex-ministre du président béninois, Patrice Talon –, et d'un « certificat de conformité » délivré par le ministère de l'Intérieur, conformément à une décision de la Cour constitutionnelle, présidée par l'ancien avocat personnel du chef de l'Etat. Face à cette gabegie électorale, de nombreuses personnes, au Bénin, avaient appelé au report des élections, sans être entendues par le gouvernement.

« Le processus électoral qui a conduit aux législatives de dimanche dernier s'est déroulé conformément aux lois de la République. N'en déplaise à ceux qui soutiennent le contraire, à ceux qui ont vendu la peur, la psychose à nos concitoyens pour les intimider et empêcher certains d'entre eux d'aller aux urnes », a même déclaré Wilfried Léandre Houngbedji, le directeur de la communication de la présidence béninoise, qui n'a pas hésité à qualifier les représentants de l'opposition de « promoteurs de la violence et du désordre dans le pays » et d' « anti-démocrates », au motif qu'ils ont « refusé de respecter les lois ». En fait, l'opposition a simplement appelé au boycott d'un scrutin jugé anti-démocratique.

Un scrutin anti-démocratique et un niveau de répression alarmant 

D'après Joël Atayi Guèdègbé, membre des observateurs de la société civile, le faible taux de participation est ainsi dû à l'appel des partis d'opposition – unis depuis plusieurs mois, d'ailleurs, contre les manœuvres du président de la République, qu'ils accusent de vouloir prolonger son mandat à la tête du Bénin – à bouder les élections. « Par respect du boycott, par peur d'affrontement, sinon un désintérêt pour un processus dénué d'enjeu, d'offre pour les électeurs », mais également parce qu' « il y a eu des accrochages [et] des intimidations », ces derniers ne se sont donc pas déplacés, selon lui. Après le scrutin, Amnesty International a dénoncé des coupures Internet et un « niveau de répression alarmant ».


Les élections ont en effet entraîné des actes de violence partout dans le pays, notamment dans les départements du Borgou, des Collines et du Zou. La plateforme des observateurs, quelques heures après le scrutin, évoquait même la mort de deux personnes, au cours d'affrontements à Savè (sud) et Parakou (centre), démentie par le gouvernement, qui indique que l'armée et la police n'ont pas ouvert le feu. Des émeutes ont éclaté et des barricades ont été mises en place dans la journée du 1er mai à Cotonou.

Selon l'Agence France Presse, plusieurs centaines de partisans de l'ancien président béninois, Boni Yayi, à la tête des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) et non autorisé à se présenter aux législatives, ont fait face à l'armée, jeudi 2 mai, à Cotonou. « Vers 22 heures [la veille, ndlr], ils ont coupé la lumière et ont tiré à balles réelles. Deux personnes ont été grièvement blessés, un homme et une femme », témoigne un militant du FCBE. Tandis qu'une femme, un peu plus loin, s'inquiète : « Nous ne savons pas du tout ce qu'il va se passer maintenant, mais on sent que ça va mal. ». Un climat d'insécurité générale qui s'est installé dans tout le pays : on apprenait le 6 mai que deux Français ont disparu dans le parc de la Pendjari à la frontière avec le Burkina Faso.

Elu en avril 2016, Patrice Talon est en passe de perdre le contrôle du Bénin, trois ans après avoir engagé un tournant autoritaire, dans un pays cité en exemple comme modèle de démocratie en Afrique.



1 réactions


  • microf 9 mai 2019 15:47

    Ces pays francophones copient la France, ou bien c´est la France qui copie ces pays francophones.

    Dans tous ces pays francophones, il n´ya que crise économique, chomage, revendications, manifestations, violences, repressions, décadences, pareils comme en France.


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