jeudi 29 mars 2012 - par Alain Roumestand

Benoît XVI chez Raul Castro

Le pape est à Cuba. Les relations entre le Vatican et le pays communiste sont pour le moins originales.

La venue du Pape à La Havane, "c'est un acte d'amour et la révolution cubaine est aussi un acte d'amour".

C'est ainsi que s'exprime le poète chrétien Pablo Armando Fernandez, prix national de littérature de Cuba.

Benoît XVI met ses pas dans ceux de Jean Paul II 14 ans après.

Il avait d'ailleurs conseillé le Pape anti-communiste qui avait réussi à faire tomber le régime du général Jaruselski en Pologne. C'est lui qui avait organisé la première visite d'un pape dans l'île castriste (réception par Fidel Castro lui même).

Ce 26 mars, Benoît XVI s'est fait précéder à La Havane par une déclaration sur le marxisme qui n'est plus adapté à notre XXIème siècle.

Dans l'île Fidel Castro ne gouverne plus. Et Raul Castro accomplit des réformes économiques fortes.

Dans l'histoire de Cuba , jamais le dialogue n'a été rompu depuis 76 ans entre les autorités de l'île et Rome. Un nonce apostolique et un ambassadeur de Cuba auprès du Saint Siège à Rome font la liaison papauté-état communiste.

On oublie toujours, par exemple, qu'il y a 9 français missionnaires dans l'île.

Raul Castro, depuis 4 ans, s'est rapproché de la hiérarchie catholique cubaine et du cardinal Ortega.

L'Eglise, minoritaire dans l'île (10% des cubains sont catholiques), a servi de médiateur pour la libération d'opposants politiques et Raul Castro s'appuie sur l'Eglise, dans la période actuelle de déstabilisation de la société, avec la libéralisation graduelle et l'ouverture au marché.

La théologie de la libération, qui avait enflammé, il y a plusieurs décennies, l'Amérique latine, n'est plus de mise parmi les catholiques.

L'Eglise est la seule force organisée à Cuba, en dehors du parti communiste.

Avant l'arrivée de Benoît XVI, 33 opposantes (les dames en blanc) ont été arrêtées alors qu'elles manifestaient sur la cinquième avenue de La Havane le dimanche matin, puis rapidement relâchées. L'Eglise n'y est pas pour rien, même si le cardinal Ortega qui s'est exprimé auprès de parlementaires européens, n'apprécie guère ces dames en blanc, dont beaucoup de maris détenus ont été libérés depuis longtemps. L'Eglise a même demandé l'expulsion d'un groupe d'un lieu de culte transformé en barricade politique.

L'Eglise s'adresse à toute la population cubaine et pas seulement à une opposition politique.

Le défilé pèlerinage organisé dans tout le pays en l'honneur de la vierge de la charité de El Cobre (découverte il y a 400 ans) a du sens pour les cubains, et le Pape s'est rendu lui-même dans le village d'El Cobre.

L'Eglise apprécie la stabilité et l'ordre et les libérations obtenues puis le départ des libérés vers l'Espagne ont été suivies de reconstructions, voire de constructions, d'édifices religieux. Le séminaire San Carlos, particulièrement actif, des religieux et des prêtres réfugiés cubains de Miami rentrant dans leur île au moment de l'arrivée du Pape, complètent cette situation originale.

Cependant l'Eglise est divisée parmi ses fidèles. Oswaldo Paya, prix Sakharov, et à la tête du mouvement chrétien de libération, est contre ce rapprochement et ce travail la main dans la main des autorités ecclésiastiques et gouvernementales.

L'Osservatore Romano, organe de presse du Vatican, considère qu'il n'y a plus de prisonniers politiques à Cuba.

Le cardinal Ortega prône la conciliation nationale, il s'oppose aux extrêmes et pense que l'Eglise peut être un pont et un vecteur de dialogue entre les différentes composantes de la société cubaine.

Le discours de bienvenue du général d'armée Raul Castro Ruz, président du conseil d'état et du conseil des ministres, au souverain pontife cite Cintio Vitier, intellectuel chrétien : " le véritable visage de la patrie est celui de la justice et de la liberté". Il cite aussi Fidel Castro proclamant "qu'une importante espèce biologique est en péril de disparition, dû à l'élimination rapide et progressive de ses conditions naturelles de vie : l'homme".

Les arsenaux nucléaires, le problème de l'eau ou de l'alimentation préoccupent aussi les catholiques. De même le système financier mondial et son pouvoir oppressif. On noubliera pas que les 2 frères Castro ont été éduqués par les jésuites. Toujours dans ce discours, Raul Castro indique que "le pays le plus puissant a tenté de nous dépouiller, infructueusement, du droit à la liberté, à la paix et à la justice".

Les USA sont donc une fois de plus dénoncés pour leur blocus économique, politique et médiatique, alors que Cuba a formé "des dizaines de milliers de médecins d'autres pays" et a œuvré "pour l'alphabétisation de plus de 5,8 millions de personnes".

Les dames en blanc sont, pour les autorités cubaines, financées par Washington et les organisations anti castristes de Miami.

L'ambassadeur Wayne Smith, expert des relations bilatérales entre les USA et Cuba, a indiqué que le gouvernement américain désirait que l'Eglise choisisse une ligne plus dure contre Cuba. Miami a souhaité que la visite du Pape soit utilisée pour dénoncer le régime.

L'agence de développement international des États Unis (USAID) est dénoncée pour son aide financière aux organisations anti castristes, à l'intérieur et à l'extérieur de l'île caribéenne.

Pour les années fiscales 2009 / 2012, le congrès américain a destiné 35 millions de dollars aux programmes en rapport avec Cuba. Aucun changement n'a été effectué, pour les autorités cubaines, par le président Obama, dont la politique est comparée à celle de son prédécesseur.



14 réactions


  • volpa volpa 29 mars 2012 06:59

    Et Merluchon il en pense quoi ?.


  • Robert GIL ROBERT GIL 29 mars 2012 08:25

    A Cuba, le taux d’alphabétisation est de 99,8 % ,la mortalité des moins de cinq ans de 6,6% et l’espérance de vie de 77,7 ans( rapport Amnesty International).Tous les enfants sont scolarisés et soignés gratuitement. Il n’existe aucun milliardaire, la société est basée sur le non profit, et les dirigeants n’ont pas de compte en Suisse ou de villa sur la côte d’azur, et ça aucun pays capitaliste ne peut le supporter ! Qu’un pays pauvre ne livre pas sa population aux appétits du capital est un crime !
    Voir les verité qui derangent :
    http://2ccr.unblog.fr/2010/10/20/viva-cuba/


    • baska 29 mars 2012 09:58

      Robert Gil, il convient de rappeler qu’avant l’arrivée de Fidel Castro au pouvoir, Cuba était dans un état désespérant. Selon un rapport de la Banque mondiale, 60 % de la population souffrait de malnutrition et 80 à 90 % des enfants des zones rurales étaient malades et généralement privés de soins médicaux. Parmi les enfants âgés de six à quatorze ans, 55,5 % seulement fréquentaient des écoles primaires. Ce pourcentage était de 40 % ou .moins dans les zones rurales. Quant aux enfants de quinze à dix-neuf ans, 7 % seulement fréquentaient un établissement d’enseignement secondaire, pourcentage qui tombait à 11 % à la campagne.

      Dès son accession à la tête du pays, le lider maximo a entrepris une vaste campagne d’alphabétisation qui fut couronnée de succès. En seulement huit mois de campagne, le taux d’analphabétisme est tombée à 3,9 %. Cette réussite est l’oeuvre de Fidel qui a voulu inscrire cette lutte contre l’analphabétisme dans le cadre de la consolidation de la révolution.

      Voici le discours que Fidel Castro a prononcé devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, le 20 septembre 1960, pour annoncer la campagne d’alphabétisation :

      « Au cours de l’année à venir, notre peuple se propose d’engager la grande bataille contre l’analphabétisme et s’est donné l’objectif ambitieux d’enseigner à lire et à écrire à chacun des habitants du pays en une seule année. A cet effet, des organisations d’enseignants, d’étudiants et de travailleurs, c’est-à-dire toutes les couches de la population, se préparent à mener une campagne intensive. Cuba sera le premier pays d’Amérique à pouvoir affirmer dans quelques mois qu’il n’y a pas un seul illettré sur son territoire. »


    • Jean-paul 29 mars 2012 14:21

      Robert Gil
      Le pire c’est que vous croyez aux conneries que vous ecrivez .
      Lisez le commentaire d’ axterix ,pas de blablabla ........juste du vecu .
      la vie est differente si on la lit ou si on la vit.


    • asterix asterix 29 mars 2012 15:37

      Loin, très loin de bénir l’époque Battista, il est quand même bon de savoir qu’à l’époque, Cuba était le troisième des pays les plus riches d’Amérique.
      Il en est à présent le troisième des plus pauvres.
      Cela, il ne le doit pas qu’à Fidel and company, mais AUSSI à Fidel and company.
      Je vous reporte aux souvenirs exprimés ci-dessous et, bientôt, à mon bouquin.

      Vous qui me semblez tant aimer la vérité, il y en a une que vous occultez, Mr Gil : lors de l’épuration qui a suivi « le triomphe de la Révolution » ont été passés par les armes TOUS les délégués syndicaux cubains qui n’étaient pas communistes.
      Et qui s’est occupé de la mise en pratique de ces basses oeuvres ?
      Un certain Che Guevarra qui, pour récompense, fut nommé Ministre de l’Industrie avec les résultats catastrophiques que l’on sait. ...Après avoir failli à lui seul entraîner l’holocauste de la Terre entière lors de la crise des missiles, soit dit en passant. C’est d’ailleurs en évoquant sa personnalité cruelle et imprévisible que Kennedy réussit à convaincre les Soviétiques de ne pas lui livrer les armes nucléaires qu’il comptait envoyer, et il l’aurait fait, sur la Floride ( cfr les rampes de lancement déjà fonctionnelles tout à côté de Pinar del Rio )
       
      En arrivant à Cuba, j’étais très, très à gauche. Lorsqu’on m’en a foutu dehors quatre ans plus tard, car j’avais osé dénoncer le vol systématique du matériel médical et la revente au marché noir de tous les médicaments, principalement des antibiotiques que j’étais chargé d’offrir à la population, je me suis simplement dit que je m’étais trompé... 
      C’est toujours moins honteux que votre sectarisme, n’est-ce pas ?

      Il n’y a pas de riches à Cuba, dites-vous ?
      Ah bon ! Et tous les enfants et petits-enfants des héros révolutionnaires alors ?
      Sans compter les Cubains qui ne vivent - bien pour la plupart - que des mandats envoyés par leurs familles réfugiées à Miami, mmh ?
      Réfléchissez à deux fois avant de sortir vos âneries, voulez-vous.
      Etre de gauche, c’est d’abord garder son sens critique.
      L’auriez-vous oublié, Mr Gil ?


    • L'enfoiré L’enfoiré 29 mars 2012 19:16

      Pour appuyer asterix, un article que j’ai écrit il y a 5 ans avec les souvenirs et anecdotes.
      Je n’ai pas toujours caresser asterix dans le sens du poil, mais ici, je n’ai aucun problème à le faire.


    • L'enfoiré L’enfoiré 29 mars 2012 19:19

      A lire de Juanita Castro le livre « Fidel y Raoul mis hermanos ».
      "Un demi-siècle de castrisme ? Un désastre pire qu’en 1959 dans certains cas.
      Son frère Fidel a été son héros jusqu’en 1964.
      Trahir l’idéal de la démocratie, de la liberté, de la justice, elle n’a pu le supporter.
      Depuis 1964, elle a été dissidente de la pensée de son frère Fidel et Raoul et s’est réfugiée au Mexique et en Floride.
      Elle y raconte son enfance. L’arrogance de Che Gevara.
      En 1961, Fidel disait « Avec la révolution, tout. Contre la révolution, rien ».
      Ce qui exclue beaucoup de chose...


    • marc 29 mars 2012 21:53

      oncle Archibald


      Vous avez raison . Parlez en à Obama

  • ZEN ZEN 29 mars 2012 12:52

    Le pape a plaidé pour un changement au Vatican, la fin de la monarchie... smiley


  • L'enfoiré L’enfoiré 29 mars 2012 13:16

    Peut-être veut-il s’éloigner du Vatican à cause du rififi.
     smiley


  • asterix asterix 29 mars 2012 13:59

    Quel article angélique, tant pour l’église catholique que pour les frères Casse-trop !
    Pour rappel, je vivais à Cuba lors de la visite du Pape Jean-Pol 2. J’en garde un souvenir vivace, inouï ! Durant les trois mois qui ont précédé la visite de celui qui se présentait comme le Messager de la paix, Fidel, qui savait ce qu’il risquait, a procédé à une campagne d’intoxication comme seul un pays monolythique peut le connaître. Je cite pèle-mèle :
    - les élections législatives ( à un seul candidat ! ) une semaine avant l’arrivée du Pape sur le seul thème « Cubanos, todos unidos ». Résultat ? 99,76 pour cent de votes favorables !
    - le slogan qui a couvert tous les murs du pays, sic ! : la rencontre des deux plus grands hommes du vingtième siècle...
    - les milliers, les dizaines de milliers de membres des forces spéciales ayant envahi La Havane dans la semaine qui a précédé cette fameuse visite. Ils étaient partout, partout !
    - le chantage organisé par le monstre qui, venu précédemment à Rome, a menacé le Pape de faire massacrer des dizaines d’opposants s’il ne venait pas, j’allais dire à Canossa.

    Fidel ayant décidé, après une intervention télévisée de près de 3 heures dont il a le secret ( nous SAVONS comment recevoir nos visiteurs - menace à peine voilée soulignée de l’index sur la table, j’en frémis encore... ) d’offrir « un triomphe » au Pape, la population toute entière de la capitale fut conviée à lui faire une haie d’honneur, depuis l’aéroport jusqu’à la Nonce Episcopale où il allait passer la nuit, les comités de quartier obligèrent TOUS les habitants à se masser le long de la route. Oh pas n’importe où ! Dans des endroits soigneusement prédéterminés pour mieux surveiller qui était là, ce qu’ils avaient à dire et surtout pas autre chose que « Viva el Papa ! - Viva Fidel ! »
    Le jour même de la messe papale, j’étais deux kilomètres en retrait de la Place de la Révolution, estimant à juste titre qu’il y avait plus à comprendre là que noyé dans une foule qui, si l’on suivait ce qu’en rapportait la télé, braillait « Avé, avé Mari-ia ! » mais dont on entendait distinctement le cri du coeur repris par une masse anonyme noyée dans la foule - libertad ! libertad !
    Entre-temps, je me promenais parmi les autocars venus de province, parmi une multitude d’individus déguisés en ouvriers porteurs de bâtons pour s’attaquer, le cas échéant, à un quelconque mouvement de contestation ". Ce ne sont pas des paroles en l’air, mon ex beau-frère avait été réquisitionné pour en amener 50 en camion à benne.
    On n’est jamais trop prudent.
    Surtout pour faire peur...
    Un peu avant la transformation du pain en corps du Christ ( oui, oui, cela existe ! ) le Cardinal de la Havane dit textuellement :
    Fils de Dieu, dis-nous un mot, un mot seulement et tout ton peuple te suivra !
    On ne pouvait être plus clair...
    Le si courageux Jean-Pol 2 répondit :
    Prions pour que la jeunesse suive les préceptes de l’Eglise et ne se perde pas dans le matérialisme et la jouissance immédiate.
    La capote. Surtout pas au propre, mais au figuré !
    Nom de Dieu, il me restait un fond d’éducation catholique. Ce jour-là, elle a disparu.
    Hasta siempre !

    D’ici quelques semaines, j’aurai fini un bouquin sur le vrai Cuba. Putain, même si l’envie ne me manque pas - si j’étais Français - de voter pour Mélenchon, jamais je n’accepterai le soutien qu’il a apporté à cela.
    El communismo, nunca mas !


    • L'enfoiré L’enfoiré 29 mars 2012 16:19

      Merci, Asterix, pour ce témoignage,

      Le bouquin sur le vrai Cuba m’intéresse, s’il donne le progrès depuis mon dernier passage.
      Cuba, je l’ai connu en 96 et pas en 98.

      Hasta un cuba libre, por favor...


  • Soi Même 29 mars 2012 23:23

    La question qui va convertir l’autre ?


  • Jean-paul 30 mars 2012 02:27

    @ soi meme
    Personne a convertir dans le monde virtuel .
    Juste le peuple cubain qui souffre .


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