mercredi 13 avril 2016 - par VICTOR Ayoli

Brésil. Le « golpe » (coup d’État) s’avance de moins en moins masqué

Le président de la commission parlementaire spéciale recommande la destitution de la présidente Dilma Rousseff. 38 députés pour, 27 contre. Celle-ci est accusée par l’opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour minimiser l’ampleur des déficits publics de son pays en pleine récession. Dilma Rousseff se défend pour sa part d’avoir commis un « crime de responsabilité » (késako ?) justifiant sa destitution. Les charges retenues, aussi bien que les arguments des factions de l'opposition amplement relayés par les médias relèvent de la manipulation.

Une majorité de deux tiers des députés, soit 342 sur les 513, sera requise pour que la procédure se poursuive faute de quoi elle sera enterrée. Selon un décompte effectué chaque jour par le quotidien Estado de Sao Paulo, 290 députés étaient favorables dimanche à la destitution et 115 étaient contre. Restaient 61 indécis et 47 autres refusant de se prononcer, objets de toutes les attentions.

Si l’opposition réussissait à réunir 342 votes (deux tiers des 513 députés) en faveur de l’impeachment, ce serait alors au Sénat de former une commission pour analyser la demande, un processus qui devrait s’achever d’ici le 2 mai 2016. La présidente « déchue » serait alors remplacée par son vice-président Michel Temer, qui l'a laisé tombée et a ouvertement basculé dans l’opposition. Il est l'un des deus ex machina de ce « golpe », de ce coup d'état feutré mais bien réel. Si la destitution est dûment prévue par la constitution, l’histoire qui s’emballe au Brésil releve de la manipulation, voire de la farce. Il faut rappeler que, contrairement à ce que beaucoup de Brésiliens sont poussés à penser, Dilma Rousseff ne fait l’objet d’aucune accusation de corruption. On reproche à la chef d’État d’avoir retardé les transferts du Trésor national aux entreprises publiques chargées de financer notamment les programmes sociaux. La pratique est banale. Et pas seulement au Brésil. Magouille, oui. Mais où est le « crime » ?

Quant aux parlementaires « golpistes » qui se sont prononcés pour la destitution, ils sont aussi clairs qu'un balkani… Beaucoup ont gamellés auprès de Petrobras, machine à sous généreuse, d'autres sont poursuivis pour crimes et corruption…

Deux faces d’un même pays s’affrontent par partis interposés, le Brésil des riches et celui des pauvres. « Je n’aurais jamais imaginé que ma génération verrait des putschistes en train d’essayer de renverser une présidente démocratiquement élue », s'enrage l’ancien président Lula, « mentor » de Dilma Rousseff, et qui reste l'homme politique le plus populaire du pays.

La droite « est sortie du placard » et occupe la rue en s'appuyant sur les réseaux sociaux. Ses officines organisent le bombardement des pages Facebook et des boîtes emails des députés osant se dire contre la destitution de la présidente ou hésitant encore à prendre position. La bourgeoisie brésilienne ne se satisfait pas de sa condition de classe dominante. Elle exige des conditions qui lui permettent d'exploiter sans entrave la force de travail dont elle dispose : les plus pauvres, les sans-terres. Et les classes moyennes sont exaspérées non pas parce que leur niveau de vie se dégrade mais parce qu'elles voient les plus démunis gagner un peu plus de droits ! Cette pseudo élite ne reconnaît le principe de majorité que lorsqu’il répond à ses intérêts…

La droite arbore sans complexe des idées carrément fachos : le retour à des valeurs autoritaires, le droit au port d’armes pour tous, l’abaissement de la majorité pénale, le refus de politiques d’« assistance » (allocations familiales, quotas de discrimination positive dans les universités) à destination des plus pauvres, des plus déshérités comme les noirs, les indiens, les haïtiens immigrés, mais encore les homosexuels. Il s'est ainsi constitué un front de conspirateurs qui réunit des juges, des procureurs, des agents de la police, des associations du patronat, des partis politiques, des think tanks conservateurs, tous appuyés par une grande presse oligarchique. Ces « golpistes » sont abreuvés de fric par le patronat et sont soutenus par quelques juges plus que douteux, par l'ensemble de la presse brésilienne et bénéficie de la « compréhension » de la presse internationale aux ordres des multinationales et des marchands d'armes. Avec, n'en doutons pas, quelques coups tordus de la CIA.

Voilà la clique qui veut foutre en l'air Dilma Roussel. Son objectif est de s'attaquer à la souveraineté populaire, exprimée par le vote et de la mettre sous la tutelle de la magistrature dont les membres, non élus et protégés de tout contrôle social, sont engagés dans un programme de changements rétrogrades qui ne sont pas exprimés. Contre la gauche – qu'ils vomissent – tout leur est bon, y compris un putsch militaire.

Le pantin prévu pour donner un coup de peinture « propre » au coup d'état est le vice-président actuel Michel Temer, un jeune homme de 75 ans. Sa rupture avec Roussel et son activisme pour que la destitution aille vite est plus que douteuse. Il est en effet lui aussi cité dans le scandale ces détournements de fonds au profit de la coalition au pouvoir, dont son parti était une pièce essentielle ! Il devrait savoir, pépé Temer, que quand on veut grimper au mat, il vaut mieux avoir les fesses propres...

Mais il n'est probablement qu'une marionnette. Les véritables organisateur du putsch se dévoileront plus tard. S'ils réussissent leur mauvais coup. Ce qui n'est pas encore sûr, les « pauvres » n'ayant pas dit leur dernier mot. Au moins soixante organisations de gauche, y compris syndicats et mouvements populaires, ont participé récemment à des rassemblements de défense du gouvernement, dans une quinzaine des plus importantes villes de ce pays gigantesque, notamment à Brasilia, Rio de Janeiro, Sao Paulo, etc.

Les « sans-dents » brésiliens ont défié les manifestants d’extrême-droite et les nantis en criant : « No ver ter golpe ! ». « Il n’y aura pas de coup d’état ».

Mais en France, les me(r)dias « main stream » ne voient que les golpistes en Prada… Il est vrai que que peut-on attendre d'autre d'une presse aux mains des multinationales, des banksters et des marchands de canons...

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14 réactions


  • Spartacus Lequidam Spartacus 13 avril 2016 12:27

    Bara tin a cocos bobos qui voudrait inverser la réalité.


    Les « écoutes » claires et sans équivoques qui démontre comment Lulla et Youseff se sont remplis les poches avec l’argent de Pétrobas. 

    Les donneurs de leçons de morale ne veulent l’appliquer a leurs castes. le même auteur fustigeait Sarkozy il y a quelques temps pour des motifs nettement moins pires. 

    Cette pourriture de présidente prise ma main dans le panier de la corruption, la plus honteuse et abjecte va dégager pour détournement d’argent public, blanchiment d’argent, corruption généralisé.

    Le 17 Mars, le juge fédéral Sergio Moro a publié des dizaines d’enregistrements enregistrés par la police , de Dilma Rousseff et Lulla pour entraver les enquêtes criminelles en cours. Influencer pour obtenir des procureurs « amis » dans des tribunaux « amis » pour enterrer l’affaire qui pue pour leur fesse et toute une clique de hauts fonctionnaires qui ont couvert les détournements pharaoniques à millions.

    La foule proteste dans la rue pour la nomination de Lulla comme ministre car avec ce stratagème il échappe aux juges qui doivent le mettre en prison.

    • Jean Pierre 13 avril 2016 22:18

      @Spartacus
      « Cette pourriture de présidente prise Ma main dans le sac dans le panier de la corruption ».

      Que peux bien signifier ce lapsus : prise ma main dans le sac ?
      Votre habitude de soutenir des corrompus de droite vous jouerait-elle des tours quand vous voulez dénoncer des corrompus de gauche ? Allez, Spartacus, dites nous tout...


    • BreizhouMix BreizhouMix 14 avril 2016 08:44

      @Jean Pierre
      Mais non, il veut mettre la main au panier de Dilma ....


    • Laurent 47 18 avril 2016 13:42

      @Spartacus
      Curieux quand même, qu’avant que le Brésil n’intègre les BRICS, il n’y ait eu, dans toute l’histoire de ce pays, aucun soulèvement « démocratique et populaire », ni aucun président convaincu d’avoir trempé les doigts dans le pot de confiture, puis destitué !
      Depuis la création de ce pays, la corruption et les pots de vin ont régné en maître, et ça n’est pas demain que ça va s’arrêter, même si Dilma Rousseff s’en va !
      Le but principal pour les Etats-Unis, les véritables instigateurs de ce coup d’état déguisé, c’est de punir le Brésil pour son adhésion aux BRICS ! Ils s’en foutent totalement, de la démocratie et du bonheur des brésiliens !


  • toma 13 avril 2016 12:33

    eh oui, et le « candidat » en face vient de se faire éclabousser par les panamas leaks... 


    Cest connu, l’opposition va surement faire largement mieux ! 

    Il faut que Dilma reste ! C’est mon avis ! Marre des putsch en sourdine. 

  • J.MAY MAIBORODA 13 avril 2016 12:34

    Certes Dilma Roussef a commis des imprudences en sollicitant ou en acceptant des subsides corrupteurs. Mais l’on assiste au Brésil à un scénario quasi identique à celui du Venezuela : les conservateurs, la droite et la réaction, puissamment aidés par leur grand protecteur traditionnel, utilisent de nouvelles méthodes.Plus besoin de colonels ou généraux putschistes, ni de « contras » armées. Des manœuvres habiles et quelques machinations suffisent à ameuter et manier des foules de « démocrates » indignés. 


  • tf1Groupie 13 avril 2016 14:17

    Mon Dieu quelle horreur c’est affreux on vit en dictature orwellienne et la CIA est très méchante.


  • César Castique César Castique 13 avril 2016 16:57

    Personnellement, ces pays à l’économie bodybuildée aux anabolisants régionalisés - je ne mets pas la Russie dans le lot -, je n’y crois pas. 



    C’est un quart d’industrialisation et trois quarts de sous-développement, où ceux qui savent et qui font, sont pressurés au profit de ceux qui ne savent pas et qui, par conséquent, ne font guère. 


    L’exode rural aidant, ce sont des bombes sociales à retardement dont le souffle pourrait balayer un pays entier, aussi vaste soit-il.

  • Habana Habana 14 avril 2016 09:07

    Je constate que les Brésiliens sont moins cons que les Français !

    J’espère juste qu’en 2017, on sera enfin suffisamment intelligents pour ne pas remettre le couvert avec nos escrocs nationaux de l’Herpès (LRPS), qui, eux aussi, nous méprisent, nous mentent, nous volent et ruinent le pays en toute tranquillité !
    Mais je me fais certainement beaucoup d’illusions !

  • Clocel Clocel 14 avril 2016 09:25

    Bon, cela dit, les lecteurs de Joshua Slocum, le voyage du Libertade qui a eu lieu à la fin du 19 ème siècle, savent que le Brésil n’a jamais été un pays véritablement autonome économiquement, et que la canonnière US n’était jamais bien loin au large des côtes lors des bouleversements politiques, et que ceux qui avaient des prétentions n’ont pas pu faire moins que d’en tenir compte...

    Là comme ailleurs les règles n’ont pas changé, le jeu devient juste moins subtil et nous ne pouvons plus faire semblant de l’ignorer...


  • Jean 17 avril 2016 18:06

    Ce soir cela sent le roussi, gros riffifi au Bresil en vue...


  • Laurent 47 18 avril 2016 12:37

    Le coup est tellement gros qu’il faut être un dirigeant européen pour ne pas l’avoir vu venir !
    Dilma Rousseff compromise pour détournement de fonds publics, pourquoi pas ?
    Mais dans ce cas, des enquêteurs ont dû être désignés et un tribunal saisi pour apporter la preuve de cette accusation ! Or là, rien de tel n’est arrivé à nos oreilles !
    Par contre, je suis sûr que les « maçons » américains préfèrent le béton aux BRICS !
    Ils sont en train de faire le même coup au Venezuela, en fomentant des désordres dans tout le pays et ça va arriver aussi au Brésil, n’en doutez pas !
    Et la Russie, en s’approchant un peu plus des Etats-Unis ( la réponse du berger à la bergère ), a rajouté une couche à l’hystérie qui s’est emparée du pays des cowboys !
    La droite brésilienne la plus radicale est prête à virer la « racaille communiste » qui a eu le culot de vouloir exploiter les terres spoliées par les grands propriétaires.
    Une petite base russe à Rio de Janeiro serait la bienvenue, si l’on veut que les BRICS continuent leur chemin vers l’indépendance économique !
    Les brésiliens seront-ils plus intelligents que nous ?
    On ne va pas tarder à le savoir !


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