lundi 20 octobre 2008 - par
Bretton Woods ou l’histoire d’une bêtise
Aujourd’hui la mode est de déclarer haut et fort qu’il faut une conférence internationale telle que celle qui a eu lieu en juillet 1944 dans la petite ville de Bretton Woods, dans le New Hampshire aux Etats-Unis. Les bases d’un système monétaire international (SMI) étaient adoptées le 22 juillet 1944 ainsi que celles de créer un FMI (Fonds monétaire international) et une banque mondiale, une BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement). Ainsi, fut créé le système, dit de Bretton Woods, qui a conduit le monde là où il est aujourd’hui. Ne l’oublions pas ! Alors, faut-il vraiment reproduire Bretton Woods ou plutôt partir d’une feuille blanche ?
Il faut à l’évidence éviter de faire la même bêtise. Bêtise pourtant acceptée par 44 pays représentants le monde de 1944. Mais, pouvaient-ils refuser ?
Refuser était quasiment impossible. A cette époque, l’Amérique et le Royaume-Uni allaient triompher quelques mois plus tard, avec leurs nombreux alliés, d’Hitler. La suprématie, notamment américaine, n’était pas seulement militaire et économique. Elle était aussi idéologique. Elle allait donc structurer les travaux de Bretton Woods sous l’impulsion de l’Américain H. D. White (1892-1948), dont le plan fut préféré à celui du Britannique J. M. Keynes (1883-1946). Elle aura pour spectateur incrédule, le monde entier.
Bretton Woods avait deux objectifs. Celui d’éviter les grandes secousses monétaires au niveau mondial et pallier l’absence de gouvernance financière internationale. Les deux avaient amené la grande dépression des années 30, puis… le nazisme.
Pour faire court, les Etats-Unis donnèrent rapidement le FMI aux Européens et concentrèrent leurs efforts sur la création d’un SMI, dont ils seraient le centre en faisant de leur monnaie, le dollar, la monnaie de réserve mondiale basée sur l’or – avec dans un premier temps, la livre sterling… pour récompenser la fidèle Angleterre.
Le SMI consacrait un système monétaire mondial dans lequel tous les taux de change étaient fixes par rapport au dollar des Etats-Unis.
Ainsi, le 22 juillet 1944, le monde faisait la bêtise de donner à une seule nation, et sa monnaie, la responsabilité de la planète en termes monétaire, économique, financier et… idéologique.
Le dollar était devenu roi : as good as gold (aussi bon que l’or).
Bêtise ! Le ver était dans le fruit. Et, comble de l’ironie, mis par les Américains eux-mêmes. En effet, à Bretton Woods fut décidé que le SMI était tellement solide, à l’image des Etats-Unis, que tout pays ayant des réserves en dollars américains pouvait les changer contre de l’or déposé dans les coffres de Fort Knox (Kentucky, Etats-Unis). Donc, à tout moment, 35 dollars américains pouvaient être convertis en une once d’or, c’est-à-dire en 31,103 grammes de métal fin.
Ce qui devait arriver, arriva. Le déficit américain – oui, déjà à cette époque – explose de multiples façons. Le monde commence à faire crédit aux Etats-Unis. Et les pays convertissent – pas encore la Chine – leurs masses de dollars américains en lingots d’or offerts par l’oncle Sam, dans le respect des accords de Bretton Woods dont il était l’initiateur.
Puis, vint l’inquiétude américaine ! Le vent tourne. Les réserves de Fort Knox fondent et partent peu à peu à l’étranger. La machine s’affole. Le 15 août 1971, le président Nixon ne veut plus vider les coffres de l’Amérique sous prétexte de respecter les accords de Bretton Woods. Il ferme le guichet de l’or et rend inconvertible le dollar en or.
La suite, nous la connaissons. Nous vivons aujourd’hui avec. Dès mars 1973, le monde était passé aux changes flottants. De fait, ne respectait plus le SMI. Quelques mois après, c’était le premier choc pétrolier. Puis, le 8 janvier 1976, à Kingston, capitale de la Jamaïque, Bretton Woods volait en éclat. Sous l’impulsion des Etats-Unis, la loi de la jungle était ratifiée et devenait légale ! C’était la fin de la super bêtise de Bretton Woods, qui a trop voulu consacrer une nation et sa monnaie en maîtres du monde… reléguant le reste au rang de dominé.
Depuis Kingston, le monde des marchés est aux anges. Les crises se succèdent : énergétiques, alimentaires, financières, boursières, bancaires, économiques. Les expressions et les termes suivants sont dans le langage courant : spéculation, volatilité, fébrilité, erratique, dérivé, sous-jacent, titrisation, hot money, hedge fund, subprime, credit crunch… coup de bourse, profiter de la hausse, de baisse, etc.
Pendant ce temps, le dollar de Bretton Woods continue toujours à inonder le monde. Et nouvelle bêtise, dirons-nous collatérale – mot aussi à la mode – ce même dollar consacre désormais les fonds souverains, pas toujours amis des pays occidentaux, en futurs maîtres.
Alors, que fait-on maintenant, avec une Amérique aux abois, une Chine qui attend de monter sur la première marche et une Union européenne, toujours non fédérale, qui veut parler à 27 ?
Espérons que la leçon de Bretton Woods a été tirée !
Photo : encyclopedia.com
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