samedi 7 avril 2012 - par Timothée L’Angevin

Colombie : “Le dialogue politique est l’unique issue au conflit” (Piedad Córdoba)

Libération des otages des FARC

 (De Villavicencio) Ce lundi 2 avril, les 10 derniers otages militaires des FARC ont été libérés. La libération, conduite par Piedad Córdoba, la Croix Rouge et le gouvernement brésilien, a pris fin à Villavicencio (Meta). Alors que le président Santos considère ce geste “respectable” mais “insuffisant”, l’ex-sénatrice Córdoba souhaite poursuivre le dialogue politique avec la guérilla.

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Photo : Timothée L’Angevin

Les acclamations éclatent tout-à-coup dans le hall d’arrivée. L’hélicoptère de la Croix Rouge, que l’on attendait anxieusement depuis ce matin, apparaît tout juste dans le ciel. Il se pose doucement sur la piste de l’aéroport de Villavicencio.

Une dizaine de passagers ébahis en sortent. Ils arborent leur plus beau sourire. L’un d’eux danse éperdument sur le tarmac en brandissant le drapeau national. Derrière lui, une femme coiffée d’un turban couleur pourpre adresse un geste furtif devant elle. Dans la salle d’embarquement, la réaction est immédiate : “tu as réussi ! Gracias Piedad !”

Piedad Córdoba vient de permettre la libération des plus anciens otages des FARC. Les six policiers et les quatre militaires avaient été enlevés il y a plus de 13 ans dans l’Amazonie colombienne.

 

L’ouverture du dialogue

Depuis la fin des années 1990, les FARC ont enlevé plus de 2600 civils et militaires. Comme source de financement ou monnaie d’échange. Cependant, les tentatives de négociation entre la guérilla et le gouvernement colombien ont toujours échoué. La solution armée est apparue comme unique issue.

A partir de 2007, sévèrement critiquées par l’opinion et amochées par les frappes militaires, les FARC tentent de valoriser leur image. Elles envisagent alors de libérer, par le biais d’intermédiaires, leurs plus importants otages. L’ex-sénatrice progressiste Piedad Córdoba devient médiatrice. Elle engage une alternative au conflit armé et permet l’ouverture d’un dialogue entre la guérilla, la Croix Rouge, les gouvernements vénézuélien et brésilien.

Ce dialogue entrainera la libération pacifique de tous les militaires et personnalités politiques détenus par les FARC. Des opérations humanitaires largement applaudies par l’opinion publique.

Aujourd’hui, les derniers otages militaires sont libres. Cependant 395 otages civils sont encore aux mains des FARC.

 

Sans verser une goutte de sang

Liberté ! Liberté !”

L’entrée de Piedad Córdoba dans le hall est triomphale. Les familles des otages libérés se jettent dans ses bras. Tant bien que mal, elle se hisse sur une chaise. Son grand sourire impose le silence :

Mes amis, nous avons réussi…sans verser une seule goute de sang. Et ce n’est pas seulement Piedad, mais tout le pays qui a permis ces libérations […] Les FARC s’engagent à ne plus pratiquer l’extorsion, et nous leur en sommes très reconnaissants.”

Cet engagement peu ordinaire de la part de la guérilla entraine l’enthousiasme immédiat de l’auditoire. Enflammée, Piedad Córdoba achève le poing levé : “et nous continuerons à nous battre pour la paix et la liberté des millions de femmes et d’hommes de ce pays !”

Au moment où la señora Córdoba pousse la porte de l’aéroport, une armée de journalistes se rue sur elle. Après quelques brèves réponses, elle les invite à se rendre à la conférence de presse. Mitraillées par les flashs, elle se glisse dans une berline aux vitres fumées.

 

“Le dialogue est l’unique issue”

Une heure plus tard à Bogotá, le président Juan Manuel Santos s’exprime devant toutes les télévisons nationales. Le geste des FARC qu’il considère “respectable” lui semble toutefois “insuffisant”. Il exige la libération sans conditions de “tous les otages victimes de l’intolérance et de la cruauté de la guérilla”. Il remercie “la Croix Rouge et le gouvernement brésilien pour leur contribution” à la libération des otages. “Merci et bonne soirée.”

Face au bouquet de micros du monde entier, Piedad Córdoba ignore l’oubli volontaire du président et s’adresse indirectement à lui : “nous sommes convaincus que le dialogue politique et pacifique est l’unique issue pour sortir de la guerre. Et nous ne l’arrêterons pas en achetant des armes […] Nous exigeons également que le gouvernement national nous autorise à rendre visite aux prisonniers politiques (exigence des FARC – ndlr).”

Un journaliste assis devant elle l’interroge sur l’avenir du pays. Sa réponse traduit une certaine inquiétude : “bien que ces libérations soient une bouffée d’oxygène, la situation des leaders agricoles est très préoccupante. Ce pays souffre et nous devons le guérir.”

Lien : http://courriersderrance.blogspot.com/



3 réactions


  • Rensk Rensk 7 avril 2012 12:43

    Si j’ai bien compris... avec la fin de l’article ; les FARC ne sont plus un vrai problème, ce sont les paysans (leader = syndicalistes ?) qui le sont pour le futur...

    Où dois-je plutôt comprendre que les paysans sont « le FARC » ?


    • Timothée L'Angevin Timothée L’Angevin 7 avril 2012 15:36

      Merci pour votre question. J’aurais dû, comme dans mon blog, mettre un lien pour éclaircir cette conclusion. http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pouvoir-et-paramilitaires-a-l-113722

      Le vrai problème en Colombie n’est plus vraiment (et n’a vraiment jamais été) le conflit entre guérilla et gouvernement, mais les atteintes violentes et systématiques contre les populations civiles. Especialement contre les leaders syndicaux et agricoles qui sont l’objet de disparitions et d’assassinats réguliers de la part des groupes paramilitaires. ce que piedad córdoba a voulu dire, c’est qu’elle souhaitait, maintenant qu’une page est tournée avec les FAR, également dénoncer ces violations des droits de l’homme. 

    • Rensk Rensk 7 avril 2012 15:52

      C’est avec plaisir de lire que j’avais bien compris..., le « Où dois-je »... était voulu pour réellement faire la différence.

      Vu nos propres « grosses » difficulté de « s’entendre »... c’est Dick Marti qui a reçu mandat de faire accepter au plus fort... les vérités « connues » mais non diffusées par les médias...

      Bref nous utilisons, pour un plus petit conflit, le gars qui a fait connaître les prisons cachées de la CIA et des pays d’Europe ayant participé à cette illégalité.

      Il faut des gens crédible pour tous... pour vraiment sortir d’un conflit qui date...
      Je pense que Piedad Córdoba est cette personne dans ce pays... qu’elle ne se gêne pas de demander de l’aide a d’autres « pacificateurs réels »...


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