mercredi 4 février 2009 - par
Cyrille Ier nouveau patriarche de toutes les Russies, sera-t-il l’artisan de la réconciliation avec l’église de Rome ?
Ce mardi 27 janvier à Moscou s’est tenue une élection qui pourrait avoir des conséquences importantes sur les relations entre la Russie et les pays occidentaux, il s’agit d’un personnage qui en terme politique en Russie joue un rôle presque aussi grand que le président ou le 1er ministre, en plus lui il est élu « à vie », il s’agit du Patriarche de toutes les Russies !
Il faut d’abord préciser que cette élection s’inscrit dans un climat de renouveau de la pratique religieuse en Russie, aussi de la bienveillance et de l’importance accordée par le pouvoir politique à son église traditionnelle, laquelle fut au cours des siècles la marque de l’identité du peuple russe, nous aurons l’occasion d’y revenir...
Alexis II patriarche de Moscou et de toutes les Russies présidait aux destinées de l’église orthodoxe depuis 1990 (il s’était à l’époque élevé contre le putsch d’août 1990 qui avait vu l’internement temporaire de Gorbatchev) grâce à la fin du communisme et à la libéralisation effectuée par Eltsine, il avait pu ensuite œuvrer sans relâche à la restauration de l’église orthodoxe et au rétablissement de son influence sociale sous les présidences de Eltsine puis de Poutine, après 18 ans de gouvernance il est décédé le 5 décembre dernier dans sa résidence de Peredelkino près de Moscou à l’âge de 78 ans.
Comme pour l’église catholique, les supérieurs de l’église orthodoxe devaient sans tarder se réunir pour procéder à la désignation d’un nouveau patriarche, ils ont naturellement désigné ce 27 janvier entre les 3 candidats putatifs celui qui était le favori naturel (et était en même temps le patriarche par intérim) : Cyrille Ier jusqu’alors patriarche de Smolensk et de Kaliningrad devra succéder à Alexis II à la tête du Patriarcat de Moscou et devenir ainsi le 16ème Patriarche de toutes les Russies..
Pourquoi cette élection est elle importante ?
On se souvient en Occident de l’enthousiasme provoqué en 1978 par l’élection du cardinal polonais Josef Wojtyla au siège de Saint Pierre sous le nom de Jean Paul II et de la tension ayant accompagné plus récemment en 2005 celle de Joseph Ratzinger devenu ensuite Pape sous le nom de Benoît XVI, ces nominations ont donné lieu à moult analyses politiques sur les tendances que prendrait l’église catholique suite à leur nomination étant donné le poids moral d’une confession qui réunit plus d’un milliard de fidèles dans le monde .. ainsi l’émergence d’un Pape polonais a eu un rôle considérable dans l’émancipation de la Pologne vis à vis du bloc soviétique !
Pour l’église orthodoxe, pas de doute ce ne peut être qu’un Russe.. cependant la personnalité de ce dernier peut influencer sensiblement les orientations qui seront prises par « l’église chrétienne de Moscou », à cette fin il faut rappeler l’attachement extrême des Russes à leur église, gardienne de leur identité et que 70 ans de dictature communisme n’ont pas réussi à effacer, ainsi la plupart des historiens considèrent que l’église orthodoxe a permis de sauvegarder la culture et l’intégrité du peuple russe sous la domination tartare (du XIIème au XVème siècle) et Moscou s’est ensuite intitulée elle-même la 3ème Rome (après la chute de la 1ère puis de Constantinople), l’église en Russie fait partie de l’identité nationale, nul doute que Cyrille Ier risque souvent de supplanter Poutine en terme de popularité...
Les actuels dirigeants du Kremlin sont d’ailleurs très conscients de cette importance, Poutine et Medvedev ont assisté en tête aux cérémonies des funérailles d’Alexis II dans la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou (détruite par Staline puis restaurée en l’an 2000) et les relations entre le pouvoir et l’église vont sans aucun doute se trouver encore renforcées, chacun ayant intérêt à la bonne coopération de l’autre..
Cyrille Ier (sur la photo lors d’une rencontre passée avec Benoit XVI) de son vrai nom Vladimir Goudaiev est comme Poutine originaire de Saint Péterbourg, âgé de 62 ans, il a été nommé en 1989 au poste clé de ministre des Affaires étrangères du patriarcat de Moscou ce qui l’amènera à rencontrer un certain Joseph Ratzinger à 5 reprises - dont 3 fois depuis que Benoît XVI a été élu pape en 2005 ! Il a la réputation d’être un chrétien fervent et convaincu (en 1984 sa prise de position contre la guerre en Afghanistan lui a valu d’être destitué de ses fonctions d’alors) et en même temps un homme de dialogue ; le moins que l’on puisse dire est que le courant ne passait pas vraiment entre Jean Paul II et Alexis II, avec Benoit XVI et Cyrille Ier les choses devraient nettement s’améliorer ainsi que le montre la photo illustrant cet article, si l’actuel Pape que l’on accuse souvent un peu vite d’être réactionnaire, est certes moins doué pour les bains de foule que son prédécesseur, il est par contre un brillant intellectuel, homme très érudit et pondéré qui tient en haute estime l’église d’Orient en général et l’église orthodoxe russe en particulier ; on aura sans doute la surprise au cours des prochaines années de voir « la diplomatie des églises » venir en remplacement de la diplomatie tout court quand le dialogue Russie Occident pourra subir quelques coups de froid et pas forcément qu’en hiver !
On aurait tort de sous estimer l’importance en terme de géopolitique que pourra revêtir le dialogue qui devrait naturellement s’instaurer entre ces 2 chefs spirituels fervents au rayonnement moral incontestable ; formons le vœu que leur rapprochement puisse être un pas de plus en vue de la réconciliation Est-Ouest déjà élaborée dans l’esprit d’un grand nombre d’européens et dont le regard porté sur la Russie a su très positivement évoluer au cours de ces dernières années..
Hiéronymus
Sources :
- le Figaro
- Ria-Novosti
- Reuters