DAECH Les Racines du Mal ; Genèse
Nul Terrorisme ne relève de la Raison, de l’Amour, du Bonheur… Le Terrorisme est l’enfant de la Colère, de la Haine, du Malheur…
Comme Sartre le disait « L’Enfer, c’est les autres », de même, le Terroriste, le Barbare, c’est toujours l’Autre ; y compris avec le sens que le Philosophe a voulu préciser pour sa citation dans le CD « Huis clos » :
« Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons des connaissances que les autres ont déjà sur nous, nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné, de nous juger. Quoi que je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Quoi que je sente de moi, le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui et alors, en effet, je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu'ils dépendent trop du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres, ça marque simplement l'importance capitale de tous les autres pour chacun de nous…
De sorte que, en vérité, comme nous sommes vivants, j'ai voulu montrer, par l'absurde, l'importance, chez nous, de la liberté, c'est-à-dire l'importance de changer les actes par d'autres actes. Quel que soit le cercle d'enfer dans lequel nous vivons, je pense que nous sommes libres de le briser. Et si les gens ne le brisent pas, c'est encore librement qu'ils y restent. De sorte qu'ils se mettent librement en enfer. »
Dans le cas du Terrorisme,
chaque camp voit en effet le Diable ou le Mal dans l’autre camp et ces jugements croisés figent chacun dans ses propres animosités, le rejet de l’un alimentant celui de l’autre et réciproquement.
Il y a également dans le concept de Terrorisme un partage du Monde entre le Bien et le Mal qui confine au Religieux.
Et ce n’est pas pour rien que le Terrorisme apparait souvent dans la frange de conflits religieux ou identitaires.
Une commission de « Hautes personnalités » réunies à l’initiative de l’ONU a réfléchi à une définition contemporaine du terrorisme qui pourrait être décrit comme « toute action […] qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d'un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d'intimider une population, ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir ».
Ainsi, les bombardements de Gaza ou d’Ukraine, le long blocus économique de l’Irak entre les deux guerres du Golfe, les attentats du World Trade Center, les violences de l’EI contre des civils ou des prisonniers relèvent-ils d’actes de terrorisme. Les situations de guerre civile ou de résistance à un envahisseur extérieur ne rentrent pas nécessairement dans cette définition.
La Terreur de la Révolution Française, les Guerres des Chouans en Vendée peuvent être rangées dans la catégorie des Guerres Civiles avec des épisodes terroristes dans les deux camps. Le Massacre de la Saint Barthélémy relève du terrorisme.
Dans les situations complexes le terrorisme peut être lui même instrumentalisé pour stigmatiser un camp ou un groupe, tel le fameux incendie du Reichstag en 1933 ou les multiples voitures piégées lors des guerres civiles du Liban entre 1975 et 1990. Il peut aussi servir de prétexte à une intervention militaire d’une puissance tierce ; c’est la situation que nous connaissons actuellement dans le cadre de l’actuelle guerre contre le Terrorisme déclenchée dans le sillage d’Obama.
Pourquoi l’EI-ex EIIL-maintenant DAECH- a-t-il pu prendre tant d’importance sur la scène internationale
au point d’avoir fait les unes de l’Info depuis début septembre et occasionné plusieurs conférences internationales de chefs d’Etat en vue de la constitution d’une coalition mondiale pour le combattre ?
Un article de Wikipedia compilant différentes sources nous apprend que l’EI est né en 2006 en Irak sous le pavillon d’Al Qaïda avec déjà la prétention d’incarner l’Etat d’Irak, il se développe également en Syrie et la rupture avec Al Qaida est consommée en fin 2013. Le chef de l’EI est Abou Bakr al-Baghdadi , arrété par les Américains en 2005, détenu dans le camp Irakien de Bucca et relaché en 2009. La campagne en Syrie, soutenue par le camp occidental et ses médias, a permis à l’EIIL de profiter d’un fort recrutement étranger et de récupérer des armes prise à l’ASL.
D’après des estimations de la CIA le nombre de combattants de l’EI avoisinerait 30 000 dont 15 000 étrangers (12000 issus de pays musulmans et 3000 occidentaux dont 1000 français).
Le contexte des Révolutions Arabes a donné à l’EI un nouvel élan basé sur une double perception, à la fois réelle et trompeuse, perception en partie construite à travers le miroir des médias occidentaux et des réseaux sociaux :
Eric Dénécé, du CF2R (centre français de recherche sur le renseignement), auteur du livre « La Face cachée des révolutions arabes » dévoile dans cet interview le côté fabriqué de ces révolutions habilement manipulées mais détournant un authentique sentiment de révolte. « Washington encourage et appuie les armées d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient pour qu'elles évoluent vers un rôle « à la turque » : c'est-à-dire qu'elles n'occupent pas le pouvoir - sauf cas de force majeure - mais soient les garantes de la stabilité du pays contre l'islamisme, qu'elles contribuent à la stabilité régionale et qu'elles ne manifestent pas d'hostilité réelle à l'égard d'Israël. »
Les médias ont donc accueilli les révolutions arabes comme une aspiration démocratique des peuples Tunisiens puis Egyptiens et cette évolution dans ces deux pays vers des compromis négociés entre laïcs et islamistes modérés a conforté l’idée d’un Printemps Arabe.
Cette double perception : aspiration démocratique et émergence d’un Islam modéré à la Turque compatible avec la Modernité a même porté un instant les mouvements Tunisiens et Egyptiens.
Les interventions extérieures pour déstabiliser la Syrie et la Libye, puis la chute de Kadhafi sous l’intervention conjointe USA-UK-France et des miliciens salafistes du Qatar et de l’Arabie saoudite (dont certains venant de l’EI d’Irak) ont bénéficié alors de la même aura médiatique de combat pour la liberté. Les milices islamistes ont pu alors s’installer en Libye devenue ainsi la base arrière et l’arsenal des mouvements islamistes d’Afrique du Nord.
Les combattants des groupes islamistes en Syrie ont pu alors continuer à profiter de ces soutiens occidentaux dans leur lutte pour renverser Bachar Al Assad
Le tournant a été le renversement de Morsi par le maréchal Sissi, l’épisode de l’attaque au gaz sarin en Syrie durant l’été 2013 et la non-intervention d’Obama ;
les frères musulmans devenaient plus radicaux en Egypte et les relations se tendaient avec Israël ce que les USA ne pouvaient accepter d’autant plus que la Turquie d’Erdogan connaissait une évolution semblable. Morsi a donc été renversé par l’armée pour le compte des USA et Erdogan a du faire face à diverses attaques politiques indirectes (affaire de la protection du square, du jamais vu en Turquie très « écolo », scandales et écoutes !) menées en sous main pour le compte d’Obama.
Les relations se gâtent également entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, dans la coalition des Amis de la Syrie mais aussi sur le terrain où les différents groupes djihadistes s’affrontent violemment. Les médias ne peuvent plus alors ignorer l’importance du phénomène djihadiste.
Après la dérobade des Américains pour bombarder la Syrie, les rebelles modérés syriens reçoivent de nombreux armements lourds, dont des armes antichars sophistiquées qui finissent par rejoindre les rangs de l’EI.
L’alarme est lancée par Obama lorsque les troupes de l’EI enfoncent les défenses Irakiennes et prennent plusieurs villes dont Mossoul.
Ce qui reste de l’Etat Irakien est alors sérieusement ébranlé et Washington peut imposer un nouveau premier ministre plus conciliant Al Abadi.
Après quelques séquences sur les exactions contre les chrétiens d’Irak et les Yazidis puis les décapitations des deux journalistes, les USA lancent la Grande Coalition contre Daech à la suite de la Grande Réunion de l’OTAN au Pays de Galles.
Les Objectifs militaires US ne sont pas très clairs ; derrière l’extermination de l’EI par des troupes au sol Arabes, Turques, Kurdes appuyées par les aviations occidentales se cache la volonté de contrôler la région et d’abattre Bachar Al Assad. Dans le même temps le Valet américain Le Drian a fait part de la volonté française de ré-intervenir en Libye et par ailleurs Obama envoie 3000 soldats au Libéria contre Ebola. Il y a donc grand branle bas de combat. L’Algérie s’en inquiète d’ailleurs et l’a fait savoir.
Sauf que sur le terrain ce n’est pas si simple car à part les Irakiens et les Kurdes personne n’a vraiment envie d’y aller. Les Américains multiplient les pressions sur les Turcs pour qu’ils participent aux opérations terrestres ; le plus surprenant dans cette histoire est que des groupes djihadistes modérés viennent de signer un cessez le feu avec l’EI !
On voit donc que sur le terrain les objectifs des différents protagonistes ne sont pas identiques ; leur seul point commun est de tous vouloir la chute de Bachar Al Assad mais le but affiché de la coalition est de lutter contre Daech.
Les positions de la Turquie et du Qatar, à cet égard, sont les plus divergentes de l’objectif officiel US car les deux régimes ont largement œuvré à la montée en puissance de l’EI ; la Turquie a servi de receleur pour le pétrole conquis par les djihadistes et continue à le faire, en moindre quantité, avec l’indulgence complice des Américains. Les Turcs s'inquiètent également d'une éventuelle indépendance du Kurdestan Irakien et de son incidence pour les Kurdes de Turquie.
L’objectif réel est donc certainement plus de contenir Daech en Irak, de l’affaiblir en Syrie tout en l’utilisant contre Bachar Al Assad. Il s’agit aussi de lutter contre le Hezbollah et d’affaiblir les positions de la Russie et de l’Iran dans la région.
Ces objectifs ont encore été récemment confirmés par la publication d’un document, intitulé « Ensuring a Strong Defense for the Future » (« Assurer une défense forte pour le futur ») rédigé par le National Defense Panel, un groupe d’anciens hauts responsables civils et militaires, missionnés par le Congrès pour fournir un regard critique sur le calendrier prévisionnel officiel du Pentagone, le plan quadriennal de défense 2014. Voici quelques extraits du rapport traduit par mes soins détaillant les menaces principales relevées dans ce rapport :
« Les USA et ses Alliés et Partenaires sont confrontés à des Etats agressifs menaçant la stabilité et la sécurité dans leur région ; La Chine, la Russie, la Corée du Nord et l’Iran, chacun à titre différent, menacent la stabilité régionale ce qui oblige le Département d’Etat à prévoir des scénarios pour de potentielles situations d’urgence…
1. Menace du programme nucléaire Iranien pour la sécurité régionale
2. Menace de groupes terroristes utilisant certaines zones sanctuaires du Moyen Orient (zone frontalière Syrie Irak) ou du Nord de l’Afrique pour entrainer des combattants étrangers et fomenter des attaques contre les USA, ses alliés et partenaires.
3. Menaces d’attaques sur Israël pouvant déboucher sur une guerre générale dans la Région.
4. Menace que constituent l’usage persistant par l’Iran du terrorisme et d’une politique agressive dans la région ainsi que la portée croissante de ses missiles
5. La maitrise par l’Iran de technologies militaires avancées menace le libre passage du Détroit d’Hormuz
6. Menace que l’Irak ne sombre dans une guerre civile prolongée ou n’éclate en trois entités communautaires.
7. L’annexion récente de la Crimée par la Russie et ses constantes tentatives de déstabilisation de l’Ukraine montrent que Moscou est prête à utiliser la force et la coercition pour servir ses intérêts en n’hésitant pas à violer des règles fondamentales du Droit international….
Des acteurs de premier plan, tels la Chine, la Russie, la Corée du Nord et l’Iran ont tous développé des munitions de précision et des dispositifs électroniques d’assistance au combat (en matière de communication, guidage, surveillance, brouillage)qui rendent plus difficile pour les Forces américaines d’entrer et d’agir dans des zones qui étaient auparavant relativement sures. Cette menace est particulièrement aigue en Asie de l’Est, avec le système chinois A2AD et ses missiles de croisière de longue portée dont la précision ne cesse de s’améliorer… »
Le rapport préconise en conséquence :
« Nous croyons [...] qu’une capacité à faire la guerre partout est la condition sine qua non pour être une superpuissance et s’avère donc essentielle à la crédibilité de la stratégie globale de l’Amérique en matière de sécurité nationale. Dans le contexte actuel de menaces, les États-Unis pourraient, selon toute vraisemblance, être amenés à mener des actions préventives ou à combattre dans plusieurs régions sur des périodes qui se superposent : dans la péninsule coréenne, dans les mers de Chine orientale et méridionale, au Moyen-Orient, en Asie du Sud, et pourquoi pas en Europe. Les États-Unis sont également confrontés à la possibilité d’avoir à faire face à des adversaires dotés de l’arme nucléaire. »
Entre la Volonté de puissance et la Peur obsessionnelle des USA d’un côté et le Fanatisme dogmatique et violent de Daech de l’autre, le Monde entre dans une période de tempêtes.
« L’Enfer, c’est les Autres » disait Sartre.
Pour l’Occident, l’Autre c’est toujours un peu le Barbare envahisseur sauvage des temps Anciens mais que l’on a appris à dominer dans les Terres Ultramarines et partout dans le Monde, c’est aussi la Peur et le Remord coupable diffus que l’on exorcise sur l’autel des ONG, c’est aussi la nostalgie des terres vierges, du Bon Sauvage que l’on invoque dans l’Ecologie Primale …
Pour les fanatiques de Daech qu’est ce que cet « Autre » occidental ? Il y a, bien sur, toute cette « Haine de l’Occident » que Jean Ziegler a si bien décrite dans son livre où il montre bien comment la Peur de l’un nourrit celle de l’autre. Il s’y mêle aussi fascination et frustration devant les mirages médiatiques des publicitaires que l’on va exorciser dans le fantasme messianique d’un retour aux conquêtes sur les Terres du Prophète.
Mais pour en arriver à ce paroxysme actuel il a fallu que l’histoire contemporaine caricature et diabolise à outrance ces images de l’Autre : Après la décolonisation, le marxisme et ses variantes ont porté un temps les espoirs d’un monde marchant vers l’émancipation ; Mais cette espérance s’est peu à peu délitée dans les arcanes du stalinisme et de la Guerre Froide. La chute de l’URSS en a sonné l’hallali.
La mondialisation libérale occidentale a progressivement envahi le Globe ; dans les pays de tradition musulmane, l’Islam est alors apparu comme une alternative et une voie vers une société plus égalitaire. Les confrontations Occident-Monde de l’Islam à propos d’Israël et de l’Iran ont été les catalyseurs des Haines réciproques ; malheureusement les problèmes ne sont toujours pas réglés et ne font qu’empirer.
Il est non moins vrai que s’il n’y avait pas eu les énormes enjeux pétroliers du Moyen Orient on aurait pu trouver des solutions de paix durable et équitable depuis très longtemps. Les régimes autoritaires de Syrie, d’Irak et de Libye auraient pu avec le temps et les qualités de leur système éducatif évoluer vers des régimes largement aussi présentables que certaines de nos démocraties.
L’Iran donne l’exemple d’un pays islamique qui sur de nombreux points a rattrapé la modernité et qui-si on lui en laisse le temps-évoluerait vers plus de libertés. Mais il faudrait pour cela que les USA arrêtent de jouer les gendarmes du Monde et que les Occidentaux acceptent de partager davantage les ressources communes du Monde.