samedi 13 juillet 2013 - par Sam La Touch

Egypte : coup d’Etat et contre-révolution sous l’égide des USA

Ce n'est un secret pour personne les frères musulmans, parvenus au pouvoir démocratiquement en Egypte il y a un an, sont très proches de la CIA et des Etats-Unis, du moins jusqu'à leur éviction par un coup d'Etat militaire dont certains y voient la patte de l'oncle Sam. Ainsi dans la guerre soutenue par les forces atlantistes contre le gouvernement d'Assad, les Frères Musulmans sont devenus l'avant garde de l'assaut impérialiste occidental. La nébuleuse des Frères musulmans serait coordonnée par la Muslim Association of Britain de Londres, s’appuyant sur la banque Al-Taqwa (Wikipedia) et a été financée et soutenue par la CIA dès les années soixante (1. Quand la CIA finançait les Frères musulmans  ; 2. 1954-1970 : CIA and the Muslim Brotherhood Ally to Oppose Egyptian President Nasser). En Egypte "Les réunions secrètes et répétées des responsables des Frères avec les Américains laissent penser à un marchandage pour un soutien U.S. (auprès de l’armée) à leur prise de pouvoir, en contrepartie d’un alignement sans réserve des Frères sur les positions américaines." (3. De la démystification des Frères).

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© (Photo Mohamed El-Shahed . AFP)
Avec la chute du président Morsi c'est la coalition anti-Assad qui s'effondre suite aux déboires de la Turquie (4. Le renversement de Morsi porte un coup à la coalition anti-Assad). Si les manifestations populaires contre le régime du président Morsi qui ont repris sur la place Tahrir visaient à restaurer les idéaux et les réformes prônées par le mouvement populaire égyptien bafoué par les frères musulmans affidés des USA, l'intervention de l'armée égyptienne - qui ne cache pas ses affinités avec l'ancien dictateur Moubarak et son inimitié vis-à-vis de Morsi et ses frères - apparaît non seulement comme un coup d'Etat militaire mais aussi comme un processus contre-révolutionnaire appuyé pour certains observateurs par l'oncle Sam. Selon Global Research, les frères musulmans auraient été considérés comme des "remplaçants" transitoires à Moubarak et non comme une "alternative" (5. Was Washington behind Egypt's coup d'Etat. Did the Pentagone gve the green light ?). Pour Michel Chossudovsky, l'Egypte est le bénéficiaire principal de l'aide militaire après Israel. C'est un allié solide dans la région et si l'armée égyptienne a choisi cette position offensive en démettant un président élu démocratiquement, elle ne peut l'avoir fait qu'avec le feu vert du Pentagone (6. The Pentagon was behind Egypt’s Military Coup).

Ainsi l'administration Obama se refuse à dénoncer le coup d'Etat permettant au congrès de continuer à subventionner l'armée égyptienne et investir dans le pays à hauteur de 2 milliards de dollars par an. La reconnaissance du coup d'Etat par Washington obligerait le Congrès à supprimer tous les crédits envers l'armée égyptienne.

"The coup is proceeding with Washington’s full support. The Obama administration has even cynically sought to avoid admitting that what is taking place in Egypt is a coup, as this would legally bar Washington from paying its yearly $1.3 billion subsidy to the Egyptian army.US congressmen have also indicated that they favor ignoring the law to continue backing the coup. “The law by its terms dictates one thing, and sensible policy dictates that we don’t do that,” Democratic Representative Howard Berman told the New York Times. “That’s why the executive branch gets to decide whether it’s a coup or not. Under the plain meaning rule, there was a coup.” However, Berman added that he opposed cutting off aid to the Egyptian army. "(7. Violent clashes spread in Egypt as US backs army coup ).

Le coup d'Etat viserait non seulement à éliminer les frères musulmans jugés insufisamment dociles mais surtout à éviter que le mouvement révolutionnaire né en Egypte l'emporte, soit défavorable aux intérêts américains et israeliens et construise une alternative démocratique solide en Egypte qui sorte ce pays de l'ornière nécoloniale dans laquelle il est maintenu depuis des décades par les forces impérialistes. Selon le Wall Street Journal (8. After The Coup in Cairo. The USA shouldn't cut off aid to a new Egyptian government), les USA pourraient profiter de ce coup d'Etat afin de relancer une économie égyptienne moribonde qui leur soit plus favorable au travers d'une junte militaire comparée à celle de Pinochet et qui serait selon ce quotidien une chance de stabilité pour les Egyptiens mais aussi pour les investissements états-uniens. "Washington can also do more to help Egypt gain access to markets, international loans and investment capital. The U.S. now has a second chance to use its leverage to shape a better outcome. Egyptians would be lucky if their new ruling generals turn out to be in the mold of Chile's Augusto Pinochet, who took power amid chaos but hired free-market reformers and midwifed a transition to democracy. " En clair un retour à un régime à la Moubarak favorable aux intérêts économiques et géopolitiques US tout en imposant un ordre strict dans le pays source de retour à une stabilité favorable aux échanges commerciaux avec les USA.
Cette action militaire risque pourtant de plonger le pays dans le chaos. Va-t-on vers une junte militaire à la Moubarak ou vers un gouvernement civil fantôche ? Retour à la case départ ? Stratégie du chaos comme en Algérie, en Somalie, en RDC ?

Le risque est grand de voir le syndrome algérien se reproduire en Egypte. En effet en 1991 une faction de l'armée algérienne, suite aux élections remportées démocratiquement par le front islamique du salut (FIS), a confisqué le pouvoir en Algérie sous prétexte de lutter contre le terrorisme.
"Lors des élections locales de 1990, premières élections libres en Algérie, le FIS avait remporté 953 communes sur 1539 et 32 wilayas (provinces) sur 48. Le 26 décembre 1991 a eu lieu le premier tour des élections législatives. Le FIS obtient 188 sièges sur 231, soit près de 82 %, le FFS 25 sièges et le FLN 15 sièges, les candidats indépendants remportent 3 sièges. Prenant acte de la situation qui prévalait, et qui risquait de tourner à son désavantage, l'armée décide le 11 janvier 1992 de pousser le chef de l'État, le président Chadli Bendjedid à la démission et d'interrompre le processus électoral. Les assemblées communales et départementales dirigées par les élus du FIS sont par ailleurs dissoutes et les militants et sympathisants de la formation qui vient de remporter le premier tour du scrutin législatif sont emprisonnés ou expédiés dans des camps établis dans le sud saharien." (Wikipedia) Cette junte militaire a pu créer les conditions d'une terrible guerre civile qu'elle a remporté militairement pour s'accaparer les richesses du pays (notamment le pétrole et le gaz).

En Egypte, les partisans du président Morsi sont dans leur bon droit et ont à juste titre l'impression qu'on leur vole leur victoire démocratique incontestable d'il y a un an. Va-t-on vers une guerre civile (rappelant ce qui s'est passé en Algérie) qui servirait les intérêts de l'armée égyptienne sous influence US ou vers une modification de la constitution comme ce fut le cas en France lorsque l'armée avec à sa tête le Général de Gaulle prenait le pouvoir en 1958 - dans le contexte de la guerre d'Algérie - en créant la Vème République renvoyant le Parlement à l'état de simple caisse enregistreuse des décisions gouvernementales et s'arrogeant avec son état major le pouvoir exécutif sans le moindre contrôle ?

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Lire aussi dans Le Monde du7 juillet 2013 Egypte : un coup d'Etat planifié par les militaires ?
"Un "soulèvement populaire appuyé par l'armée", telle est la version officielle de la destitution de Mohamed Morsi. Pourtant, des sources concordantes provenant des Frères musulmans, de l'armée et des renseignements, ont affirmé à l'agence de presse AP que la destitution du président égyptien avait été décidée par les militaires dès le 23 juin, une semaine avant la manifestation du 30 juin, qui a poussé des dizaines de millions (sic) d'Egyptiens dans la rue."

Ajout supplémentaire en date du 12 juillet 2013.
Ainsi que dans  L'Express du 12 juillet 2013 Egypte : depuis quand le coup d'Etat était-il planifié ?
"Plusieurs éléments laissent à penser que le "soulèvement populaire" à l'origine du renversement du président Morsi pourrait avoir été moins spontané qu'on ne l'a cru dans un premier temps. ...Les événements en cours ne sont pas sans rappeler ceux du Chili en 1973 - où, dans un contexte de crise, des grèves de professions libérales et de camionneurs avaient précédé le coup d'Etat militaire contre Salvador Allende- ou de l'Algérie en 1992 : l'armée avait interrompu les élections législatives remportées au premier tour par les islamistes. Mais, avertissait le journaliste Jonathan Steele dans le Guardian, le jour même du renversement de Mohamed Morsi, "depuis le Chili en 1973 jusqu'au Pakistan en 1999, nombreuses sont les prises de pouvoir par des militaires saluées au cours des premières heures ou des premiers jours, qui ont été amèrement regrettées les années suivantes."

Enfin il apparaît que les Etats-Unis ont subventionné l'opposition et les principales figures de l'opposition ayant appelé à manifester contre Morsi (9. Exclusive : US Bankrolled Anti-Morsi Activists)
"But a review of dozens of US federal government documents shows Washington has quietly funded senior Egyptian opposition figures who called for toppling of the country's now-deposed president Morsi ".



Références :
1. Le Point Quand la CIA finançait les Frères musulmans 
2. History 1954-1970 : CIA and the Muslim Brotherhood Ally to Oppose Egyptian President Nasser
3. Le Grand Soir De la démystification des Frères
4. RIA Novosti Le renversement de Morsi porte un coup à la coalition anti-Assad
5. Global Research.ca Was Washington behind Egypt's coup d'Etat. Did the Pentagone gve the green light ?
6. Global Research The Pentagon was behind Egypt’s Military Coup
7. WSWS Violent clashes spread in Egypt as US backs army coup
8. Wall Street Journal After The Coup in Cairo. The USA shouldn't cut off aid to a new Egyptian government
9. ICH Exclusive : US Bankrolled Anti-Morsi Activists



10 réactions


  • chapoutier 13 juillet 2013 12:11

    Face au déferlement populaire qui a culminé le 30 juin, les généraux égyptiens et l’administration américaine qui finance l’armée, ont tenté jusqu’au bout de préserver le président Morsi et son gouvernement.
    ’’’’

    Après la journée du 30 juin, selon le quotidien d’Etat Al Ahram (7 juillet), le chef des armées, le général al-Sissi, qui est resté en contact téléphonique permanent avec ses homologues américains, a proposé que ce soit un référendum qui tranche sur le maintien de Mohamed Morsi. Mais devant l’ampleur de la secousse, l’état-major, craignant de voir tout le régime, donc l’armée, emporté avec les Frères musulmans, a préféré lâcher Morsi, en accord avec la Maison-Blanche, non sans hésitations et contradictions de la part de cette dernière. (…)

    Un comité est chargé de proposer des amendements à la Constitution. Des amendements, rien de plus, (..) il s’agit d’éviter l’élection d’une Assemblée constituante qui poserait la question du régime, c’est-à-dire du régime militaire inféodé à l’administration américaine. Les partisans de Morsi continuent de manifester aux cris de « à bas le régime militaire ! », car une partie de ceux qui, parmi les couches les plus déshéritées, avait voté Morsi pour en finir avec le régime militaire en place depuis des décennies, ne veulent pas du retour de l’armée.(…)

    C’est là toute la contradiction de la situation, car il y a près de trois ans, c’est tout le peuple d’Egypte qui était dans la rue au coude à coude pour mettre à bas le régime militaire dirigé par le général Moubarak. L’armée cherche, en associant toutes les forces qu’elle peut regrouper, à sortir un nouveau gouvernement de coalition. Mais celui-ci aura toujours comme feuille de route celle de l’armée, c’est-à-dire celle du FMI, c’est-à-dire une politique opposée aux intérêts du peuple égyptien.’’’’


    • Sam La Touch Sam La Touch 14 juillet 2013 11:50

      "C’est marrant mais si un tel événement était arrivé en France on aurait appelé ça un Putsch, peu importe quel personnage aurait été viré.« 

      Ce fut le cas en France en 1958 quand le général de Gaulle est revenu au pouvoir avec le soutien des militaires et des ultras d’Algérie pour changer de constitution et créer sa Vème République. Depuis le pouvoir exécutif est sanctuarisé par le monarque républicain et son Etat-major. Certains hommes politiques français ont parlé de »coup d’Etat permanent« de  »putsch démocratique"...


    • CASS. CASS. 17 juillet 2013 02:38

      hum ! De Gaulle avait mis en place la 5 éme république , car il s’était rendu compte que la 4éme était gangrénée par des sayanim et donc une certaine politique sioniste ; et livrer sa patrie à ça, pour De Gaulle celà était hors de question !!! De Gaulle l’helleniste était totalement !!! anti ce nouvel ordre mondial.


  • paul 13 juillet 2013 17:28

    Les état-majors américains et égyptiens sont des vieux amis de plus de 30 ans . L’Égypte est le deuxième plus grand bénéficiaire de l’aide militaire américaine, après Israël .

    En vertu de la loi américaine, l’aide ne peut être accordée à un pays victime d’un coup d’état ou d’un putsch militaire ...mais avec possibilités d’exonérations liées à la sécurité nationale des États Unis . Donc loi à la carte selon les besoins .

    L’article du média canadien Globalresearch cité (n°6) dans le présent article explique comment les E.U.tiennent l’Egypte dans la dépendance financière et militaire, après lui avoir imposé les réformes néo-libérales du FMI, qui ne permettent plus à sa population de vivre correctement .
    Que ce soit Moubarak, Morsi ou son opposition, les E.U. contrôlent ces gouvernements pour ....la pax americana et la tranquillité d’Israël .

     http://blog.mondediplo.net/2013-07-10-Des-amis-de-trente-ans 


    • Sam La Touch Sam La Touch 14 juillet 2013 11:38

      "L’article du média canadien Globalresearch cité (n°6) dans le présent article explique comment les E.U.tiennent l’Egypte dans la dépendance financière et militaire, après lui avoir imposé les réformes néo-libérales du FMI, qui ne permettent plus à sa population de vivre correctement .
      Que ce soit Moubarak, Morsi ou son opposition, les E.U. contrôlent ces gouvernements pour ....la pax americana et la tranquillité d’Israël ."

      Lire à ce sujet sur le même site, l’article  :
      - America’s Plan B in Egypt : Bring Back the Old Regime



    • CASS. CASS. 17 juillet 2013 02:49

      je rappel que ce baptisé israel n’a ni frontiére ni constitution, personellement je ne reconnais pas cette chose illégitime illégale criminelle et terroriste à tous les niveaux et expansionniste,jusqu’à francerael usrael englishrael etc .


  • dayali 14 juillet 2013 08:15

    Morsi avait pourtant été légitimé par les premières élections démocratiques de l’histoire en Egypte. Mais la démocratie en Egypte n’a pas résisté aux militaires et aux pressions états-unienne et israéliennes qui veulent le retour d’un pouvoir militaire fort pour assurer la stabilité économique et politique dans la région. 


  • CASS. CASS. 17 juillet 2013 03:01

    « états-unienne et ahskénazes qui veulent le retour d’un pouvoir militaire fort pour assurer la stabilité économique et politique dans la région. » pour assurer un chaos total dans la région oui, sauf pour une poignée,jusqu’à ce que le dit zionistan puisse régner sur toute la région y compris sur le Nil et bien au -delà n’est - ce pas


  • mehdi mehdi 21 juillet 2013 22:46

    Un très bon article...mais peut-on évoqué l’élection de morsi comme une prise de pouvoir démocratique (taux d’abstention et nombres de parti politiquese présentant aux élections pour faussé le jeu ? ).

    Le revirement de la situation est à l’avantage des frères musulmans, il sont considéré pour une partie de la population comme des victimes...quel beau rôle pour des opposants à un régime, le temps pour les frères musulmans d’arriver au pouvoir n’est pas pour aujourd’hui...mais pour demain, la situation économique actuelle n’aurait pas pu leur permettre de redresser l’ampleur des problèmes socio-économique et de ce fait se décrédibiliser une bonne fois pour toutes, en quittant le pouvoir assez tôt...il y aura toujours des personnes pour dire qu’ont ne leur à pas laissé le temps de faire leur preuve.
    Tout ceci à bien l’air de manœuvres pour enfumé tout le monde et apparemment celà fonctionne. 
    A lire sur le blog de george malbrunot relatant les faits que celà fait plus de six mois que les américains et l’armée égyptienne demandé l’ouverture du champ politique , bien entendu morsi refusa, jouant son rôle de victime et tenant sa position et laissé faire le cours des choses, une grande pièce de théâtre chacun dans son role

  • mehdi mehdi 21 juillet 2013 23:20

    Celà fait plusieurs décennies que les frères musulmans sont en attente de prendre le pouvoir entre autre en égypte, ils ont fait un travail de terrain par le bas...en occupant le champ social tout en en étant opposé aux régimes dictatoriaux, ils ont réussi à avoir une bonne opinion des couches populaire, ils avaient plutôt le bon rôle...seulement une fois au pouvoir il leur fallait faire leur preuve, la crise économique et la stagnation économique au nord n’aide pas à amélioré la situation économique au sud, les frères musulmans auraient étaient tout simplement incapable de résoudre lesproblèmes économique et satisfaire les attentes du peuple égyptien, de ce fait il était plus judiciable pour eux dans l’instant de faire ce qu’ils savent bien faire, le rôle de victime du régime...une chose commune aux couches populaire. 

    Un très bon calcul politique...

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