samedi 26 mai 2012 - par Daniel Salvatore Schiffer

Election d’un nationaliste à la présidence de la Serbie : le retour des vieux démons

 C’est un tragique et très regrettable retour à ses vieux démons que la Serbie vient d’opérer, ce dimanche 20 mai 2012, en élisant, avec 50,21 % des suffrages, un nationaliste tel que Tomislav Nikolic à la présidence de l’Etat.

 Car Nikolic a beau être l’actuel leader d’un parti qu’il a fondé, en 2008, en le baptisant de l’aguichant mais illusoire nom de « Parti Progressiste Serbe » (SNS), il fut surtout, plus dangereusement tant pour les libertés démocratiques que pour l’équilibre idéologique de son pays, l’ancien responsable politique, de 2003 à 2008, du Parti Radical Serbe (SRS), formation extrémiste, issue des milieux « tchetnik » et autres fanatiques religieux (orthodoxes, en l’occurrence), que présida jusqu’en 2003, année où il se rendit spontanément à La Haye, un certain Vojislav Seselj, national-populiste, ardent défenseur de la « Grande Serbie », que le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie a formellement inculpé pour son rôle actif lors des guerres en Bosnie et en Krajina, où il était alors le chef incontesté de très redoutables brigades paramilitaires, de « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre ». Et ce en requérant à son encontre, pas plus tard que le 7 mars dernier, une peine de 28 ans de prison pour sa responsabilité dans cette abominable « épuration ethnique » qui y fut alors systématiquement pratiquée, avec une rare violence, à l’encontre des populations civiles bosno-musulmanes et croates !

 Qu’on se le dise donc : c’est Vojislav Seselj, qu’il m’arriva naguère de traiter publiquement, en Serbie même et en plein cœur de Belgrade, de « fasciste » (motif pour lequel j’y eus parfois, au prix d’infâmes et obscures magouilles, les pires ennuis, y compris judiciaires, jusqu’à y être considéré « persona non grata »), qui fut en réalité, depuis toujours, le mentor, tant politique qu’idéologique, du nouveau président serbe, Tomislav Nikolic !

 Ainsi, à titre d’exemple et pour employer une analogie, ce soi-disant « Parti Progressiste Serbe » de Nikolic est-il à la Serbie ce que le « Front National » de Marine Le Pen est à la France : une formation d’extrême droite, populiste et nationaliste, sinon xénophobe, à la fois… sauf que cela se passe, pour corser l’affaire et aggraver la situation, en un pays - la Serbie, précisément - qui vient de sortir de deux terribles et sanglants conflits - ceux de Bosnie, jusqu’en 1995, et du Kosovo, jusqu’en 1999 - qui se soldèrent, hélas, par les pires atrocités que l’Europe ait connue, sur le plan humain, depuis la Seconde Guerre mondiale.

 Ce n’est peut-être pas un hasard, du reste, si cette très dommageable élection de Tomislav Nikolic à la tête de la Serbie coïncide, pratiquement jour pour jour, avec l’historique ouverture, ce 16 mai 2012, du procès de Ratko Mladic, lui aussi pour « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » (chefs d’inculpation auxquels s’ajoutent cependant, dans son funeste cas, celui de « génocides »), au TPIY : tant Seselj que Nikolic le considérèrent d’ailleurs toujours, aux côtés de Radovan Karadzic, jadis Président de l’autoproclamée République Serbe de Bosnie, comme un héros national !

 Ainsi est-ce le peuple serbe qui, victime là avant tout de l’invraisemblable et souvent honteuse démagogie de certains de ses propres dirigeants politiques, est à plaindre, en premier lieu, pour ce catastrophique et très contreproductif, à tous niveaux, retour en arrière. Car ce sera malheureusement là, dans un proche avenir, un nouveau et déplorable boomerang, au regard des très légitimes exigences morales de notre Europe moderne et démocratique, pour la Serbie elle-même.

 Le peuple serbe, qui vaut mieux que cela, ne le méritait franchement pas, lui qui s’était longuement et patiemment accroché, ces dix dernières années, aux espoirs nés dans le sillage de l’ancien président, lequel vient donc d’être vaincu, Boris Tadic, quant à lui, au contraire, un vrai progressiste et européen convaincu.

Un bien amer résultat, donc, que cette désastreuse élection présidentielle en Serbie, redevenue aujourd’hui infréquentable !

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, auteur de « Requiem pour l’Europe – Belgrade, Zagreb, Sarajevo » ainsi que de « Les Intellos ou la dérive d’une caste – De Dreyfus à Sarajevo », publiés aux éditions L’Âge d’Homme.



8 réactions


  • eric 26 mai 2012 10:19

    Comme d’hab. Pleurnicher sur du « fascisme » est de bonne guerre ( enfin, dans vos milieux), mais le vrai évènement est sans doute comme ailleurs l’incapacité de ses éventuels opposants « progressistes » à proposer une alternative et a être suffisemment proche des préoccupation des électeurs pour être audibles. Comme ceux là, sont comme vous j’imagine, réputé être les « intelligent et les gentils », l’analyse intéressante eut été de nous expliquer comment avec toutes ces supériorités intrinsèques et quasis ontologiques, ils parviennent a se faire débarquer par des idiots nuisibles. Tant que ces analyses ne seront pas faites, on peut même oser se poser des questions sur le diagnostic que vous portez sur ce type.


  • morice morice 26 mai 2012 10:28
    Tant que ces analyses ne seront pas faites, on peut même oser se poser des questions sur le diagnostic que vous portez sur ce type.

    bref pour vous il ne l’est pas fasciste... et pourtant si.

    • eric 26 mai 2012 11:32

      Quelle importance ? La seule question qui vaille est pourquoi les « progressistes »on été plus mauvais. Parce qu ’enfin morice, vous auriez un gouvernement en France dont vous seriez convaincu qu’il est réellement fasciste, vous seriez avec moi dans le maquis non ?
      Donc, si le croit l’auteur est c’est un jean foutre un peu ridiule ( qui peut rester paisiblement derrière son écran quand le « fascisme » n’est déjà plus à ses portes mais « jusque dans nos bras ») soit il ne le croit pas et il ajoute l’emphase au ridicule.
      Dans les deux cas, cela lui évite de se poser la question de son échec. C’est comme le gamin qui a perdu un bille parce qu’il a moins bien visé et qui réagit en disant « méchant ! ». Allez, 10 ans en comptant large !


    • verdad 26 mai 2012 16:57

      Avec du recul j’en suis parvenu à conclure.

      Le FASCISTE EST CELUI QUI ACCUSE LES AUTRES DE L’être ;
      qui l’est !

      Si ceux qui ne cessent de parler du Fascisme, étaient nés à l’époque
      où il sévissait ; ils sauraient de quoi ils parlent


  • Al West 26 mai 2012 16:44

    Bonjour M. Schiffer,

    Une mauvaise nouvelle de plus pour vous et vos amis. Nikolic et Poutine se sont mis d’accord pour que la Russie prete 800 millions de dollars a la Serbie pour realiser des projets russes. Ca ne doit pas plaire a l’humaniste UE ca, si ?


  • Georges Yang 26 mai 2012 16:58

    L’élection d’un nationaliste en Serbie est le résultat de l’ostracisme et de l’hystérie anti-serbe en Europe Occidentale, rien de plus

    A force d’exciter et d’humilier un peuple, il se rebelle et refuse d’aller dans le sens qu’on veut lui faire suivre


    • jymb 26 mai 2012 18:10

      Avec la partition forcée du pays, l’UE a créé une situation conflictuelle potentiellement interminable et horriblement coûteuse. Les exemples de l’Irlande, de Chypre, de la Palestine n’ont servi à rien, Rendez vous dans un demi siècle, il y a fort à parier que la situation sera figée


  • COVADONGA722 COVADONGA722 26 mai 2012 18:20

    Un bien amer résultat, donc, que cette désastreuse élection présidentielle en Serbie, redevenue aujourd’hui infréquentable !


    Que voila une bonne nouvelle !!!!tous les peuples ne veulent pas de la bouillie ethanasiante de votre démocratie mr schiffer, tous les peuples ne veulent pas ingurgiter la doxa que
    vous et vos comperes professez à longueur de dictats et postures intellectuels.
    Yep salauds de peuples on leur donne le droit de choisir et ils choisissent ce qui leur convient.Bien cher philosophe heureusement pour vous et vos pareils que vos maitres banksters aient verrouillés le systeme democrasouille" sinon ils se pourraient que nos petits maitres a penser connaissent des lendemains qui déchantent !!!!!!!
    Asinus


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