Electricité en Europe : redistribution des cartes
On assiste en ce moment à une grande redistribution des cartes
entre les électriciens européens, en vue d’une préparation à l’ouverture du marché
européen à la concurrence complète, jusqu’au consommateur final.
En Allemagne, les deux grands électriciens sont RWE et E.ON dont
vous avez peut-être suivi la bataille pour s’approprier une part des ressources
en gaz en provenance de la Russie, via la société nationale Gazprom. Un gazoduc
est en projet très avancé pour amener le gaz russe sous la Baltique en Allemagne
du Nord, en évitant les territoires polonais et biélorusse et les redevances
qu’il aurait fallu verser à ces pays.
Le gaz est vu, dans un pays pour l’instant anti-nucléaire, comme l’énergie du
moment pour la production d’électricité. Toujours en Allemagne, E.ON est
candidat à la reprise du 5ème électricien britannique, Scottish Power, et RWE se
fait l’avocat de l’extension de la durée de vie des centrales nucléaires que la
CDU/CSU, si ces partis gagnent les prochaines élections, devraient revoir à la
hausse.
En France, EDF se prépare à une privatisation partielle après
avoir beaucoup investi ici et là dans le monde avec des fortunes diverses. L’entreprise
se recentre sur l’Europe, après avoir soldé son aventure italienne qui lui a permis
finalement, et pour un prix très élevé, de contrôler le deuxième électricien italien, Edison. Elle dispose d’une tête de pont forte en Angleterre, avec EDF
Energy, et de participations dans un projet gigantesque de barrage hydraulique
au Laos, sans compter la relance du nucléaire via le nouvel EPR de Flamanville.
Le deuxième électricien français est le groupe Suez via Electrabel, l’EDF belge
maintenant sous le contrôle total de l’entreprise française, qui dispose d’équipements performants en
Belgique, y compris dans le nucléaire, et de volume en France via des échanges.
Autre interlocuteur, le Gaz de France fraîchement privatisé qui se
lance dans la commercialisation d’électricité avec de grandes ambitions. Aura-t-
il les moyens de ses ambitions alors que dans le gaz lui-même, il doit impérativement
accroître ses ressources propres ? L’avenir le dira.
Autre concurrent enfin, les Espagnols de Endesa, le premier électricien dans le pays,
propriétaire majoritaire des anciens moyens de production des Charbonnages de
France, la SNET. Lequel Endesa pourrait bien être remplacé dans la SNET par le
second Espagnol, Iberdrola, si l’OPA de Gas Natural, sur Endesa, se terminait
victorieusement, avec l’aide d’Iberdrola, en échange de quelques actifs intéressants
pour eux. Vous noterez l’approche semblable des gaziers espagnols et français
et de l’électricien allemand E.ON avec Ruhrgas pour être présents sur les deux
types d’énergies. Peut-être un moyen de se trouver en situation de monopole vis-à-vis du consommateur particulier, une fois que le fioul aura disparu du marché ?
Toujours en Espagne, il faut signaler la position particulière
d’Iberdrola, deuxième électricien espagnol, qui risque de bénéficier de la
reprise éventuelle d’Endesa par Gas Natural en récupérant certains de ses
actifs. Iberdrola a une spécialité dans l’éolien, où il est très présent en
Espagne, et va s’implanter en France dans ce domaine en installant des fermes
éoliennes en Bretagne.
En Italie, le leader ENEL vient, à la suite de l’aventure
difficile d’EDF, d’obtenir des disponibilités d’électricité de la part d’EDF, et
vient de prendre une participation dans le projet d’EPR de Flamanville, ce qui
lui donnera l’occasion de retrouver une technologie moderne dans le nucléaire, à
un moment où ce type de production d’énergie reprend un intérêt considérable
dans le monde.
Voilà un bref aperçu du paysage des sociétés de production d’électricité
et de gaz en Europe. Nul doute que beaucoup de mouvements, de prises de
participation et d’OPA-surprises se dérouleront dans les prochaines années,
avant qu’une consolidation n’intervienne. Je ne manquerai pas de faire un point
régulier sur les évènements dans ce marché.