mercredi 10 avril 2013 - par Denis Thomas

Entre Fukushima et missiles Patriot : Une journée normale à Tokyo. Témoignage

Tokyo est une ville que j’adore. Je n’y vais pas aussi souvent que j’aimerais mais un ami de toujours y réside et, via la nouvelle technologie, j’en ai des nouvelles quotidiennes. La vie Tokyoïte est traditionnellement unique, hors du temps. Mais son ambiance déjà si particulière est devenue ces dernières semaines, sous l’impulsion des sinistres soubresauts de Fukushima et l’ombre des missiles Patriot, presque celle d’une sorte de fin du monde. Irréelle.

« Tu sais, il réparent tout ici avec des bouts de scotch et c’est pareil pour les centrales : du provisoire et en perpétuelle urgence », m’écrit ce mercredi mon ami. Il vit depuis plus de 20 ans dans la capitale nipponne.

Un tel constat remet sérieusement en cause l’image, déjà sérieusement écornée avec le Tsunami de 2011, selon laquelle l’Archipel est le paradis du « zéro défaut » peuplé d’innombrables anges immaculés équipés dernier cri pour assurer une harmonie zen parfumée à l’ozone.

« Ca fuit de partout et les pannes de courant n’arrangent rien ! », rapporte mon camarade. Officiellement, il y aurait plus que deux centrales nucléaires en service sur les 54 d’avant la catastrophe de Fukushima (et deux en construction). En recueillant des bribes d’informations « à la japonaise » ici et là : il n’y en aurait de fait encore cinq importantes en fonctionnement.

Il faut dire que les besoins en électricité du pays sont tout aussi énormes. Si le surnom de « ville lumière » a été attribué à Paris, en son temps, il s’applique aujourd’hui sans conteste à Tokyo.

Souvenez-vous des images de « Lost in Translation » de Sofia Coppola. C’est le jour en pleine nuit avec des enseignes allant de la moindre boutique de « tout à cent yens » à l’écran publicitaire géant à cristaux qui couvre la moitié d’un immeuble où se dandinent des rock stars ou un diplodocus.

Les centrales nucléaires « ont toutes des problèmes différents : un vrai casse-tête », poursuit-il. Et Tepco (NDA : l’exploitant des centrales de Fukushima Dai-Ichi et Dai-Ni) continue malgré les problèmes que son manque de transparence lui a causé lors de la catastrophe, à utiliser une rigide langue de bois.

 

UNE PAILLE !

Il y a des fuites d’eau contaminée dans les sous-sols de la centrale, « et sans doute dans le sous-sol tout court. Des milliards de becquerels : une paille ! », souligne mon Tokyoïte.

Tepco parle d’une troisième fuite toujours inexpliquée d’eau très radioactive constatée autour du réservoir numéro 1 après des pannes similaires sur les 2 et 3. « Des examens sont actuellement en cours ». Ce genre de propos laconiques affolent la communauté internationale à commencer par la proche Russie.

« Etant donné que les Japonais refusent de laisser entrer (dans la centrale) des spécialistes étrangers, nous vivons mal la situation », déclare Guennadi Onichtchenko, le chef des services sanitaires russes. Pour lui, actuellement, les Japonais « ne peuvent régler la situation ».

Mon ami se veut rassurant néanmoins. « J’ai vérifié sur internet les taux de radioactivité sur Tokyo : apparemment ce n’est pas pire (qu’avant les fuites) malgré des pics et des chutes de plus en plus nombreux ». Il est, selon lui, « difficile d’en conclure quelque chose ». Soit.

Voilà pour le volet nucléaire civil. Mais Tokyo vit aussi des heures qu’elle croyait pourtant reléguées au rang du souvenir (pourtant présent et très cruel dans l’esprit des Anciens…)

Avec la menace - d’une intensité qui nécessite la prise au sérieux - d’un éventuel tir nucléaire de la Corée du Nord, les autorités ont déployé des lanceurs de missiles d’interception « Patriot » dans la capitale.

Mon ami, très matinal et sportif, croise désormais des uniformes et un terrible appareillage en se rendant quotidiennement dès potron minet à son « Dojo » de Shinjuku, quartier d’affaires qui compte le plus grand nombre d’étrangers au sein de la capitale.

Personne, » au sein de la communauté internationale vivant sur place, ne semble croire à un scénario « presse bouton » mais les mouvements de troupes au sol et en mer – le Japon a envoyé des destroyers équipés du système d’interception Aegis – alimentent bien entendu les conversations dans les Lamen Sho (NDA : restaurants de soupes et de nouilles), verre de bière « Asahi » (Lumière du matin…) en main .

Les forces d’auto-défense ont été autorisées à détruire tout missile nord-coréen qui menacerait le territoire. L’île d’Okinawa, dans le sud, pourrait être garnie de Patriot « de façon permanente ». Les missiles « Musudan » nord-Coréen, ont une portée maximum de 4.000 kilomètres et pourraient donc toucher l’île de Guam dans le Pacifique, où sont cantonnés 6.000 soldats américains.

Sinon, entre les millisieverts (unité de comptage de la radioactivité) et les casques lourds, la journée s’écoule « normalement » au pays du Soleil Levant.



7 réactions


  • soi même 10 avril 2013 20:34

    Vous nous racontez la fin d’un pays, peut à près l’accident de Fukushimas, l’élite financiere se fait construire une ville en Inde.

    Creation d’un nouveau japon, en inde

    • Rensk Rensk 10 avril 2013 23:50

      Et la Chine crée des villes fantôme...

      Ne me dites pas qu’ils ne prévoient rien avec ça... Rien a voir avec des détournements « d’intérêts » à l’européenne ni américaine...


  • hopeless 10 avril 2013 21:49
    A voir, et à diffuser, cet excellent résumé de la situation à Fukushima (15’) : 



  • COLLIN 10 avril 2013 23:17

    La partie de GO,ou d’échecs,c’est selon,qui se joue en « extrème » orient (qui ne parait pas si « extrème lorsqu’on y vit... smiley ) est en fait un des fronts de la guerre qui se déroule entre le »bloc atlantico-occidental« et les puissances Eurasiennes,Chine et Russie.

    L’actuelle réactivation du front Nord Coréen est un des éléments de cette guerre.Cette réactivation permet d’alléger la pression qui pèse sur l’Iran,qui ne s’en porte pas plus mal.

    Et on voit donc bien qui mène le jeu....

    Avec en plus près de deux mille milliards de dollars de réserve de change,et un marché interieur de l’ordre de presque un milliard d’individus qui reste à développer,les Chinois ont toutes les cartes en main.

    Heureusement pour nous,occidentaux,la Chine des Ming,depuis les expéditions de l’Amiral Zheng Hue,a fait clairement le choix de ne pas coloniser le monde,alors qu’elle en a très largement la capacité.....

    Quant aux missiles d’interception,on est clairement dans une démonstration de type »stratégie du choc« destinée,non pas aux dirigeants Nord Coréens,qui n’en ont rien »à battre« ,mais à la population Japonaise,disons que cela permet d’en remettre »une couche« après Fukushima pour terroriser la population.

    En effet,ces missiles d’interception seraient plus efficaces,s’ils étaient déployés dans une base militaire dans la grande banliaue de Tokyo,qu’en pleine ville, d’autant qu’ils constituent,par leur simple présence,un énorme danger pour cette population !

    Il est bien triste d’admettre que les criminels,dans toute cette histoire,sont dans notre »camp".


    • Rensk Rensk 11 avril 2013 00:13

      Bien disons. pour se retrouver « les pieds sur terre »...

      Il y a plus de menaces contre biens des pays de la partie dite « démocratique » que de la partie déclarée « antidémocratique »... (Voyez les droits de l’homme et se contradiction juridiques)

      La question est donc : pourquoi insister ?

      Le pétrole de la Libye ? L’or du Mali ? Des « terres rares » en Afrique ?

      Rien a voir officiellement... Mais quand ont sait quels « services » se retrouvent en Suisse... Il y a lieu de se poser la question de... la neutralité du pays (qui doit quand-même s’impliquer dans la société international ).....

      Depuis que je m’y suis intéressé au niveau de ma personne... j’ai déjà dû avaler plusieurs couleuvres...


  • Rensk Rensk 10 avril 2013 23:38

    N’importe quoi... ils font tout pour rendre le truc plus aux normes US...

    - La ville japonaise de Yokohama a annoncé par erreur un tir de missile de la Corée du Nord sur Twitter. Elle s’est excusée quelques instants plus tard, mais la bourde a fait l’objet de nombreuses moqueries.

    Des moqueries... tu pense réellement que c’est vrai que les gens qui craignent, a cause des journalistes..., font des « moqueries » ?

    Ce truc a été fait en toute connaissance de cause, ils savent ce qu’ils ont fait avec cela. Ils veulent et cherche la guerre tout comme les USA... Les deux pays on honte de ce qu’ils ont fait pendant la 2ème guerre mondiale... Et pour effacer cela ils provoques vu qu’ils se croient « tout permis »...

    Il y a plus d’armes de « notre » part que de celle du nord ; qui ferons des effets sur nous tous actuellement déclaré « avancé » par les « démocraties »... Le danger vient de nous-même.

    N’oubliez pas que le « gus » a fait ses école dans le canton de Berne... il connait très bien notre démocratie menteuse...


  • JMBerniolles 11 avril 2013 09:58

    Il est un peu dommage de donner ici le point de vue « français » avec son côté un peu critique habituel, sans rentrer dans la « conscience » japonaise de la situation.


    Le Japon subit et est constamment menacé par des catastrophes naturelles terribles, il y a eu les bombes atomiques et maintenant les accidents nucléaires de Fukushima Daiichi, puis les menaces d’affrontements avec la Chine, les Corées, Taïwan qui pèsent lourdement sur l’ambiance générale, et la crise économique permanente depuis au moins 15 ans avec cette situation de déflation [nous allons bientôt connaitre cela en France et en Europe].

    Malgré cela son peuple est debout ; préoccupons nous de nous.

    Un de leur problème majeur est d’être entré trop vite dans la modernité à partir d’un régime féodal. Leur course à la science, à l’armement technologique est trop rapide.

    Sur le site de Fukushima Daiichi les techniciens japonais ont mis en route en deux mois une véritable usine à plusieurs étage de décontamination Césium radioactif et de dessalement qui aurait exigé plutôt 2 ans en temps normal. Evidemment il y a des problèmes de fuites de fonctionnement ...

    Puisque vous dites justement que les techniciens étrangers n’ont qu’une vue partielle [il y a des experts qui ont accès aux informations à la source le Dr Klein ancien responsable de l’US-DOE et Lady Judge son homologue anglais par exemple] c’est bien que la Tepco livre les informations sur les fuites les problèmes de fonctionnement comme la panne électrique récente .. 

    La marche forcée est bien illustrée par l’accélération actuelle de la mise en pratique des cellules souches où le Japon a acquis une position de pointe.

    Il en résulte aussi un des problèmes du Japon, c’est à dire la copie du modèle américain.
    Ainsi ses plans QE débridés pour lutter contre la déflation. Du coup sa dette est à 250% du PIB. Parce que le Japon dépend aussi de l’étranger pour les matières premières. Il achète 35% de la production mondiale de gaz naturel. Il dépend de la Chine (et de l’Inde)  pour les terres rares.

    Mais par rapport à nous, il maintient son industrie, et protège son agriculture notamment dans les négociations du TPP.

    Donc inspirons nous de la capacité de lutte du peuple japonais..
     





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