samedi 16 mars 2019 - par Sylvain Rakotoarison

Golda Meir, la « Dame de fer » en version israélienne

« Je ne veux pas d’un peuple juif généreux, libéral, anticolonialiste, anti-impérialiste… et mort ! » (Golda Meir).



C’était cette intransigeance-là qui pouvait faire frémir lorsqu’on écoutait Golda Meir. Pourtant, l’apparence était trompeuse. Il y a cinquante ans, le 17 mars 1969, cette femme déjà âgée, 70 ans, l’air d’une grand-mère ukrainienne ridée et affaiblie par la vie, fumeuse comme il ne serait plus du tout permis aujourd’hui (il existe peu de photographies d’elle sans une cigarette à la main ou à la bouche), est devenue Premier Ministre de l’État d’Israël.

D’un tempérament très fort, elle a été parmi les (trois) premières femmes dans l’histoire du monde à diriger un gouvernement national. Et même encore maintenant, il n’y en a pas encore eu beaucoup, de femmes chefs de gouvernement ou Présidentes de la République (on peut citer Indira Gandhi, Benazir Bhutto, Margaret Thatcher, Theresa May, Angela Merkel, Michelle Bachelet, Dilma Rousseff, Cristina Kirchner, Eva Peron, Édith Cresson, etc. mais je ne cite pas dans les pays d’Europe du Nord ou de l’Est où elles sont plutôt nombreuses depuis une trentaine d’années).

Golda Meir refusa les propositions de paix du Président égyptien Anouar El-Sadate en février 1971 (accord de paix contre restitution des territoires occupés). Elle avait peu d’affection pour les Palestiniens. Elle se disait d’ailleurs elle-même Palestinienne, en tout cas, elle pouvait prouver qu’elle avait un passeport palestinien à l’époque du mandat britannique. Née à Kiev le 3 mai 1898 dans une famille très pauvre, elle a connu la persécution contre les Juifs en Ukraine. Sa famille a alors décidé d’émigrer aux États-Unis en 1906. Adolescente, elle aidait sa mère à tenir la petite épicerie familiale, mais à l’âge de 15 ans, elle est partie vivre sa vie, s’auto-suffire et faire des études. À 17 ans, elle commença à militer pour soutenir le projet sioniste et à 19 ans, elle s’est mariée.

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En 1921, le jeune couple émigra dans un kibboutz en Palestine alors sous mandat britannique. La vie y fut difficile au point que son mari aurait préféré retourner aux États-Unis, si bien qu’en 1924, ils se sont installés à Tel-Aviv. Elle a pris progressivement de plus en plus de responsabilités dans des organisations sionistes, au point d’être en 1934 membre du comité national de la communauté juive en Palestine, révélant déjà « [une oratrice] habile et une polémiste redoutable » (selon Amnon Kapeliouk).

Juste avant la création de l’État d’Israël, on lui confia quelques missions diplomatiques dont une pour convaincre le roi de Jordanie de ne pas faire la guerre à Israël. Elle a fait partie des vingt-quatre signataires de la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai 1948. Elle fut donc, au regard de l’Histoire, une cofondatrice de l’État d’Israël, une historique. Par ailleurs, elle a obtenu le premier passeport israélien le 15 mai 1948.

Très vite, elle s’est transformée en femme d’État. Représentante d’Israël en URSS en 1948 ("ministre plénipotentiaire"), elle suscita beaucoup d’espoir chez les Juifs d’Union Soviétique. Élue députée en 1949 à la première Knesset (et réélue jusqu’en 1974), elle fut nommée Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale du 10 mars 1949 au 19 juin 1956, malgré la réticence des partis religieux qui n’imaginaient pas une femme ministre dans le gouvernement de David Ben Gourion. Au-delà du socialisme (travaillisme) qui leur était commun, Golda Meir partageait la même intransigeance que Ben Gourion contre les pays arabes qui voulaient l’anéantissement d’Israël.

Lorsque Ben Gourion limogea le Ministre des Affaires étrangères Moshe Sharett jugé trop mou, il proposa la succession à Golda Meir qui fut ainsi Ministre des Affaires étrangères de l’État d’Israël du 17 juin 1956 au 12 janvier 1966, pendant presque dix ans. Pourtant, la vie politique intérieure israélienne était (et reste) loin d’être un long fleuve tranquille. Dans les années 1960, Golda Meir entra régulièrement en conflit avec Ben Gourion qui cumulait en même temps le Ministère de la Défense. C’étaient ainsi deux administrations qui étaient souvent en conflit, avec notamment Shimon Peres qui était "directeur général" du Ministère de la Défense et qui se prenait parfois pour le Ministre des Affaires étrangères.

Au sein du futur parti travailliste (Mapai), Golda Meir faisait clairement figure de principale rivale de Ben Gourion et son influence interne augmenta lorsque Levi Eskhol prit, le 26 juin 1963, la succession de Ben Gourion contraint de démissionner à la suite d’un scandale politique. Elle quitta le gouvernement après les élections législatives de novembre 1965 pour devenir secrétaire générale du Mapai, puis secrétaire générale du parti travailliste (avec la fusion de trois partis), en 1968. Mais fatiguée et vieillie, elle démissionna de la tête du parti au pouvoir quelques mois plus tard, le 1er août 1968, et était sur le point de prendre sa retraite politique (d’autant plus que plus personne n’imaginait qu’elle pût encore avoir un avenir politique).

Ce qui a précipité les choses, ce fut la mort soudaine du Premier Ministre en exercice Levi Eshkol, d’une crise cardiaque, le 27 février 1969. La guerre de succession faisait rage chez les travaillistes, avec deux camps : d’une part, Moshe Dayan, à l’époque Ministre de la Défense, et d’autre part, Ygal Allon, Vice-Premier Ministre assurant l’intérim, tous les deux candidats au poste de Premier Ministre. Pour trouver un candidat de consensus, le parti travailliste a choisi finalement Golda Meir qui retrouva le pouvoir après l’avoir quitté quelques années.



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Golda Meir fut Premier Ministre d’Israël du 17 mars 1969 au 3 juin 1974. En raison de la victoire de la Guerre des Six-Jours en 1967, Golda Meir bénéficia d’une grande confiance populaire, ce qui l’encouragea à rester très ferme contre les Palestiniens, au point d’avoir déclaré, selon l’éditorialiste Jean Daniel dans un livre publié en 2008 : « Nous pourrons sans doute un jour vous pardonner d’avoir tué nos enfants. Mais il nous sera beaucoup plus difficile de vous pardonner de nous avoir contraint à tuer les vôtres. La paix viendra quand les Arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils nous haïssent . » (sous réserve de véracité).

Comme Premier Ministre sortante, Golda Meir remporta deux élections législatives, celles du 28 octobre 1969 où son parti a obtenu 56 sièges (sur 120) et 46,2% des voix, et celles du 31 décembre 1973, en obtenant 51 sièges (sur 120) et 39,6% des voix.

L’attaque arabe surprise lors du déclenchement de la Guerre du Kippour le 6 octobre 1973 a conduit, malgré la victoire finale, à la démission de Golda Meir le 11 avril 1974 car de sérieux dysfonctionnements ont été constatés dans les services de renseignements. Un général a pris alors le relève, Yitzhak Rabin, qui a dû démissionner trois années plus tard à cause d’un scandale politique.

Retirée de la vie politique depuis cinq années et très malade, Golda Meir est morte à Jérusalem le 8 décembre 1978 à l’âge de 80 ans. Pour le moment, elle fut la seule femme à avoir dirigé un gouvernement israélien.

Successeure d’Ehud Olmert à la tête de Kadima, le parti centriste créé le 21 novembre 2005 par Ariel Sharon, Tzipi Livni, alors Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères sortante, s’était retrouvée en position de devenir très probablement la prochaine Premier Ministre (la seconde femme en Israël) lors des élections législatives du 10 février 2009 où elle avait obtenu 28 sièges (sur 120) et 22,5% des voix, soit le premier parti du pays, devant le Likoud de Benyamin Netanyahou avec 27 sièges et 21,6% des voix. Mais Tzipi Livni n’avait pas pu former de majorité, au contraire de son rival du Likoud allié avec le parti d’extrême droite d’Avigdor Liberman. Elle participa cependant au troisième gouvernement Netanyahou, après les élections législatives du 22 janvier 2013, comme Ministre de la Justice du 18 mars 2013 au 2 décembre 2014.

Après avoir créé sa propre formation politique et fait une alliance avec le parti travailliste (Union sioniste) pour les élections législatives anticipées du 17 mars 2015, Tzipi Livni était revenue sur l’avant-scène politique en devenant la chef de l’opposition à la Knesset du 1er août 2018 au 1er janvier 2019 (jusqu’à la rupture de l’alliance avec les travaillistes, à l’initiative de ces derniers). Discréditée dans les sondages, Tzipi Livni a alors décidé le 18 février 2019 de se retirer de la vie politique et de ne pas participer aux prochaines élections législatives qui auront lieu dans quelques jours, le 9 avril 2019, afin d’éviter la dispersion des voix centristes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 mars 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Golda Meir.
La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous !
Les Accords de Camp David.
La naissance de l’État d’Israël.
Massacre à Gaza.
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
Tentative de paix en 1996.
Un géant à Jérusalem.
Shimon Peres.
Israël est une démocratie.
Yitzhak Rabin.
Le Président Peres.
Ariel Sharon.
Ehud Olmert.
Benyamin Netanyahou.
Yasser Arafat.

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11 réactions


  • berry 16 mars 2019 16:08

    Pas étonnant que le site se casse la gueule, avec des articles pareils.


  • Clark Kent Arthur S 16 mars 2019 17:32

    En fait, Golda Meir, c’était Lindon B Johnson. Il dirigeait les deux pays et se déguisait en femme quand il allait en Israël.


  • Clocel Clocel 16 mars 2019 17:45

    Roko, vous confondez la rouille et la pourriture...

    C’est pas pareil ! smiley


  • Massada Massada 16 mars 2019 18:25

    « Je suis assez excédée d’entendre raconter que les Juifs ont volé la terre aux Arabes de Palestine. La réalité est tout autre. Beaucoup de bon argent changea de main, et beaucoup d’Arabes devinrent du même coup riches. »
    Ma Vie de Golda Meir


    • Jonas 18 mars 2019 10:07

      @kader
      Il n’y a jamais eu d’Etat Palestinien , c’est une fable , inventée par les Arabo-musulmans.
      Pouvez -vous citer en quelle année , existait cet Etat Palestinien ?
      Quelles étaient ses frontières ?
      Sa capitale ?
      Sa monnaie ?
      Le nom de ses dirigeants ? etc. 

      Par ailleurs , dans toute guerre , il y a hélas , des morts, des expulsés et des réfugiés.
      Israël a absorbé plus de 900 000 , juifs , qui ont fui les pays Arabo-musulmans . 60 % ce sont installés dans leur nouvelle patrie, et ne se considèrent pas comme des réfugiés. Et par leur labeur , et celui de leurs compatriotes ils ont contribué avec a faire d’Israël la 8eme puissance du monde et la 3eme puissance dans le domaine de l’intelligence artificielle(IA) ( voir l’émission d’Arte , les Dessous des Cartes , du 16 mars 2019, de 19h.30.
      Premier pays , les Etats-Unis, ( + de 9 millions de km2 , et 400 millions d’habitants le second , la Chine ( + de 9 millions de km2 et ses 1 450 mililons d’habitants et le troisième , le petit Etat d’Israël , avec ses (21000 km2 et ses 9 millions d’habitants)

      Les arabo-musulmans , aiment tellement les palestiniens , qu’ils les parquent dans des camps , pour ne pas les perdre. Même Gaza , dirigeait par le Hamas a ses propres camps au nombre de 8 camps. La Jordanie a ses 10 camps bien que la population de ce pays est composée de plus de 65 à 70% de palestiniens. La Syrie avec ses 13 camps dont le plus sinistre est celui de Yarmouk. Le Liban et ses 12 camps.
      Il y a plus de camps Palestiniens dans les pays ARABES , qu’à Gaza. ( 10+13+12 = 35. 8 camps a Gaza.


    • Jonas 18 mars 2019 17:20

      @Massada
      Bonjour Massada. 

      Avant la création de l’Etat d’Israël , il n’y avait pas d’Etat Palestinien. D’ailleurs a aucun moment les Arabes de Palestine n’ont réclamé un Etat. Ce sont les Arabes eux-mêmes qui le disent en 1919, au cours de la réunion du premier congrès d’associations musulmanes et chrétiennes , convoqué à Jérusalem , pour choisir des représentants palestiniens à la conférence de paix de Paris. La résolution , qu’ils adoptent , mérite d’être lue et distribuée dans toutes les mosquées et « rues Arabes »

      << Nous considérons la Palestine comme une partie de la Syrie Arabe, dont elle n’avait jamais été séparée. Nous sommes liés à elle par des liens nationaux, religieux naturels ,économiques et géographiques.>> 

      C’est d’ailleurs , cet avis qu’avait partagé Ahmed Choukairy, devant le Conseil de sécurité dans les années 1950. << Il est de notoriété publique que la Palestine n’est rien d’autre que la Syrie du sud.>> 

      Ahmed Choukairy , c’est ce personnage balourd , qui avait été en 1955, vice-président de la délégation syrienne à la conférence de Bandoeng. En 1957, il demande la nationalité saoudienne et devient ambassadeur de l’Arabie saoudite à l’ONU de 1957 à 1962. Puis , déchu de sa nationalité par l’Arabie saoudite pour sa prise de position en faveur de l’Egypte de Nasser , dans la guerre contre le Yemen. C’est Gamal Abdel Nasser qui avait besoin d’un polichinelle qui l’avait imposé comme président de l’OLP ( organisation de la libération de la Palestine ) de 1964 à la défaite des pays Arabes de juin 1967. C’est Arafat qui a pris la suite. 


  • Christian Labrune Christian Labrune 17 mars 2019 17:22

    Sylvain Rakotoarison

    Le titre de votre article se justifie pleinement s’il s’agit d’évoquer un caractère ferme et inflexible, mais quand on parle de Thatcher, on pense immédiatement à un ultra-libéralisme qui n’a pas laissé un très bon souvenir et qui paraît, depuis quelques années, avoir fait son temps.

    Les principes politiques de Golda Meir, venant du Mapaï, sont évidemment tout autres. Elle incarne une certaine gauche israélienne qui, elle aussi a désormais fait son temps, n’ayant pas su exploiter à l’avantage du pays la victoire de la guerre des six jours. Je me suis toujours demandé comment il se faisait qu’Israël n’ait pas purement et simplement récupéré, malgrés les craintes liées à la démographie, la Judée-Samarie, laquelle resterait donc « territoire disputé », et pourquoi la Knesset avait pu consentir au Waqf d’une Jordanie complètement ratatinée une sorte de mainmise sur le Mont du Temple dont on voit aujourd’hui les conséquences désastreuses.

    Il n’importe, Golda Meir restera quand même une de ces grandes figures de femmes qui sont encore trop rares dans l’histoire, et vous avez eu bien raison de lui consacrer cet article.


  • Shopi 18 mars 2019 07:59

    Une des phrases mythiques de cette grande dame :

    « On ne pourra faire la paix avec les arabes que quand ils aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent »


  • Jonas 18 mars 2019 09:20

    A l’auteur

    Cette phrase que l’on attribue a Golda Meir, « On ne pourra faire la paix avec les arabes que quand ils aimeront leurs enfants plus qu’ils nous haïssent ».Combien ce , résonne-elle avec justesse aujourd’hui , vu ce que les Palestiniens font de leurs enfants. En Israël , l’armée protège les enfants , chez , les palestiniens , ce sont les enfants qui protègent les milices et les chefs terroristes corrompus. 


    En 2019, l’écrivain algérien Kamel Daoud a déclaré au sujet du terrorisme islamique « Lorsque une mère n’aime pas son fils âgé de 14 ans , il devient kamikaze à 18 ans ».

    Deux exemples en ce début du XXIeme , montre le bien fondé de ces deux phrases , prononcées à des années de distance. .

    1. Syrie , pays qui comptait au début de 2011, 21 millions d’habitants , dans une guerre civile, qui dure depuis 8 ans . il y a entre 400 000 à 500 000 morts , plus de 1,5 millions de blessés et plusieurs centaines de milliers de disparus. 6 millions ont fui à l’étranger et 7 millions sont déplacés à l’intérieur du pays. 3 millions d’enfants souffrent de malnutrition et ne sont pas scolarisés, sans parler de 1 million de morts parmi les enfants. . 
    2. Yemen, le pays le plus misérable de la planète , vit d’une guerre entre , une coalition dirigée par l’Arabie saoudite sunnite, contre les Houthis chiites , avec ses destructions et ses 80 000 à 100 000 morts . Plus de 1,5 million d’enfants , malades , sans soins et errant dans les décombres. 

    3) Où est cette compassion et cette solidarité arabo-musulmanes ou musulmanes non arabes envers les enfants , les femmes et hommes qui sont dans le malheur ?

    Cela montre que les arabo-musulmans ou les musulmans non arabes , sélectionnent , trient, choisissent , adoptent , leurs sentiments et leurs réactions selon leurs préférences. Ils sont solidaires des musulmans , mais cela dépendant de quels musulmans. 


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