mardi 13 avril 2010 - par Alfred Mignot

Henri Guaino au Forum de Paris :
« L’UPM est une transgression »…

Invité vedette du second jour du Forum de Paris, Henri Guaino, Conseiller spécial du Président de la République, et Président de la mission interministérielle de l’UPM, a quelque peu surpris son auditoire en déclarant que « l’Union de la Méditerranée est une transgression ». Explication de texte…

Bien sûr Henri Guaino reste fidèle à lui-même – toujours un peu bourru – mais pour la circonstance il s’est aussi montré très souriant, voire un zeste séducteur, en un paradoxal « coquetèle » qui nous rappelle la manière d’être unique de feu son mentor, et désormais officiellement unanimement regretté Philippe Séguin.

La comparaison ne s’arrête pas là : comme Philippe Séguin, Henri Guaino se veut un esprit indépendant, et donc… imprévisible. Sa déclaration devant le Forum de Paris, samedi, en est le plus récent exemple. Ainsi, pour Henri Guaino, « l’Union de la Méditerranée est une transgression ». Mais, pour surprenante qu’elle puisse paraître, cette irruption du vocabulaire psychanalytique dans le champ géopolitique constitue assurément une nouvelle pépite sémantique mise à jour par l’auteur de presque tous les discours du Président Sarkozy…

Pour Henri Guaino, cette transgression doit être comprise dans le sens où seuls les chefs d’État ou de gouvernement disposent de la capacité politique, s’ils le veulent, de s’affranchir des règles ordinairement en vigueur.
Dans les négociations internationales, explique-t-il, hauts fonctionnaires, ambassadeurs et même ministres sont contraints de respecter les lignes fixées par leurs chefs d’Etat ou de gouvernement. De ce fait, si « la solution » se trouve de l’autre côté de cette ligne jaune ou rouge qu’ils ne sauraient franchir, ils resteront de ce côté du Rubicon, impuissants. Seuls les chefs d’État ou de gouvernement, estime Henri Guaino, disposent de la légitimité politique pour franchir les limites habituelles du système, qu’il soit politique, économique, ou qu’il relève d’un(e) mode de pensée unique.

Et Henri Guaino d’expliquer que si « l’Union pour la Méditerranée est une transgression », c’est précisément parce qu’elle rompt avec les habitudes d’être et de penser. Au nombre de ces habitudes, on retrouve les critiques justifiées qui ont pu être maintes et maintes fois adressées par les partenaires du sud à l’encontre du Processus de Barcelone, la plus criante étant la posture néocoloniale : c’est le Nord qui pensait pour le Sud et essayait de lui imposer unilatéralement sa vision d’avenir.

Avec l’Union pour la Méditerranée, les postulats fondateurs sont tout autres : co-responsabilité, co-présidence, co-développement en non plus aide au développement, initiatives multisourcées, action multilatérale mais à géométrie variable – seuls les pays qui le souhaitent s’engagent librement dans des projets communs –, partenariat public-privé, vision et projets de long terme rompant avec la culture encore dominante du court-termisme – tant en politique qu’en économie…

De la transgression à la géopolitique 2.0

C’est tout cela qui, selon Henri Guaino constitue l’essence transgressive du projet UPM. Et dans la pratique quotidienne, la posture intellectuelle d’Henri Guaino se maintient en adéquation à ses postulats. Ainsi, quand un journaliste croit pouvoir relever un relatif pessimisme lorsque Henri Guaino admet qu’il est à ce jour incapable d’affirmer si le second Sommet UPM prévu le 7 juin à Barcelone se tiendra bien – et par « bien », il faut entendre avec la présence des 43 chefs d’État ou de gouvernement de l’UPM – il ne fait que prendre acte des incertitudes multiples qui conditionnent la réussite ou l’échec de toute organisation internationale. Pour autant, relève Henri Guaino, cette incertitude n’est pas une spécificité de l’UPM : on la retrouve tout pareillement dans les autres organisations internationales, que ce soit au G20, à l’ONU ou au sein de l’Union européenne.

Reste que malgré les aléas intrinsèques au multilatéralisme, deux ans après sa fondation l’Union pour la Méditerranée affiche un bilan d’étape plutôt positif, estime Henri Guaino : [outre les nombreux projets mis en chantier, évoqués plus en détail la veille par son ajointe Caroline Cornu, non seulement l’UPM a survécu au conflit de Gaza – c’est « presque un miracle », souligne Henri Guaino – mais aussi, on a pu observer que malgré cet épisode tragique et quelques autres difficultés, jamais la coopération technique entre les pays concernés n’a cessé, et aucun de ces pays n’a manifesté ni le désir de quitter l’UPM, ni des velléités de chercher à la briser.

Bien sûr la question obsédante de la paix au Proche-Orient a été soulevée. Quel pourrait être le rôle de l’UPM ? Prudent, Henri Guaino répond sobrement que « l’UPM peut contribuer à la solution du conflit » israélo-palestinien, tout en soulignant qu’il n’y a pas « de solution miracle », bien sûr.

Mais, il y a des transgressions… acceptables, et assumées par les États. Ainsi, malgré toutes les difficultés que chacun connaît, Israéliens et Palestiniens travaillent désormais ensemble au sein de l’UPM. Et parmi les six secrétaires généraux adjoints de l’UPM, qui épauleront le Secrétaire général jordanien Ahmed Massadeh, on trouve un Israélien – en charge des questions de Recherche – et un Palestinien, en charge du portefeuille de l’eau et de l’environnement

Au-delà de cet exemple symbolique d’une transgression positive, Henri Guaino souligne encore, paraphrasant cette fois André Malraux, que « le monde de demain sera coopératif ou ne sera pas ». Et, pour y parvenir, nous devons tous, au Nord comme au Sud, nous déprendre des vieilles habitudes egocentrées – les diplomates du Nord raisonnant comme des gens du Nord, et réciproquement au Sud – pour s’ouvrir à l’écoute réelle des partenaires, en totale coresponsabilité.

En fait, outre la nécessaire ouverture d’esprit pour que chacun échappe à la prison de son mode de pensée unique, ce que propose Henri Guaino pour l’UPM, c’est une géopolitique du réseau, où chacun est acteur au bénéfice de tous, une sorte de géopolitique 2.0.
Encore une idée neuve, transgressive, mais tellement enthousiasmante ! Si les Méditerranéens veulent bien, tous, relever ce formidable défi. Réponse le 7 juin prochain, au Sommet des chefs d’État de Barcelone… en espérant qu’ils sauront poser des actes déterminés et, s’il le faut, transgressifs !

© Alfred Mignot pour leJmed.fr


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À lire sur le même sujet :

- Caroline Cornu, Adjointe d’Henri Guaino, au Forum de Paris :
« L’UPM ? Elle vit ! Elle avance ! »


- Forum de Paris - VIe Colloque international :
« L’Europe, les États-Unis et la Méditerranée » (Programme)

 


7 réactions


  • Pierre de Vienne Pierre de Vienne 13 avril 2010 12:12

    UPM, UMP, grands machins couteux et ne servant qu’a élaborer un réseau de plus, celui des affaires, sur le dos des peuples.


  • morice morice 13 avril 2010 12:18

    « Encore une idée neuve, transgressive, mais tellement enthousiasmante » 


    Si vous vous enthousiasmez pour ce pâle scribe, ce « Guaino, »Le crayon qui se prend pour une plume", qu’est ce que ce sera quand vous tomberez sur un pharaon.... article de propagande gouvernementale évidente.
    Reprenez donc votre particule, et mette là dans un accélérateur, Mr Alfred Mignot de Campani.

  • paul 13 avril 2010 13:10

    Avec le discours de Dakar , entre autres , Guaino n’a pas fait dans la transgression , mais dans
    le pur post colonialisme , qui a scandalisé à juste titre , tout l’auditoire africain .

    Pour le conflit du Proche Orient , difficile aussi de croire à une transgression de L’UMP avec
    l’engagement pro-israélien du chef de l’État . 
    Le but de l’Union pour la Méditerranée n’est pas « le rapprochement des peuples » mais pour l’expansion commerciale de l’Europe , comme le récent traité transatlantique .


  • frugeky 13 avril 2010 15:02

    Tu parles d’une transgression que la reprise d’une idée de Philippe Herzog (dans Tu imagines la politique, il me semble).


  • Henri François 13 avril 2010 15:13

    à l’auteur,
    Plutôt que cet article beaucoup trop alambiqué et très loin du style journalistique, il eut mieux valu faire aujourd’hui un inventaire réel et honnête de l’UPM, deux années après sa création en fanfare.
    Si on se réfère à des sources apparemment fiables sur le sujet, tout est encore flou. Une succession de voeux pieux ou d’idées et de projets nichés dans des cartons et des financements (des milliards d’euros) qui, tels qu’ils sont présentés, apparaissent uniquement comme des promesses de la part des donateurs.
     Pas un mot sur d’éventuels projets culturels communs.
    En outre, comme il fallait s’y attendre, le Secrétariat Général de l’UPM, dirigé par un ...Jordanien (où est Mare Nostrum ?!!) s’est installé à...Barcelone qui n’était autre que le siège, déjà, du défunt processus de Barcelone justement et auquel avaient adhéré une dizaine de pays des deux rives de la Méditerranée.
     Etant un méditerranéen convaincu je doute malheureusement que cette Union, tant souhaitée ne fasse naufrage avant même d’avoir pris la mer.
    Elle beaucoup trop large et lourde, essentiellement braquée, pour l’instant, sur des « aides financières à sens unique, Nord/Sud » . Celles-ci existent depuis belle lurette pour la plus grande joie des entreprises du Nord. Enfin, elle ne semble devoir jouer aucun rôle sur un processus de paix dans la région. 


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 13 avril 2010 16:16

    C’est un simple lapsus, Henri Guaino voulait dire « L’UMP » est une véritable transgression dans le monde politique ! Même au PMU les choses ne sont jamais claires !

    Alors, UMP, UPM, PMU... C’est fini, rien ne va plus, les jeux ne peuvent plus se faire !

    Mohammed MADJOUR.


  • Henri François 13 avril 2010 19:08

    Une toute dernière information, sur le sujet, pêchée sur Euronews. Une réunion de l’UPM sur le thème de l’eau dans la région (la douce pas l’autre...) aurait capoté aujourd’hui par l’attitude du représentant israélien. Il est vrai qu’Israël contrôle dans la région la majorité des approvisonnements en eau des pays riverains... 


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