mercredi 5 octobre 2011 - par Henri Diacono

L’automne démocratique de la Tunisie

 Bon nombre de nations et plus spécialement celles qui constituent le monde dit arabo-musulman auront, dans moins de trois semaines, le regard braqué sur la Tunisie. Et pour cause. En effet, le 23 octobre prochain, ce petit pays de 10 millions d’habitants enverra, par la voie des urnes, 217 des siens à la Première Assemblée Constituante de son existence.

 Après avoir été, à la fin de l’année dernière et au tout début de 2011, et sans aucune aide extérieure, le premier de l’Histoire des états arabo-musulmans à s’être débarrassé d’un régime autoritaire, par la révolte, vite devenue révolution, enflammant ainsi les foules en Egypte, puis Bahreïn, Yémen, Lybie et Syrie ainsi que, dans une moindre mesure, celles du Maroc et d’Algérie, il sera le premier de la même Histoire a se lancer librement dans une « véritable démocratie ».

 C’est sous cet aspect qu’il sera examiné avec soin par tous, en espérant qu’une fois de plus son exemple fera tache d’encre, en Afrique du Nord, et au Proche comme au Moyen Orient. D’autant que la loi électorale s’est choisie le système du scrutin de liste à un tour sur la base de la présentation proportionnelle, système qui augure une Assemblée « multicolore » et écarte l’hégémonie d’un seul parti, comme ce fut le cas ici-même par le passé et comme c’est encore le cas chez plusieurs de ses voisins.

 Pour cette Grande Première, il y aura foule dans le pays. Bien sûr chez électeurs dont la quasi-totalité n’a jamais exercé ce droit (sous Ben Ali, le bourrage uniforme des urnes était monnaie courante), mais aussi chez les candidats.

 Ces derniers, à travers 33 circonscriptions (dont 6 à l’étranger) sont au nombre de…10.937, répartis dans 1.424 listes et qui seront tenus de publier les états financiers de leurs campagnes. Parmi ces listes 787 représentent des partis politiques, 587 sont indépendantes (associations, cercles, groupuscules etc…) et 54 sont des coalitions formées par de « tout petits » partis. Chaque circonscription n’aura pas plus de 10 représentants et pas moins de 4.

 Cet afflux de candidatures a de quoi faire sourire les démocrates de tous bords, occidentaux notamment, mais il est bon de souligner qu’il s’agit pour ce pays du premier pas (celui de désigner ceux qui auront à bâtir la nouvelle Constitution) dans l’apprentissage de la démocratie au sein d’un peuple qui s’est libéré depuis peu sans avoir eu à verser trop de sang et qui a fait preuve depuis, dans son ensemble, d’une belle ténacité mature, malgré des soubresauts dus à des nervis de l’ancien régime ou bien à une soif désordonnée et hâtive de libertés. En outre il est bon de tenir compte d’un détail important qui est trop souvent méconnu : une bonne partie de la population tunisienne a des origines ethniques et surtout culturelles berbères ou européennes plutôt qu’arabe.

 Il est à prévoir que cinq à six grandes formations seront bien représentées en nombre à la prochaine assemblée constituante, notamment celles qui ont déjà une certaine expérience de la politique, ainsi que l’actif parti religieux Ennhahda de Rached Gannouchi, revenu en Tunisie après avoir vécu en exil à Londres pendant vingt ans. Ce dernier a mené tambour battant une campagne électorale partout dans le pays, rencontrant pourtant assez souvent une bruyante opposition populaire au sein de laquelle les femmes n’ont pas été les moins nombreuses et le moins virulentes. A ce sujet d’ailleurs, comme remarqué à travers les différents meetings ou débats télévisés, et même sur la toile, il semblerait que la place du mot Islam dans la future Constitution sera l’une des principales tâches de la future Assemblée.

 Ces élections seront placées sous haute observation nationale et internationale. Sur place quelques 800 observateurs ont été formés en partenariat avec des organismes européens et bon nombre d’autres ont été recrutés par des ONG locales.et la Ligue des Droits de l’Homme. De son côté l’Union Européenne a délégué sur place un premier contingent de 54 observateurs qui sillonnent le pays depuis une dizaine de jours. L’effectif étranger doit atteindre au final pas loin de deux cents personnes venues de l’UE mais aussi de Norvège, Suisse et Canada. Enfin le Centre Carter (fondé par l’ancien président des Etats Unis) a déjà envoyé 14 experts sur place et comptera sur place une quarantaine d’observateurs au total.



8 réactions


  • chapoutier 5 octobre 2011 15:27

    Cet afflux de candidatures a de quoi faire sourire les démocrates de tous bords, occidentaux notamment, mais il est bon de souligner qu’il s’agit pour ce pays du premier pas.

    Tout au contraire un tel afflux de candidatures est le signe manifeste que les tunisiens veulent collectivement prendre en charge les affaires du pays et ne pas s’en remettre à quelques spécialistes autoproclamés tels que nous les connaissons notamment en France. Les tunisiens sont en train de réinventer la démocratie réelle tel que le peuple de Paris l’avait expérimenté pendant la Commune de Paris.

    En outre il est bon de tenir compte d’un détail important qui est trop souvent méconnu : une bonne partie de la population tunisienne a des origines ethniques et surtout culturelles berbères ou européennes plutôt qu’arabe.

    Mépris doublé d’un racisme qui se déguise, les tunisiens ne sont pas des arabes dit l’auteur !

    Et à quoi servent les observateurs étrangers ? Est-ce un gage de « bonne démocratie » ? on a pu voir ce qu’il en a été en cote d’ Ivoire ! Pensez-vous que les tunisiens ne puissent se débrouiller tous seuls ?

    Votre texte est d’un profond mépris pour le peuple tunisien !

    La révolution tunisienne en cours n’a pas dit son dernier mot.

    Le peuple tunisien se réapproprie les valeurs et les méthodes de la révolution sociale.

    Ce qu’il nous faut à nous comme aux grecs comme au reste de la vieille Europe ; faire notre la révolution tunisienne.



    • Emmanuel Aguéra LeManu 6 octobre 2011 11:22

      Tu t’emportes, collègue... et toi aussi l’auteur, d’ailleurs, vu la réponse dessous...

      Rien à foutre d’une part d’où et comment vient la démocratie, seul compte son avènement ; et d’un.
      Et de deux : rien à foutre des étiquettes ethniques ou sociétales, la direction comte plus que l’origine.

      Voyez le peuple tunisien berbère, voyez-le européen, ou arabe, voyez-le comme vous voulez mais n’en faites pas un handicap qui ne sert que vos raisonnements et quoi d’autre ? Les Tunisiens sont des Tunisiens, pays souverain de l’est du Maghreb et c’est sans pollution la chose à considérer.

      Quant au regard... bienveillant ou presque condescendant du monde « civilisé » sur le benjamin de la « famille » démocratique globale, il est à la fois nécessaire et déplorable :

      - Nécessaire pour assoir la légitimité de la souveraineté internationale de cet état membre de diverses organisations internationales, tous les ambassadeurs du monde étant censés être de bons collègues, benjamins, aînés ou vieux croulants (il ne s’agit là que d’âge et pas d’avantage, comme ce mot est ici bien employé !).

      - Déplorable, je ne vous fais pas un dessin... Voyons qui sont les plus civilisés des deux, entre Europe et Maghreb (7:42mn de vidéo instructive sur le sujet) .

      Aucun état n’a de leçon à donner à un autre, aider n’est pas dominer, c’est simple.
      Enfin, à moi, ça paraît simple...


    • Henri François 6 octobre 2011 11:31

      Merci Le Manu, bien dit et bien développé. 
      Sachez qu’il fait très bon vivre en Tunisie où vivent encore des valeurs perdues un peu partout ailleurs.


  • Henri François 5 octobre 2011 15:56

    à Chapoutier,
    Que voilà une belle envolée méprisante d’un lecteur qui ne sait pas lire.
    Où donc se trouve le racisme déguisé lorsqu’il est écrit que « le peuple tunisien qui fait preuve d’une belle tenacité mature ... et qu’une bonne partie de la population a des origines ethniques et surtout culturelles berbères et européennes plutôt qu’arabes (ce qui est historiquement vrai) » est méprisant pour le peuple tunisien au sein duquel je suis né et je vis depuis plus d’une quinzaine d’années.
    Tout un chacun aura compris qu’on peut faire confiance aux tunisiens pour leur maturité et leur intelligence acquises au cours des siècles par le mélange des civilisations incroyable qui s’est produit sur leur terre.
    Ils ont su se débarrasser de leur tyran.... Ils vont installer leur démocratie qui leur sera propre et qui ne ressemblera pas à l’occidentale ou même à la française (du moins je le souhaite).
    Laissez donc la Côte d’Ivoire et les Grecs de côté. Dans ce premier vote libre, devant des observateurs étrangers, est au contraire un gage de la maturité de ce petit pays qui désire une nouvelle fois servir d’exemple.
    Et puis si vous n’avez rien compris à mon texte, tant pis pour moi et surtout pour vous.
    Amicalement et sans mépris.


    • chapoutier 5 octobre 2011 16:25

      je retourne de ce pas sur les bancs de l’école !


    • Henri François 6 octobre 2011 11:04

      Chapoutier,
      Je vous accompagne volontiers sur les bancs de l’école. J’y retrouverai avec plaisir la plume sergent major et l’encrier de porcelaine plein d’encre noire.
      Amitiés


    • Emmanuel Aguéra LeManu 6 octobre 2011 10:35

      Cher Gélone...

      On comprend à votre commentaire (qui d’ailleurs n’en est pas un) que vous souhaitez que les efforts tunisiens vers un système électoral un peu moins... disons, « féodal », que le dernier, se cassent la gueule en beauté.

      Vous avez le droit de souhaiter l’échec aux autres après tout. C’est un bon moyen de se fourrer la tête dans le sable en ce qui concerne ses propres échecs.

      Bonne thérapie.


  • docdory docdory 6 octobre 2011 11:49

    @ Henri François


    Il n’y a que deux possibilités de résultats de l’élection de cette assemblée constituante Tunisienne :
    - Soit le peuple tunisien, dans son immense sagesse, vote pour des candidats qui décident que la Tunisie post révolutionnaire sera une République laïque, sans religion officielle, la loi étant déterminée par la volonté populaire éclairée par la Raison, par l’intérêt général et par la déclaration des droits de l’homme ( la vraie, celle de 1789, pas celle de 1948 ),
    Dans cette hypothèse, se serait vraiment le printemps arabe et la libération du peuple tunisien !
    - Soit le peuple tunisien sombre dans l’erreur et adopte l’islam comme religion d’Etat, et la chariah comme source principale d’inspiration de la législation ( comme s’apprête à faire la Libye ), dans ce cas, c’en sera définitivement fini du printemps arabe, auquel succédera un bien sombre hiver, et un moyen-âge qui n’aura de fin que dans plusieurs générations ( après tout, l’Iran, depuis 32 ans, n’est pas encore parvenu à se débarrasser de sa très liberticide et monstrueuse « république » islamique ).

    Chaque Tunisien et chaque Tunisienne a la pleine et entière responsabilité de son choix, qui engage son avenir et celui de nombreuses générations qui vont suivre :
    - soit il choisit sa liberté et celle de son peuple, en votant pour des partis clairement laïques,
    - soit il vote pour des partis non laïques et donc choisit le sommeil de la Raison, qui engendre des monstres ...


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