L’Otan abat ses cartes et joue la provocation aux portes de Moscou
Strasbourg commence à peine à panser ses plaies, que déjà l’Otan remet le couvert. Mais là où se jouait sur la frontière franco-allemande la fanfaronnade symbolique qui claironnait anniversaire et développement, c’est maintenant une véritable gifle que vient d’infliger la coalition à la Russie.
L’Otan vient en effet d’annoncer des exercices en Géorgie du 6 mai au 1er juin 2009. Même si Robert Pszczel, porte-parole de l’organisation, a déclaré "qu’il s’agit d’exercices d’état-major qui se dérouleront sans faire usage d’armes ni de matériel de guerre", le représentant permanent de la Russie auprès de l’OTAN Dmitri Rogozine a jugé la situation préoccupante : "Nous avertissons qu’il est très probable que des incidents surviennent car on peut s’attendre à tout de Saakachvili". En réponse, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud envisagent des contre-manoeuvres, alors que la Russie parlait de provocation.
Le président russe Medvedev s’est montré consterné : "Lorsque tel ou tel groupe d’Etats effectue des manoeuvres sur des lignes récemment encore soumises à un degré élevé de tension et ce, à un moment où la situation ne s’y est pas calmée, cela risque de provoquer toutes sortes de complications".
La particularité de ces opérations se situe dans le fait que la Géorgie n’appartient pas à l’alliance. Robert Pszczel se voulait rassurant en rappelant que "La Russie aurait pu et peut toujours se joindre à cette opération", en oubliant toutefois de parler des nouveautés propres au somment de Strasbourg :
"29. La stabilité et le succès des réformes politiques et économiques en Ukraine et en Géorgie sont importants pour la sécurité euro-atlantique [...] Nous nous félicitons en particulier du renforcement prévu des bureaux d’information et de liaison de l’OTAN à Kiev et à Tbilissi. Sans préjudice des décisions ultérieures devant être prises à propos du MAP, l’établissement de programmes nationaux annuels aidera la Géorgie et l’Ukraine à faire avancer leurs réformes. L’examen annuel de ces programmes nous permettra de continuer à suivre de près les progrès réalisés par la Géorgie et l’Ukraine dans les réformes liées à leur aspiration à devenir membres de l’OTAN. Nous saluons en outre les précieuses contributions de ces deux pays aux opérations de l’OTAN.
31. La relation entre l’OTAN et la Géorgie s’est considérablement approfondie au cours de l’année écoulée. Nous restons déterminés à promouvoir le dialogue politique avec la Géorgie et à lui fournir une aide. Nous encourageons fortement ce pays à poursuivre la mise en oeuvre de toutes les réformes nécessaires, en particulier les réformes démocratiques, électorales et judiciaires, en vue de réaliser ses aspirations euro-atlantiques.
32. [...] Nous appelons de nos voeux l’établissement d’un nouveau mandat pour la Mission de l’OSCE en Géorgie ainsi qu’un accès sans entrave pour les observateurs de l’ONU, de l’UE et de l’OSCE à l’ensemble du territoire de la Géorgie, y compris les régions d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Nous sommes préoccupés par les tensions et les violences qui persistent le long des limites administratives, et nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue
34. [...] L’Alliance a condamné la reconnaissance par la Russie des régions géorgiennes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie en tant qu’États indépendants, et elle continue de lui demander de revenir sur cette reconnaissance, qui est contraire aux valeurs et aux principes sur lesquels se fonde le Conseil OTAN-Russie, aux principes de l’OSCE sur lesquels repose la sécurité de l’Europe, ainsi qu’aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU concernant l’intégrité territoriale de la Géorgie, que la Russie a entérinées. En outre, le renforcement de la présence militaire de la Russie dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud sans le consentement du gouvernement géorgien est particulièrement préoccupant."
Au vu de ces dispositions, c’est bien la guerre de l’Ossétie d’août 2008 qui rebondit, Saakachvili devant se sentir pousser des ailes, et il est maintenant parfaitement évident qu’à Strasbourg l’Otan ne s’est pas contenté de souffler les bougies.
En parcourant ce rapport, on peut en effet se faire une idée de l’esprit dans lequel s’est déroulé ce sommet :
"58. Nous restons préoccupés par la persistance de conflits régionaux de longue durée dans le Sud-Caucase et en République de Moldova. Il est essentiel que toutes les parties dans ces régions oeuvrent de manière constructive au règlement pacifique des conflits. Nous les appelons toutes à éviter de prendre des mesures nuisant à la sécurité et à la stabilité régionales, et à respecter les cadres de négociation actuels. Nous continuons de soutenir l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Géorgie et de la République de Moldova."
L’Otan est bien décidé à employer un zèle tout particulier à veiller sur le bonheur de la proche périphérie de la Russie.