lundi 23 août 2010 - par Olivier CHAZOULE

La Chine, un colosse aux pieds en béton armé

Il est une tradition dans l’histoire qui veut que tous les pays craignent ou jalousent l’apparition d’une nouvelle grande puissance.

En 1900, les grandes puissances européennes qu’étaient la France, le Royaume Uni, l’Allemagne récemment unifiée par Bismarck et dominée par la Prusse, l’Autriche-Hongrie et la Russie considéraient les Etats-Unis comme un territoire lointain, exotique et de peu d’importance. Or, les statistiques d’aujourd’hui, et de l’époque, montrent que dès cette année 1900 les Etats-Unis étaient la plus grande puissance industrielle mondiale et avait la plus large production industrielle du monde (PNB, PIB, GDP n’étaient pas encore agrégés en indices, mais la collecte des données statistiques contemporaines et postérieures aboutissait aux mêmes résultats).

Il y a quelques mois, la Chine est devenue le premier marché mondial de l’automobile, c’est-à-dire que les Chinois achètent 17 millions de voitures par an, ce qui est plus que dans tout autre pays au monde.

Il y a quelques semaines, la Chine est devenue le plus grand consommateur pétrolier du monde.

Il y a quelques jours, la Chine est officiellement passée devant le Japon pour devenir la seconde économie du monde.

Habilement, les dirigeants chinois nient toute idée d’hégémonie économique, financière ou politique. Ils soulignent que si leur PIB (Produit Intérieur Brut) est désormais le deuxième du monde, le PIB par habitant chinois est au 100ème rang mondial. Certes, mais l’argument est à double interprétation :

C’est vrai que la Chine a du chemin à faire, mais c’est justement ce chemin qui va produire de la croissance et de la richesse en s’appuyant sur un marché de près d’un milliard et demi de citoyens à la fois producteurs et consommateurs.

Le terme de Longue Marche (à un rythme accéléré cette fois) s’applique de nouveau et pour de bon à l’Empire du Milieu.

L’armée chinoise est la première armée du monde en nombre de soldats. Mais les Chinois laissent entendre que la sophistication de leur armement est toute relative. Ce qui n’est pas exact et est démontré par leurs nombreux lancements de vecteurs et de satellites, y compris de satellites tueur de satellites, le développement de leurs sous-marins nucléaires hyper-furtifs et le développement très rapide de leurs technologies informatiques et électroniques (micro-processeurs et autres composants, guidage, etc.) appliquées à l’armement.

Les Jeux Olympiques de Beijing et l’Exposition Universelle de Shanghai se sont succédés à quelques mois d’intervalle.

Pourquoi le monde a-t-il accordé une telle place à un seul pays en si peu de temps ?

Par impérieuse nécessité !

Le droit chinois était autrefois (il y a quelques années encore) largement emprunté au droit japonais qui lui-même était largement dérivé du droit allemand.

Aujourd’hui le droit chinois des affaires (business et finance) est un des plus avancés au monde, que ce soit le droit de l’État chinois qui est de plus en plus sophistiqué ou le droit des Provinces chinoises qui bien qu’encore en phase de construction, notamment sur le plan fiscal, avance très rapidement.

Au cours de la décennie, le droit chinois a très largement puisé dans le droit financier américain pour se placer à la pointe du droit international in shore et off shore. Le droit chinois a aussi pioché dans d’autres droits au gré de ses besoins dont celui de l’Union Européenne (notamment le droit de la concurrence).

Une fois intégrés ces éléments juridiques étrangers, le droit chinois les a adaptés, améliorés, digérés, et re-conceptualises. Désormais, le droit Chinois est autonome et affirme ses concepts, lois et réglementations, jurisprudence, ainsi que l’exercice de sa juridiction, c’est-à-dire la compétence des tribunaux chinois dans les affaires intérieures et certaines affaires internationales.

Dans le domaine des conflits de lois la loi chinoise joue un rôle croissant. Les conflits de loi définissent les lois applicables dans les contestations, disputes et procès sur les contrats et affaires internationales mêlant des parties opposées venant de plusieurs pays. Dans une dispute mêlant des ressortissants (individus, sociétés) de pays différents il faut d’abord choisir une loi [dite law of choice of law ou loi désignant la loi applicable] ; et cette loi va à son tour déterminer quelle loi va ensuite s’appliquer au litige.

Les lois chinoises très longtemps absentes de ce jeu légal complexe, mais aux enjeux qui se chiffrent en milliards de dollars, s’imposent de plus en plus à la Communauté Internationale.

Les autres pays ou leurs ressortissants économiques (sociétés, groupes, conglomérats) n’ont alors pas d’autre choix que de faire avec. Ceci est par ailleurs totalement légitime, et parfaitement légal.

C’est aussi conforme à la loi du plus fort qui est une bonne vieille recette toujours efficace.

Sur le plan des droits de l’Homme la Chine a renvoyé ses détracteurs à leurs propres manquements. Il est bien évident qu’on ne peut pas s’exonérer de ses fautes en arguant de celle des autres. Mais en termes diplomatiques c’est un rapport de forces qui s’est engagé. Paralyser son adversaire c’est déjà remporter une première manche.

Le Premier Ministre Wen Jiabao vient d’ailleurs d’appeler à des réformes indispensables dans le domaine des libertés publiques et démocratiques.

Montrer à ses adversaires que l’on veut encore aller plus loin que ce qu’il vous réclame, c’est remporter une seconde manche.

Pétrole, production industrielle, armée, voitures, la liste des premières places mondiales de la Chine s’allonge chaque jour.

D’aucuns peuvent alors se poser la question légitime de savoir s’il faut : souhaiter ou craindre la montée en puissance de la Chine ?

Les deux.

Olivier Chazoule



21 réactions


  • Mmarvinbear Mmarvinbear 23 août 2010 10:32

    C’était un message de la Chambre de Commerce de Pékin. Tout de suite, la météo...


  • yoananda 23 août 2010 10:42

    La Chine a dominé le monde pendant plusieurs siècles avant la « parenthèse » anglo-saxone qui au final n’aura duré que 200 ans env.
    La chine a déjà eu mainte fois les moyens d’imposer son impérialisme, mais elle ne l’a pas fait. Ce n’est pas dans sa culture.
    Par contre, ,il est vrai qu’elle « prendra » ce dont elle a besoin la ou elle en a besoin. Pour preuve les achats massifs de terre et de ressources.
    Elle ne viendra pas nous imposer sa manière de penser ou de voir, mais elle reprendra sûrement son rôle de phare de l’humanité qu’elle a eu tout au long de l’histoire.


  • Mmarvinbear Mmarvinbear 23 août 2010 11:06

    Bon, plus sérieusement, une telle panégiryque appelle forcément quelques retouches.

    La montée en puissance de la Chine actuelle est impressionnante, mais elle se heurte tout de même à de nombreux obstacles qui font craindre une panne d’alimentation ou de fonctionnement.

    Les grandes puissances ne le restent pas indéfiniment, c’est une leçon première de l’Histoire. Cela a commencé quand les empires mésopotamiens ont décliné face aux empires grecs et romains. Le mouvement actuel n’est que la continuation de celui enclenché il y a 4 000 ans.

    Le gouvernement chinois est en train de pallier à une des grandes faiblesses intrinsèques de l’économie chinoise : sa grande dépendance aux exportations, en dévellopant son marché intérieur.

    Cela amène pourtant d’autres problèmes : la consommation énergétique explose. La recherche effrénée de pétrole fait monter les prix du brut. L’électricité chinoise est en grande partie originaire de centrales thermiques au charbon, ce qui engendre une pollution à grande échelle, en plus de la destruction des sites d’extractions des mines à ciel ouvert.

    L’alimentation est aussi un problème : l’agriculture chinoise, dynamique, est en grand danger pourtant. L’exploitation à grande échelle des cours d’eau et des nappes phréatiques accélère la désertification de l’ ouest et du nord du pays : saviez-vous qu’un tiers du territoire chinois est constitué de déserts ? A l’ est, l’urbanisation et l’industrialisation détruit chaque année 2500 km2 de terres agricoles. Les engrais et les OGM compensent en partie la perte, au prix d’une pollution chimique toujours plus intense.

    Pour remédier à cela, le gouvernement achète aux pays africains d’immenses surface pour y cultiver des surfaces manquantes : on peut donc ajouter pour bientot des troubles nationalistes dans ces pays, dont une partie de la population n’acceptera pas de voir une part de son territoire devenir une annexe d’un pays étranger. Ni même de voir la production de ces terres partir sur un autre continent alors qu’eux-même ont des difficultés pour se nourrir...

    Quand au droit économique chinois... On ne compte plus les copies et les contrefaçons en provenance directe de Chine.

    Pour les droits de l’Homme, chacun aura constaté avec plaisir la notion de « liberté » lors des jeux de Pékin, quand par défaut les journalistes ne pouvaient pas accéder aux sites de leurs propres journaux...

    Une seule chose rend les humanitaires optimistes : le dévelloppement économique est toujours suivi par une libéralisation sociale et politique. Quand un gouvernement arrive à freiner l’évolution démocratique, c’est toujours au prix de sa puissance économique : l’ URSS en sait quelque chose.

    Dès lors, la Chine sera vite confrontée au choix : soit la dictature communisto-libérale lâche du lest ( ce qui aboutira à une chute du régime : le communisme est irréformable ), soit elle devra sérieusement réduire ses capacités economiques, ce qui mettra à mal sa classe moyenne nouvellement formée, et fera grossir les rangs de ses opposants.

    La nature est bien faite, quand on y pense...


    • plancherDesVaches 23 août 2010 15:15

      En parlant de nature bien faite, la Chine affiche son « communisme », alors qu’elle est une dictature oligarchique, tout comme...
      Les US affiche leur slogan freedom de l’american dream, tout comme...
      La petite France affiche son slogan « liberté, égalité, fraternité »...

      Beau jeu de dupes tout en hypocrisie commerciale.

      Et pour en revenir à l’article, tant d’affirmations non étayées fait vraiment penser à de la propagande américaine.


    • L'enfoiré L’enfoiré 23 août 2010 18:46

      Mvarvinbear,
       Nous sommes dans une économie intégrée.
       La mondialisation a ses avantages et ses inconvénients.
       Plus on essouffle l’autre, plus on s’essouffle soi-même.
       Cela ne sert à rien de produire, si on ne trouve pas d’acheteur pour les payer.
       La Chine a encore un poumon interne qui est prêt à prendre la relève des exportations.
       Dans un article récent, je reprenais, puisque nous sommes dans la période de vacances, le « programme de relaxation chinois » qui dépasse de plus en plus les frontières de la Chine.
       Le Club Med s’y intéresse. On m’a même dit que les Chinois penseraient même en faire un personnel.

       Hier, France2 parlait du château Changuy, non pas celui prêt de Paris, mais de Pékin.
       Une réplique parfaite. La France, l’Europe attirent. Alors, on en fait une copie.
       Le but faire apprécier le vin blanc et rouge de là-bas.
       La même technique que pour les Parcs d’attractions de Disney : faire semblant qu’on est ailleurs sans sortir des frontières.

       Quelle sera la réplique française ?
       Il en faudra une. Il faut toujours équilibrer.
       smiley


    • Olivier CHAZOULE Olivier CHAZOULE 25 août 2010 20:01

      Raisonnement pertinent et bonne conclusion,. Personne ne peut anticiper ce qui va se passer. Mais un mouvement puissant est en marche


    • Olivier CHAZOULE Olivier CHAZOULE 25 août 2010 21:57

      Chacun pousse ses pions pour son avantage

      Comme on dit cyniquement : pour certains, la fin justifie les moyens.


  • Hijack Hijack 23 août 2010 15:11

    Le titre reflète la réalité de la Chine dans le Monde !


  • M.Junior M.Junior 23 août 2010 17:51

    Hello l’auteur

    Pour reprendre ta prose

    Il y a quelques mois, la Chine est devenue le dernier premier du marché mondial de l’automobile, c’est-à-dire que les Chinois achètent 17 millions de voitures par an, ce qui est plus que dans tout autre pays au monde et vont devoir rapidement s’arrêter sous peine de tuer la Terre.

    Il y a quelques semaines, la Chine est devenue le dernier plus grand consommateur pétrolier du monde avant la disparition du dit pétrole.

    Il y a quelques jours, la Chine est officiellement passée devant le Japon pour devenir la seconde économie du monde avant que le système économique ne s’effondre une nouvelle fois.

    Habilement, les dirigeants chinois nient toute idée d’hégémonie économique, financière ou politique. Ils soulignent que si leur PIB (Produit Intérieur Brut) est désormais le deuxième du monde, le PIB par habitant chinois est au 100ème rang mondial. Certes, mais l’argument est à double interprétation :

    C’est vrai que la Chine a du chemin à faire, mais c’est justement ce chemin qui va produire de la croissance et de la richesse en s’appuyant sur un marché de près d’un milliard et demi de citoyens à la fois producteurs et consommateurs où les ressources naturelles tendent toutes à disparaitre.

    Le terme de Longue Marche (à un rythme accéléré cette fois) s’applique de nouveau et pour de bon à l’Empire du Milieu qui va encore plus vite que les autres Droit dans le mur !

    L’armée chinoise est la première armée du monde en nombre de soldats. Mais les Chinois laissent entendre que la sophistication de leur armement est toute relative. Ce qui n’est pas exact et est démontré par leurs nombreux lancements de vecteurs et de satellites, y compris de satellites tueur de satellites, le développement de leurs sous-marins nucléaires hyper-furtifs et le développement très rapide de leurs technologies informatiques et électroniques (micro-processeurs et autres composants, guidage, etc.) appliquées à l’armement.

    Les Jeux Olympiques de Beijing et l’Exposition Universelle de Shanghai se sont succédés à quelques mois d’intervalle.

    Pourquoi le monde a-t-il accordé une telle place à un seul pays en si peu de temps ?

    Par impérieuse nécessité ! Personne ne veut être le premier pays à vouloir voir sa population mise autant en appétit se rebeller.

    D’aucuns peuvent alors se poser la question légitime de savoir s’il faut : souhaiter ou craindre la montée en puissance de la Chine ? Un colosse sans pied !


    • Olivier CHAZOULE Olivier CHAZOULE 25 août 2010 22:01

      .
      Quand on voit un TGV rouler à 300 km/h, on peut affirmer qu’il n’a pas de roues ni d’essieux. On risque cependant de ne pas être dans l’exactitude


  • Tiberius Tiberius 23 août 2010 19:04

    Le jour où la Chine et l’Inde seront les deux premières puissances mondiales, nos enfants et petits enfants connaîtront alors la pauvreté dans une Europe qui aura rejoint le tiers monde.

    Car ceux qui s’imaginent que demain tous les hommes pourrons vivre riches sont des jobards. Tout le monde ne peut pas être riche en même temps. Il y aura toujours des riches et des pauvres, la seule différence, c’est que demain... ce ne seront plus les Occidentaux les riches. Ce seront nos enfants qui seront pauvres et qui ne pourront plus se payer les dernières merveilles de la technologie chinoise. 

    Êtres pauvres, c’est tout ce que nous souhaitons à nos enfants n’est-ce pas ?

    Alors félicitons-nous de la croissance exceptionnelle de la Chine ! 

    Félicitons-nous que l’Inde suive le même chemin ! 

    Et pour apprendre à nos enfants à être de futurs losers, abandonnons le capitalisme !


    • Croa Croa 23 août 2010 19:40

      C’est sûr que la pauvreté va gagner chez nous mais il faut relativiser car le monde de demain ne sera pas contraire à celui d’aujourd’hui mais son évolution. Nous pouvons être sûr d’une chose, les riches de demain seront encore les enfants de ceux d’aujourd’hui et les grandes familles occidentales seront toujours présentes, quitte à cotoyer leurs arter-égo asiatiques, ce qu’ils font probablement déjà.

      D’un autre coté la croissance va trouver ses limites. Le monde de demain sera vivable si les peuples se réveillent et imposent un partage. Ce n’est pas irréalisable !


    • Tiberius Tiberius 23 août 2010 23:48

      C’est ça oui, demain il n’y aura plus de pauvre.

      Les Chinois et les Occidentaux serons tous riches sur une planète qui sera devenue un paradis.

      Belle blague !

      Il y aura toujours des pauvres et si ce n’est plus eux, alors ce sera nous...


    • Olivier CHAZOULE Olivier CHAZOULE 25 août 2010 22:19

      A chaque pays un droit de place au soleil : il peut y avoir des accords et non des conflits 


    • Olivier CHAZOULE Olivier CHAZOULE 25 août 2010 22:25

      Aucune exclusion ni action drastique n’est indispensable. L’Union de l’Europe s’est faite par le commerce (CECA, EURATOM et Politique Agricole Commune) pour annihiler les risques de guerres (3 en 75 ans) entre l’Allemagne et la France.


  • Croa Croa 23 août 2010 20:01

    Article nécessaire, MERCI  ! Cette synthèse est en effet évidente mais le silence des médias sur cette réalité géopolitique est assourdissant. Ce silence équivaut à un mensonge puisque cela suppose que rien n’aurait changé depuis 50 ans.

    Le plus inquiétant là dedans vient de l’ancienne puissance dominante qui conserve l’avantage immédiat en matière d’armements. Il ne faudrait pas qu’un conflit apparaisse quelque part dans le monde et notamment en Iran par exemple parce que, contrairement aux précédents qui ont simplement remit les pendules à l’heure, ce conflit risque surtout de tout détruire, humanité comprise ! smiley


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