La future révolution du Zimbabwe
La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais sous quelle forme aura-t-elle lieu ? Pacifiquement et rapidement, ou par la force avec une nouvelle fois des victimes inutiles ?
Les personnages sont en train de terminer de se mettre en place :
- un président élu, mais aux méthodes de dictateur qui prend des décisions envers et contre tous. Un dirigeant qui ne s’occupe pas des droits de l’homme, ruine son pays, n’écoute pas ce que dit la justice de son pays, son ministre de l’économie et veut changer la constitution pour ne pas avoir à soumettre son poste de président au vote en 2008 à l’âge de 85 ans.
- une opposition qui se rassemble malgré les divisions, car trop c’est trop
- un peuple qui meurt de faim, où tous ceux qui ont un métier s’enfuient à l’étranger et où ceux qui restent ne peuvent plus acheter à manger, ne peuvent plus payer les frais de scolarité devenus beaucoup trop chers et où les aliments de base ne se trouvent plus qu’au marché noir.
- un pays ruiné, un PIB qui a perdu plus de 40% en 6 ans, une production agricole tombée de moitié, une industrie incapable de produire ne serait-ce que la moitié que ce qu’elle produisait il y a 6 ans.
- une répression qui se met également en place avec une police secrète puissante.
Le taux de change
Je vous parlais dans un précédent article du taux de change "officiel" imposé par la banque centrale et du change du marché parrallèle. C’est devenu pire encore, car le taux officiel est toujours de 1$US pour 250$Zim, mais sur le marché parallèle, pour 1$US, on a désormais 5000$Zim. Comme tous les investissements étrangers doivent passer à la banque centrale d’où ils ressortent en $zim au taux officiel, tout investissement ou dépense venant en "hard currency" perd instantanément 25 fois sa valeur en arrivant.
Avec ça, les choses sont claires : plus aucun investissement en provenance de l’étranger (qui va investir 15000 $US pour aider avec une banque centrale qui taxe automatiquement l’argent pour laisser un pouvoir d’achat de 600$ ?)
Plus de touristes dans ce pays pauvre qui est devenu le plus cher au monde, et les Vic Falls se visitent désormais du côté Zambien dont l’activité explose.
Les dernières vicissitudes
Pour tenter de maintenir une fiction de la valeur du dollar ZIm, le gouvernement subventionnait le maïs à des hauteurs incroyables avec la planche à billets. Facile : pour avoir un tarif de la farine de mais qui reste compatible avec les salaires miséreux à force d’être laminés par une inflation qui a atteint 1800%, le gouvernement impose un prix du mais à 600$Zim la tonne de mais à l’entrée des moulins (dans les minoteries). Mais comme la tonne de maïs coûte en fait 52000$Zim la tonne à production, le gouvernement subventionnait les producteurs de maïs.
Des hauts fonctionnaires se sont donc installés comme "minotiers" pour acheter le maïs subventionné à 600 $Zim la tonne et le revendent à l’étranger ou aux producteurs à 52000$Zim. Moralité : suppression de la subvention sur le maïs au producteur, avec pour conséquence prévisible, une brutale multiplication du prix de la farine de mais par 50 à 80 fois.
Déjà cela n’a plus de sens : l’agence de statistique du gouvernement a calculé en décembre dernier qu’il fallait 310000$Zim par mois à une famille de 6 personnes pour se loger et se nourrir (la famille de 6 persones est la famille moyenne au Zimbabwe). Depuis, il faut probablement multiplier ce montant par deux. A titre de comparaison, le salaire d’un policier était en décembre dans les 40000$Zim.
Et donc, les services de police sont incapables de fonctionner correctement, et un petit billet est désormais nécessaire dans les commissariats pour tout. Et peu importe si ce n’est pas moral : c’est tout simplement la survie qui est en jeu et non plus un attrait du gain mal placé.
Et quand je dis "un petit billet", comprenez une grosse liasse si c’est en dollar Zimbabwe. D’ailleurs c’est simple, au moment où il est imprimé, la date de validité du billet est inscrite dessus : 10 mois après. La date limite d’utilisation d’un billet de banque est deux fois moindre que celle d’un bocal de cornichons ! Le pus gros billet en dollar Zimbabwe est insuffisant pour acheter un petit pain.
Et dès qu’un Zimbabwéien a des dollars Zimbabwe, il court les changer contre quelque chose qui ne perdra pas de la valeur. Et en fait, tout est plus stable que le dollar ZImbabwe : l’essence, le tabac, le sucre, la farine, les oeufs, et même la viande : un poulet perd moins de valeur en deux jours que le montant équivalent en $Zim et que dire d’un poulet vivant !
L’attitude de la Grande Bretagne
La Grande Bretagne considère que le Zimbabwe est chasse gardée. D’ailleurs, cela fait depuis 2000 qu’elle oeuvre internationalement pour que personne n’aide le Zimbabwe : même le FMI ne prête pas d’argent au Zimbabwe.
Dernièrement encore, elle a rappelé à la France que celle-ci ne devait pas inviter le Zimbabwe au sommet France-Afrique. Et pour le prochain sommet Europe-Afrique, le Zimbabwe sera de nouveau persona non grata.
Plus aucune compagnie aérienne occidentale n’atterrit au Zimbabwe, sauf bien entendu British Airways : business avant tout, et ce sont les autres compagnies qui ne doivent pas faire du business avec le Zimbabwe.
Sauf pour la Chine que la Grande Bretagne à son grand désespoir, n’arrive pas à commander. Et donc la Chine a invité tous les pays africains à son sommet Chine-Afrique du mois dernier à Pékin, y compris le Zimbabwe. Et la Chine fait du business, et la Chine prête de l’argent.
Et bien entendu, la Chine ne fait pas trop attention à ces histoires négligeables des droits de l’homme. Cette dernière décennie, la Chine a multiplié son business avec l’Afrique pour atteindre 50 milliards de dollars en 2006 et importe 30% de son pétrole d’Afrique, ce qui en fait sa région principale d’approvisionnement au détriment de l’Arabie Saoudite.
Les politiques au Zimbabwe
Une grande partie des ministres en place se rendent bien compte qu’il faut faire quelque chose pour sauver le pays et certainement pas ce qui est fait actuellement. On ne parle bien entendu pas du Ministre de l’économie qui n’arrête pas de se faire limoger car c’est lui qui sert de fusible.
Le ministre du tourisme vient de déclarer officiellement qu’il était en train de négocier avec la Banque Centrale pour que dans le secteur du tourisme, la Banque Centrale accepte de ne changer que 20% des montants du tourisme en dollars Zimbabwe au taux officiel et qu’il laisse aux Tours Operators réceptifs le droit de conserver les 80% des paiements en "hard currency" pour pouvoir acheter les produits à livrer aux touristes au moment où ceux-ci arrivent dans le pays.
Quand au leader de l’opposition, il a déclaré qu’il ferait tout ce qu’il faut pour lutter contre Mugabe. Mais avec la police secrète qui a déjà arrêté des leaders de l’opposition ces derniers jours pour avoir assité à la manifestation autorisée par le Ministère de la Justice mais interdite par le Président, ce ne va pas être facile pour lui.
La question reste donc ouverte : révolution tranquile ou insurrection ?