lundi 2 avril 2018 - par Salim Lamrani

La politique cubaine de Donald Trump est vouée à l’échec

Université de La Réunion

 

 Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, les relations entre Cuba et les Etats-Unis n’ont cessé de se détériorer en raison de la décision de Donald Trump d’appliquer de nouveau une politique basée sur l’hostilité.

 

 En juin 2017, le Président des Etats-Unis Donald Trump a annoncé un revirement total de la politique étrangère des Etats-Unis vis-à-vis de Cuba. Alors que son prédécesseur Barack Obama avait pris la mesure de l’échec de la stratégie étasunienne envers l’île durant plus d’un demi-siècle et initié un processus de rapprochement avec La Havane, l’actuel locataire de la Maison-Blanche a annoncé qu’il appliquerait désormais une ligne dure avec Cuba.

 Barack Obama avait rétabli les relations diplomatiques et ouvert une ambassade en 2015, près de 54 ans après la rupture unilatérale opérée par Washington en janvier 1961. Sans permettre aux touristes ordinaires étasuniens de se rendre à Cuba, Washington avait néanmoins ouvert la possibilité à douze catégories de voyageurs de se rendre dans l’île et avait permis les vols directs entre les deux pays. Ce nouveau panorama avait permis à de nombreux citoyens étasuniens de visiter Cuba pour la première fois. Ainsi, le nombre de visiteurs étasuniens dans l’île est passé de 91 254 personnes en 2014 à 161 233 en 2015, et 284 552 en 2016, pour atteindre le chiffre record de 619 523 en 2017.

Contre toute attente, le 29 septembre 2017, le secrétaire d’Etat Rex W. Tillerson a annoncé que Washington réduisait à son strict minimum son personnel diplomatique présent à Cuba pour des raisons de sécurité. Washington a évoqué de mystérieux problèmes de santé dus à des « attaques acoustiques » qui auraient affecté une vingtaine de membres de l’Ambassade des Etats-Unis à La Havane entre décembre 2016 et août 2017. Washington reconnaît que les « enquêteurs ont été incapables de déterminer qui était responsable de ces attaques et quelles en étaient les causes ».

En plus de réduire drastiquement son personnel diplomatique, l’administration Trump a décidé de sanctionner La Havane en expulsant 17 membres de l’ambassade de Cuba de Washington, dont toute l’équipe du bureau des affaires économiques et commerciales. Pourtant, les Etats-Unis ont souligné la pleine coopération des autorités cubaines au sujet de cette affaire : « Cuba nous a indiqué qu’elle continuerait à enquêter sur ces attaques et nous continuerons à coopérer avec eux ».

De leur côté, les autorités cubaines, par la voix de Bruno Rodríguez, Ministre des Affaires étrangères, ont regretté le manque de collaboration et de transparence de la part des Etats-Unis sur cette affaire. En effet, Washington s’est refusé à fournir à La Havane les éléments d’enquête à sa disposition. Aucune des personnes touchées par ce mal mystérieux n’a pu être interrogée par les enquêteurs cubains et leurs noms ont été maintenus secrets.

La raison probable de ce refus a été révélée par Peter Kornbluh, Directeur du Projet de Documentation sur Cuba des Archives de la Sécurité nationale de Washington : « Un nombre très important des personnes affectées étaient des membres de la station de la CIA à Cuba. » Or, les Etats-Unis n’admettront jamais la présence d’éléments de la CIA à Cuba ou dans n’importe quel autre pays au monde en raison du caractère clandestin et illégal de leurs activités.

Dans le même temps, Washington a décidé de classer Cuba dans la catégorie des pays à risque pour ce qui concerne les voyages. Pourtant, le Département d’Etat a reconnu qu’aucun des près de 620 000 citoyens étasuniens qui se sont rendu dans l’île en 2017 n’a été victime d’une quelconque attaque sonique : « Nous ne disposons d’aucune information selon laquelle des citoyens des Etats-Unis auraient été affectés ».

En raison de la réduction drastique des effectifs de la représentation diplomatique étasunienne à La Havane, le consulat n’est plus en mesure d’assurer ses missions. Ainsi, les Cubains qui souhaitent se rendre aux Etats-Unis dans le cadre d’un projet migratoire, d’un voyage professionnel, d’un séjour familial, ou autres, doivent désormais obligatoirement passer par le consulat des Etats-Unis à… Bogota, en Colombie. En outre, les Etats-Unis se retrouvent de fait dans l’incapacité de respecter les accords migratoires signés en 1994 avec La Havane, dans lesquels ils s’engagent à fournir au moins 20 000 visas par an. En effet, l’immense majorité des candidats à l’émigration n’a pas les moyens de se payer le coûteux voyage en Colombie, surtout qu’aucune garantie n’est fournie quant à une éventuelle issue favorable à leur demande de visa.

 

En revenant à une politique basée sur l’hostilité à l’égard de Cuba, l’administration Trump met un terme aux progrès observés durant la présidence de Barack Obama et s’accroche à une stratégie anachronique. Cette dernière est vouée à l’échec et a isolé les Etats-Unis sur la scène internationale, comme l’illustre le dernier vote de novembre 2017 de l’Assemblée générale des Nations unies où 191 pays ont condamné pour la 26ème année consécutive les sanctions économiques imposées à Cuba. De la même manière, Washington s’oppose à la volonté de la majorité des citoyens des Etats-Unis qui aspirent à normaliser les relations avec Cuba et à pouvoir se rendre sur l’île en tant que touristes, sans obstacles, chose interdite depuis plus d’un demi-siècle par Washington. Pour sa part, Cuba a toujours fait montre de sa disposition à entretenir des liens cordiaux et pacifiques avec Washington basés sur l’égalité souveraine, la réciprocité et la non-ingérence dans les affaires internes.

https://www.temoignages.re/international/monde/la-politique-cubaine-de-donald-trump-est-vouee-a-l-echec,92705

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.

Son nouvel ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet.

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Donald Trump, « Remarks by President Trump on the Policy of the United States Towards Cuba », 16 juin 2017. https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2017/06/16/remarks-president-trump-policy-united-states-towards-cuba (site consulté le 22 mars 2018).

Oficina Nacional de Estadística e Información, “Anuario estadístico de Cuba 2016. Turismo”, 2017, p. 8. http://www.one.cu/aec2016/15%20Turismo.pdf (site consulté le 22 mars 2018).

Mimi Whitefield, « 100,000 Cuban Homes Slammed by Hurricane Irma Await Repairs Months Later », The Miami Herald, 15 janvier 2018.

Rex W. Tillerson, « Actions Taken in Response to Attacks on U.S. Government Personnel in Cuba », U.S. Department of State, 29 septembre 2017. https://www.state.gov/secretary/remarks/2017/09/274514.htm (site consulté le 22 mars 2018).

Rex W. Tillerson, « On the Expulsion of Cuban Officials From the United States », U.S. Department of State, 3 octobre 2017. https://www.state.gov/secretary/remarks/2017/10/274570.htm (site consulté le 24 mars 2018).

Rex W. Tillerson, « Actions Taken in Response to Attacks on U.S. Government Personnel in Cuba », op.cit.

Bruno Rodríguez Parilla, « No existen pruebas de ataque sónico a diplomáticos de Estados Unidos », Cubadebate, 3 novembre 2017.

Peter Kornbluh, « What the US Government Is Not Telling You About Those ‘Sonic Attacks’ in Cuba », The Nation, 7 mars 2018.

Rex W. Tillerson, « Actions Taken in Response to Attacks on U.S. Government Personnel in Cuba », op.cit.

U.S. Department of State, « End of Ordered Departure at U.S Embassy Havana », 2 mars 2018. https://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2018/03/278997.htm (site consulté le 24 mars 2018).

Mario J. Pentón, « To Reunite With Family in Miami, These Cubans Must Travel to Bogota », The Miami Herald, 15 mars 2018.



3 réactions


  • Lugsama Lugsama 2 avril 2018 23:57

    Les démocrates ont perdu l’électorat cubains, très important, à cause de la politique d’ouverture d’Obama, qui l’ont vus comme de la clémence envers la dictature. Trump ne risque pas de changer de stratégie, surtout que l’électorat républicain traditionnel non plus ne veut pas d’ouverture.


  • Olivier 3 avril 2018 17:28

    Pas une critique bien entendu sur la dictature des frères Castro, l’une des plus vieilles et des plus féroces du monde, qui a poussé des millions de cubains à l’exil ! Mais comme c’est une dictature « de gauche » et bien vue des bobos bien-pensants, du coup on se met ses scrupules démocratiques dans la poche...


  • phan 4 avril 2018 10:37

    L’Amérique n’est plus que l’ombre d’elle-même, comme l’Europe et la France d’ailleurs.
    Nous masquons.
    Nous mentons.


    Autant de partis que de citoyens et des élus révocables payés au salaire qu’ils percevaient au moment de leur élection !
    On le voit, ce qui distingue d’abord le processus électoral cubain du nôtre, c’est l’absence de système partidaire, vilipendé tout autant par Fidel Castro que par… le général De Gaulle. À Cuba, tout part de la base, sans filtre d’un « régime de partis » parasite, « d’agences, de radios et de journaux complices » (Charles de Gaulle).
    « Ce que nous voulions éviter, c’est en premier lieu l’introduction de la politique politicienne, la corruption, la division et la fragmentation dans notre processus électoral. Certaines personnes à l’étranger disent qu’il n’y a pas de démocratie sans système multipartite. Dans notre pays, il y a un « système de millions de partis », parce que tout citoyen de ce pays d’âge légal – des millions de Cubains – peut proposer la nomination de tout citoyen du pays » (Fidel Castro).


    Voilà, vous vous en faites l’idée que vous voulez. Mais au moins vous saurez que quoiqu’en prétendent nos prêcheurs médiatiques, même dans une “dictature” comme Cuba, il peut y avoir des élections presque plus démocratiques que les nôtres.

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