vendredi 8 juin 2012 - par Gret

Laos : actualités et perspective de développement

Le Gret intervient régulièrement au Laos depuis 2004, et y a installé une représentation permanente en 2009. Il développe une expertise reconnue dans quatre domaines clés : l’accès à l’eau potable, l’assurance maladie, l’écotourisme, et le secteur du bambou, et conduit des activités dans six des 17 provinces du pays. Alors que le Laos accueille en novembre le prochain sommet Asie Europe, le Gret fait le point sur les enjeux de développement d’un pays à la politique économique libérale, source d’enjeux forts pour la société civile émergente.

  • Entre enjeux économiques et problématiques de développement

Adhésion à la zone de libre-échange de l’Asean, accession à l’OMC en 2013, réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2015, sortie de la catégorie des PMA d’ici 2020 : les objectifs définis par le 7e plan quinquennal de développement socio- économique du Laos confirment son choix d’une économie ouverte et intégrée dans la région et dans le monde. Il mise sur son positionnement stratégique et ses ressources naturelles qu’il négocie en octroyant des concessions sur les mines, les terres, les ressources hydriques. Petit pays enclavé, sous-peuplé (six millions d’habitants), le Laos est attractif pour les investisseurs, notamment des pays voisins (Vietnam, Chine). Illustration de cette ambition, le Laos accueillera début novembre le 9e sommet Asie Europe (Asem), avec pour slogan Friends for Peace, Partners for Prosperity. Mais cet essor économique s’accompagne aussi d’inégalités, d’injustices et de risques non négligeables. Le Laos, qui souhaite devenir la « batterie du Sud-est asiatique », prend le risque de mettre en péril les ressources halieutiques et la sécurité alimentaire de ses populations. Les concessions et la promotion du « agriculture contractuelle », système de contrat entre un entreprise agroalimentaire et un agriculteur parfois imposé par les autorités locales, présentent un risque élevé de fragilisation et de désappropriation des villageois. L'accès et la consolidation des droits des villageois au foncier et aux ressources naturelles constituent des défis de taille.

Des voix se font entendre dans le parti populaire révolutionnaire Lao (PPRL) et le gouvernement pour diversifier l'économie, éduquer les populations, renforcer les productions agricoles alimentaires. Les NPA (non profit associations) laotiennes commencent seulement à être reconnues légalement grâce à un décret de 2009 : fin 2011, on comptait 10 associations reconnues et 70 dossiers restaient en attente. La plate-forme d’ONG Lao Issue Working Group (LIWG) mène des actions de plaidoyer notamment sur les questions foncières auxquelles le Gret contribue (voir le document de position). Quelques jours avant l’Asem, la société civile émergente fera entendre sa voix lors d’un Forum des peuples d’Asie et d’Europe (AEPF) avec un slogan différent du sommet officiel : People’s Solidarity against Poverty and for Sustainable Development : Challenging Unjust and Unequal Development, Building States of Citizens for Citizens”. Quatre thèmes structureront les débats : la protection sociale universelle et l’accès aux services essentiels, la sécurité alimentaire et la gestion durable des terres et des ressources naturelles, la production et l’utilisation durable d’énergie, du travail et des moyens de subsistance équitables pour tous. Le Gret agit sur le terrain sur plusieurs de ces problématiques majeures.

  • Bambou et tourisme : secteurs clés pour un développement économique solidaire

Alors que 80% de la population dépend de produits forestiers (alimentation, énergie, artisanat), les forêts ne couvrent plus que 40% du territoire contre 70% en 1940. En cause : le développement des concessions et des plantations agro-industrielles et l’agriculture sur défriche-brûlis, qui perdure par absence d’alternatives proposées aux communautés rurales, progressivement dépossédées de leurs droits sur les forêts et sur les terres. Pourtant, gérées durablement et articulées avec des filières commerciales stables, les forêts naturelles constituent une source pérenne de revenus pour les villageois. Le Gret appuie la mise en œuvre de la stratégie provinciale de développement du secteur bambou de la Province de Houaphan dans 40 villages de trois districts. Il a testé une méthode participative d'élaboration de plans d’utilisation de sols (PUS), et neuf villages ont désormais des plans de gestion forestière (PGF), élaborés sur des massifs de forêts naturelles de bambou (1400 hectares et 475 familles concernés). Ces plans sont obligatoires pour que les villageois puissent exploiter les forêts. Les revenus des familles se diversifient et s’accroissent tout en préservant les ressources naturelles : en 2011 par exemple, 22 groupes de producteurs d'artisanat ou de meubles, regroupant 350 familles, ont vendu leur production pour 35 000 euros.

Le tourisme est un secteur économique en plein essor au Laos, avec 2,5 millions de touristes –majoritairement originaires de la zone Asie Pacifique- et 380 millions de dollars de revenus en 2010. Cet essor présente toutefois des risques en termes d’impact pour les ressources naturelles et les populations. Depuis 2010, le Gret appuie les acteurs locaux publics, privés et les communautés rurales de la province de Khamouanne dans la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de développement touristique responsable et solidaire impliquant les communautés rurales dans la gestion des sites touristiques, et encourageant le développement d’activités économiques. En 2012, le Gret finalise un plan concerté de préservation, d’aménagement et de gestion du site touristique de la grotte de Konglor, associant les villages de Konglor et Natane. Un fonds de développement des activités touristiques dans le village de Natane propose aux femmes des crédits pour lancer des activités génératrices de revenus (tissage, vannerie, location de vélos).

  • Accès à l’eau et à la santé : développer les services essentiels aux populations

50% de la population en zones urbaine et semi-rurale a accès à l’eau potable. Pour atteindre les 80% visés par les OMD, les autorités laotiennes encouragent la mise en place de « partenariats public-privé » (PPP) dans les petites et moyennes agglomérations avec des opérateurs locaux invités à participer au financement des infrastructures et la gestion des services de l’eau. Entre 2005 et 2011, sous la tutelle du ministère des Travaux publics et du Transport, le Gret a expérimenté dans les provinces de Vientiane et de Bolikhamxay des schémas appropriés de PPP et mis à disposition des acteurs publics et des petites entreprises des outils pour faciliter le financement, améliorer la gestion et consolider la régulation des services d’eau potable (projet Mirep). Fin 2011, 16 500 individus dans 32 villages bénéficient d’un accès à l’eau potable grâce à sept mini-réseaux gérés par des concessionnaires (durée 25 ans). A moyen terme, ils bénéficieront à 33 000 personnes. En 2012, le Gret et les autorités publiques étendent le projet sur dix sites supplémentaires, pour atteindre une taille critique susceptible de mieux peser sur la politique publique nationale. Depuis 2009, le Gret apporte également une assistance technique à la Société des eaux de Vientiane, avec pour double ambition d’améliorer la gouvernance du service d’eau et d’étendre la desserte dans la municipalité de Vientiane (projet Madevie).

10% de la population bénéficie d’une protection sociale en santé, essentiellement dans le secteur formel (fonctionnaires et employés du secteur privé). Depuis 2008, le Gret appuie le ministère de la Santé du Laos pour développer un système d’assurance maladie accessible à la population du secteur informel. Il expérimente une approche Community Based Health Insurance (CBHI), qui consiste à offrir aux familles des soins primaires et hospitaliers gratuits dans leur district et province, contre une cotisation volontaire d’environ 7 US$ par an et par individu. En 2012, le service d’assurance maladie est opérationnel dans cinq districts de la Province de Savannaketh et couvre 35 000 personnes. Dans la municipalité de Vientiane, 5 500 membres sont couverts. Le Gret appuie désormais les autorités provinciales de santé dans la gestion et l’extension du CBHI à d’autres districts.



3 réactions


  • asterix asterix 8 juin 2012 13:19

    Bonjour Gret,

    Comme le savent la plupart de nos lecteurs, j’habite au Laos depuis près de 5 ans et, à ce titre, je me permets de réagir à votre papier, quitte à sortir des limites que vous lui avez fixées.
    Votre article me semble plus être un acte informatif sur la mission du Grec et ses diverses réalisations qu’un état général de la situation laotienne et des besoins réels de sa population..
    Prenons un exemple : l’eau potable. Habitant pour partie à la campagne, je puis vous assurer que le monde paysan ne vous a pas attendu pour régler ce problème. Pour moins de 300 euros, des sociétés privées laotiennes vous creusent des puits de plus de 40 mètres. Si elles n’y trouvent pas d’eau, elles recommenceront plus loin. Dans les neuf dixièmes des cas, l’eau sera parfaitement potable, si pas d’une pureté exceptionelle. Je reste néanmoins d’accord avec vous lorsqu’il s’agit de populations rurales éloignées de tout, Bolikomsay par exemple, beaucop moins lorsque vous citez la province de Vientiane tant la distribution d’eau en tourilles y est bien organisée et pas chère, disons accessible à quasiment tous les budgets et distribuée à domicile à qui en fait la demande.
    Soit dit en passant, lorsque je suis à Vientiane, j’habite le Jardin des Orchidées, tout à côté du second chateau d’eau alimentant la ville... Ah, s’il y avait un peu moins de camions chargés de centaines de tourilles en sortant tous les jours ! Dans les 9 districts composant le grand Vientiane, l’eau potable est un droit qui ne coûtera pas 1 euro par semaine pour toute une famille.

    Je ne m’étendrai pas trop sur votre vision du tourisme : hormis les grands classiques proposés par les agences de voyage ( Luang Prabang - la plaine des Jarres - Vientiane et les 4.000 îles dans le sud ) il faut bien reconnaître qu’il n’y a qu’une très petite minorité de touristes qui prennent la peine de visiter des endroits idylliques tels la province de Bokéo dans le Nord, Ponghsally, Samnua, le plateau des Boloven dans le sud pour ne citer qu’eux. C’est pourtant là que se trouve le vrai Laos. Vous auriez pu en profiter pour le dire au lieu de vous extasier sur vos mini-crédits ou vos simples réalisations qui ont, c’est à mettre à VOTRE crédit, au moins le mérite d’exister de manière apparemment concrête.
    Mais bon, on a un peu l’impression que vous vous êtes engagés à changer le monde, alors que vous n’êtes qu’une goutte d’eau dans un vase. Sans vouloir déblatérer votre action - avez-vous seulement commencé par analyser les vrais besoins ? il se fait que je ne vous connais pas. Je ne peux donc pas vous mettre dans le même panier que le nombre, important, d’organismes dont le seul concours au développement du Laos consiste à acheter une flotte rutillante de 4 X 4 qui n’auront comme seul usage que d’encombrer les rues de Vientiane devant les restos européens où les édiles du développement, durable pour eux, vont se taper des steaks-frites à des prix propres à heurter le petit peuple qui, lorsqu’il a du travail, sera rémunéré de 40 à 90 dollars par mois, ce qu’ils gagnent AU MINIMUM par jour, tous frais payés. Attention, je ne parle pas ici des contrats locaux, entendons-nous bien, n’est-ce pas ?

    Vous n’avez pas non plus relevé une évidence propre à informer les lecteurs d’Agoravox et traitée en ces mêmes colonnes par un de mes étudiants lors de la convention sur l’interdiction universelle des bombes à sous-munitions qui a eu lieu ici même en décembre dernier. Au sortir de la guerre du Vietnam, le Laos qui détient le triste record d’avoir été le pays le plus bombardé au monde, était plus pauvre, plus démuni, que le plus pauvre pays africain, exception faite du Soudan. Aujourd’hui, le standing de vie y est important pour une minorité et correct sans plus pour la majorité de la population parce que le régime, tout communiste qu’il soit, pousse tout individu à entreprendre, à prendre son destin en mains. Rien n’est parfait mais, au moins- y a-t-il quelque chose qui fait la différence avec la plupart des pays du monde. L’accès aux hopitaux est payant et les services peut-être pas très efficients mais entièrement à disposition sans le moindre clivage basé sur le montant de votre gousset.
    Ceci dit, rien ne vous empêche de foncer dans les leurres de la plupart des cliniques privées...
     
    Avantage majeur dont vous ne parlez pas non plus, sans doute parce qu’il ne s’agissait pas de votre sujet, il n’y a aucune violence à craindre où que vous soyez dans le pays. Les détrousseurs de touristes n’existent pas ici, sauf peut-être à Vangvien où, reconnaissons-le aussi, ceux qui se font chouraver leur portefeuille l’ont bien cherché : on n’abandonne pas ses documents pour se saouler la gueule du matin au soir en se trémoussant dans les rivières au son tonitruant d’une musique rave-party qui fait fi de tous les usages locaux. La dernière fois que j’y suis passé, j’ai y vu plusieurs Anglaises complètement bourrées et en maillot mini-mouchoir de poche tituber le long de pistes qu’elles étaient incapables de remonter en vélo. C’est faire fi de l’éducation laotienne et si l’une ou l’autre se fait un peu bousculer dans les bosquets, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle l’aura bien cherché. Et pourtant, malgré cette entorse à toutes les règles du savoir-vivre local, elles tomberont bien plus facilement sur un Lao en tok-tok ( tracteur à usage multiple ) qui va les reconduire au village tout en en pensant pas moins que sur un autre qui va tenter de profiter, disons de leur égarement ...disons temporaire

    Je sais, ce genre d’information ne fait pas partie du cadre de la mission que vous vous êtes chargés de réaliser, ni de rapporter via votre sujet. Il me semble néanmoins que vous auriez pu approfondir les spécificités du vrai Laos plutôt, nous revenons à ce que je vous disais au début, nous arroser d’un panégérique de réalisations qui, excusez-moi, ne me donnent l’impression que de servir à vous obtenir de nouveaux budgets propres à donner bonne conscience à une certaine vision occidentale de l’aide aux pays en voie de développement.

    Je ne connais ici que deux grandes organisations auxquelles je professe le plus grand respect : l’UXO qui se charge du déminage dans les zones les plus reculées et l’Institut Pasteur + en général toute l’aide médicale qui repose sur la formation gratuite de spécialistes locaux. 
    En revanche, je sais à quoi m’en tenir sur nombre d’organisations subsidiées par la charité publique ou d’organismes internationaux justes bons à entretenir, à coups de juteux contrats, l’assuétude d’alcooliques invétérés gonflés d’importance qui n’a d’égale que leur médiocrité envers tout ce qui n’est pas eux, des profiteurs inefficients qui se sentent parfaitement au-dessus des lois et du respect dû à leurs hôtes.
    Ne vous connaissant pas, je ne me permettrais pas de vous inclure dans cette - déplorable - seconde catégorie dite de « l’humanitaire auto-alimentaire ».
    Je vous suggère donc de vous faire d’abord mieux connaître sur le territoire laotien même. Je connais des dizaines de personnes capables de vous aider sur BASE DU BéNéVOLAT le plus complet parce que nous avons tous ceci en commun : nous aimons passionnément le peuple laotien qui est un des plus accueillants du monde.

    Aux lecteurs d’Agoravox, je dirai tout simplement que le Laos est un des pays les plus beaux qu’il leur serait donné de voir, à condition de sortir des classiques proposés par les agences de voyage. Bof, il n’y a pas un Hilton à tous les coins de rue mais, hors les destinations classiques, vous trouverez toujours une chambre très acceptable entre 5 et 8 euros et si vous passez une ou deux nuits dans la vraie campagne ou la forêt, ce seront ces jours qui vous paraîtront, avec le recul, les plus inoubliables. Les meilleurs mois vont de novembre à mars, c’est toujours bon à savoir.
    Lao sû, sû !! (en avant, Laos ! )
    Salutations à l’auteur de ce papier, j’en ai deux autres en préparation sur le sujet.. 
     


  • agent orange agent orange 9 juin 2012 10:58

    Il est surprenant qu’aucune organisation ne lance de projets de reboisement pour renverser l’important taux de déforestation que le Laos a connu ces quinze dernières années.
    En début d’année, je discutais avec un chef de village dans la province de Sekong (sud du Laos) et il était plus préoccupé a vendre les grumes empilées que de replanter.
    En Asie, il me semble que le présent est souvent plus important que le futur...
    Mais qui s’en soucie aujourd’hui alors que le pays atteint 8% de croissance depuis de nombreuses années et que les projets urbains à Done Chane, Kounta, Kouvieng vont propulser Vientiane dans le 21ème siècle ?
    Les embouteillages aux heures de pointe qui étaient inexistants il y a moins de dix ans sont des signes de prospérité, pas de développement. Il y a encore tant à faire pour que le développement soit vraiment « durable ».


  • thomthom 14 juin 2012 13:09

    asterix, GRET (ou le Gret) n’a jamais eu la prétention de rédiger un traité complet sur le développement du Laos. Ils ont simplement rédigé un article présentant leur action et quelques fondamentaux nécessaires pour comprendre ce pays.

    Je ne vois pas en quoi on pourrait reprocher à cet article de n’être « que » ce qu’il est.

    Et même si effectivement je ne peux que vous rejoindre sur la complexité du sujet, sur les abus, dérives et nombreux projets de développement foireux du pays, l’article est plutôt intéressant et la vision que le GRET a du Laos me parait saine.

    Je regrette amèrement que visiblement, le promoteurs du nouveau projet « Vientiane New World » (développement de la zone donechan, voir la présentation sur facebook) ne partagent pas du tout cette vision et entrainent la capitale dans un projet visiblement complètement foireux de « développement pas durable du tout »... donc non pas de développement mais seulement d’illusion de développement !

    A part ça, j’ai découvert le Laos en 2002, et effectivement, je ne considère absolument pas le fait que en 10 ans Vientiane ait découvert le concept d’embouteillages (causés essentiellement par de gros pick-up très polluants avec un seul bonhomme dedans) soit un progrès... et j’espère que les lao s’en rendront compte le plus vite possible.


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