mardi 31 octobre 2017 - par Laurent Herblay

Le cauchemar étasunien, partie 6 : une démocratie malade

Parmi tous les travers des Etats-Unis, l’état de sa démocratie n’est pas le moins préoccupant. Outre l’effarante palinodie démocratique de l’élection de Georges Bush en 2000, on peut évoquer le poids trop important de l’argent, le rôle assez détestable des lobbys, mais aussi les pratiques profondément autocratiques de redécoupage des circonscriptions.

 

Une autocratie sous influence ?
 
 
En effet, aux Etats-Unis, quand un parti est au pouvoir, il redessine les circonscriptions pour maximiser son nombre d’élus et les partis ne reculent devant aucune extravagance pour arriver à leurs fins, n’hésitant pas à changer radicalement les frontières électorales et à adopter des formes extravagantes. Le principe consiste à entasser ses opposants dans des circonscriptions homogènes et à se construire des majorités sensibles mais pas excessives ailleurs. Résultat, avec un même nombre de voix que l’autre parti, celui qui a fait le découpage peut obtenir deux fois plus de sièges, comme le montre cet exemple du Wisconsin rapporté par The Economist qui parle « d’élus qui choisissent leurs électeurs  ».
 
Ces pratiques dignes de républiques bananières sont aujourd’hui sous le feu de la Cour Suprême, quelques états, notamment la Californie, commençant à remettre en question cette pratique démocratiquement détestable. Mais ce n’est pas la seule maladie dont souffre la démocratie étasunienne, droguée à l’argent dans des proportions effarantes : la campagne de 2016 a coûté pas moins de 3 milliards de dollars, quand l’élection française de 2012 en a coûté 66 millions et que le record européen, les législatives britanniques de 2015, n’ont coûté que 87 millions, près de 10 fois moins à taille comparable ! Une tendance qui s’accentue, le cap du milliard ayant seulement été dépassé en 2008.
 
 
La Cour Suprême a malheureusement accentué le phénomène en levant tout plafond aux dépenses des PAC, des comités d’actions politiques privés, d’autant plus que Barack Obama a laissé faire, alors que son adversaire de 2008, John McCain, souhaitait au contraire réformer le système. Le problème est que tout cet argent n’est pas désintéressé. The Economist soulignait il y a plus de trois ans que « quand il s’agit de mettre en place une politique, les opinions des entreprises et des riches semblent davantage compter  » en s’appuyant sur une étude statistique reposant sur 1779 enquêtes d’opinion aux Etats-Unis, une évolution soulignée par Joseph Stiglitz dans « Le triomphe des inégalités  ».
 
 
 
Quel meilleur symptôme du mauvais état de la démocratie étasunienne que le niveau de participation  ? N’est-il pas inquiétant que près de la moitié des citoyens ne se déplacent pas pour élire leur président, sans parler des manœuvres de certains pour la limiter  ? Voilà qui en dit sur les dysfonctionnements de ce pays qui voulait être un modèle et qui devient de plus en plus un contre-modèle.


6 réactions


  • Yvance77 Yvance77 31 octobre 2017 12:05

    Salut,

    Je n’oublierais jamais l’élection de Georges Bush face à Al Gore. il faut se souvenir de deux éléments important durant le scrutin :

    - vastes coupures d’électricité qui avait touché des états du sud
    - Bush qui a niqué Al Gore en Floride

    A l’époque je vivais au Burkina Faso et le titre du journal national burkinabé me fait encore marrer aujourd’hui :

    « Élections truquées, et coupures d’électricité ... l’Amérique rejoint l’Afrique »

    Il faut juste être bob14 pour n’avoir que les yeux de l’amour, et manquer de tant de lucidité !


  • gogoRat gogoRat 31 octobre 2017 12:34

    "Quel meilleur symptôme du mauvais état de la démocratie [...] que le niveau de participation ? N’est-il pas inquiétant que près de la moitié des citoyens ne se déplacent pas pour élire leur président [...]  ?
    Voilà qui en dit sur les dysfonctionnements de ce pays qui voulait être un modèle et qui devient de plus en plus un contre-modèle."

     Clin d’oeil à ce qui se passe en France ?
     
    ...


    • gogoRat gogoRat 31 octobre 2017 13:05

       Réfléchissons,
       si une majorité absolue (et même largement supérieure à 50%) est à ce point méprisée, provoquée et entravée par le pouvoir officiel, détenu par une prétentieuse minorité aristocratique (au sens étymologique de : pouvoir des ’meilleurs’ ) , au point qu’elle en vient à ne plus avoir un quelconque poids crédible dans les prises de position sur la « chose publique » ... aller veauter, c’est à dire aller cautionner Le stratagème officiel de légitimation d’un tel Pouvoir, cela serait-il pertinent, honnête, digne ? !!
       
       Le problème, donc, engendré par la prétention (l’inconséquence, la malhonnêteté, l’indignité) des veautants c’est qu’au lieu d’avoir cette union qui fait la force, cet effet positif potentiel mathématiquement prévu par le ’théorème du jury de Condorcet’ si bien évoqué dans « Du contrat social » ... cette minorité de prétentieux ( « premiers de cordées » ?? « qui ont réussi »  ?? ...) entrave la la puissance, la finesse, la complétude, et la pertinence d’une saine contre-réaction la plus diverse souhaitable !!
       
       Seule une minorité de ’bien-pensants’, qui ne veut surtout pas prendre conscience de ses propres œillères, décrète ce qui est ’bogue’ ou ce qui ne l’est pas.
      Ce qui fait que c’est bien cette minorité, et non pas la majorité des « rien » qu’elle écarte, qui est ontologiquement incapable de concevoir une quelconque forme de « réforme » !!

       Pire : cette prétention est en elle-même la preuve la plus flagrante d’une grave faute de raisonnement logique, c’est à dire d’un inacceptable carence de sens de l’entendement chez des gens qui osent tout, jusqu’à croire pouvoir "incarner’ plus de 66 Millions d’âmes qui ne leur ont rien demandé !


  • keiser keiser 31 octobre 2017 12:48

    Il me semble qu’en France, ils se sont aussi bien amusés avec le remodelage des circonscriptions.
    Ce n’est pas que l’apanage des américains.


    • Alren Alren 31 octobre 2017 17:07

      @keiser

      C’est vrai qu’en France il y a eu des redécoupages « savants » mais pas aussi caricaturaux que les exemples de l’article !

      Là, c’est Ubu !


  • Denico 31 octobre 2017 20:42

    Quand on voit ou nos democrates bobos friqués menent l europe comment s étonner de la dérive autocratique des usa. Ils ont juste quelques années d avance su nous


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