samedi 19 mars 2016 - par Laurent Herblay

Le grand retour du protectionnisme aux Etats-Unis

Dans le débat mondial sur le libre-échange, jusqu’à présent, les pays dits développés défendaient tous une plus grande libéralisation, quand les pays asiatiques continuent largement à se protéger. Les Etats-Unis se sont toujours montrés plus pragmatiques que nos pays européens, pour qui l’anarchie commerciale reste un veau d’or inquestionnable, en protégeant leur sidérurgie et leurs pneus par exemple. Les primaires révèlent une forte évolution du débat public en faveur du protectionnisme.

 
De Trump, à Sanders, en passant par Clinton
 
La campagne pour les élections présidentielles aux Etats-Unis pourrait révéler ce que Paul Krugman qualifie de « moment protectionniste  » sur son blog. L’économiste note que tant Donald Trump que Bernie Sanders critiquent les excès du libre-échange, le premier parlant d’imposer des droits de douane de 45% contre les importations venues de Chine, le second s’opposant aux traités de libre-échange actuellement en cours de discussion. Pour lui « il est aussi vrai que la majorité de la ligne de défence de la globalisation des élites est basiquement malhonnête : de faux arguments d’inévitabilité, des tactiques de peur (le protectionnisme cause des récessions), des revendications largement exagérées de gains du libre-échange », d’autant plus qu’il a des effets sur la distribution des revenus, admise par The Economist.
 
Et comme l’a noté Marianne, le succès des arguments de Donald Trump et Bernie Sanders pousse même Hillary Clinton à mettre un peu d’eau protectionnisme dans son vin libre-échangiste. Alors qu’elle défendait le traité transpacifique au gouvernement, elle a dit que « selon ce que j’ai appris, je ne peux pas soutenir cet accord (…) les accords commerciaux que nous avons conclu ces dernières années finissent par faire plus de mal que de bien au familles américaines dont les salaires ont à peine bougé ces dernières années ». En clair, pour que l’actuelle favorite de l’élection en tienne ce genre de propos face à un probable adversaire ouvertement protectionniste, il faut bien que la mythologie autour du libre-échange se dissipe petit à petit outre-Atlantique. Dommage que le débat ne progresse pas en Europe.
 

La tonalité du ton dans cette campagne devrait inciter à un débat plus ouvert chez nous où les médias se comportent d’une manière à peine plus ouverte sur la question du libre-échange que les médias Chinois par rapport à la question démocratique. L’anarchie commerciale ne profite qu’aux multinationales et à une petite minorité, même si, bien sûr, l’autarcie n’est pas la solution non plus.

 


2 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 19 mars 2016 09:42

    C’est évidemment satisfaisant de voir la réalité s’imposer et les hommes politiques, enfin réfléchir mais là n’est pas la question.

    http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/des-paradis-aux-enfers-de-la-84586

    La réalité a toujours été là et les hommes politiques ont toujours réfléchis, au moins à leur ré-élection.

    Ce qu’il ne faut jamais oublier est que ce ne sont pas eux qui déterminent la politique économique, monétaire et sociale mais les riches actionnaires des multinationales et les grands propriétaires terriens qui les sponsorisent.

    L’interventionnisme tout azimut des US et de leurs satellites, l’UE et le Japon, ont créé une situation extrêmement dangereuse dans les domaines économiques, militaires et écologique. C’est sans doute, cette peur qui amène l’oligarchie à envisager de desserrer son étreinte délétère sur le monde.

    A moins que ce ne soit qu’une posture pour se faire élire. En France, nous avons bien compris que les promesses n’engagent que ceux qui les croient.


  • pingveno 19 mars 2016 14:20

    Au risque de faire de la provocation, on pourrait presque dire que l’élection de Trump pourrait avoir des effets positifs pour le reste du monde.

    Il ne veut pas des traités internationaux ? ça tombe bien, le citoyen européen de base ne veut pas du projet TAFTA, ça nous fera un répis.
    Il insulte le reste du monde en permanence ? Il est détesté des dirrigeants du monde ? Peut-être arrêteront-ils leur américanophilie galopante et leur libéralisme à sens unique (l’UE est quand même la seule organisation à imposer toujours plus de mesures en sa défaveur...)
    Ou à l’inverse : on le dit proche de Poutine. Si on pouvait enfin arrêter de dénigrer la Russie en permanence...
    Ce qui est sûr c’est que Trump n’est pas l’idiot du village comme GWBush. Ceux qui pensaient à un nouveau 11 septembre y réfléchiront peut-être à deux fois avec cet énergumène-là aux commandes.
    Ah oui j’oubliais : Trump n’a pas le soutien des multinationales, sa fortune est surtout dans l’immobilier à l’intérieur des USA. C’est toujours mieux que Sarah Palin qui veut transformer son pays en champ de pétrole avec un soutien, disons total de qui vous devinez...

    A l’inverse, imaginons l’élection de Clinton.
    Prix nobel 2016 pour avoir été la première femme présidente des USA.
    Prix nobel 2017 à une organisation proche des USA, probablement l’OTAN.
    L’UE signe tous les accords en faveur des USA, et obtient en échange la tutelle de l’Ukraine et de quelques états africains dont les ressources naturelles, déjà pillées depuis longtemps, n’ont presque plus d’intérêt. Pendant ce temps, des insurections bidon ont lieu en Azerbaidgjan, au Kirghistan, enfin bref partout où il y a des gazoducs, le tout avec l’aide des ukrainiens eux-mêmes formés en Serbie. L’Iran, qui se tient à carreaux lors du premier mandat de Clinton, attendra un peu qu’un nouveau président anti-ricain soit élu avant de faire de même.
    L’Angleterre (mais peut-être pas l’Ecosse) obtient un statut intermédiaire lui permettant d’aller encore plus loin avec TAFTA que le reste de l’Europe. Le tout au profit de la City, pas du citoyen de base bien évidemment.
    Mais pas certain que notre pays s’en trouve plus démocratique...


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