vendredi 20 mai 2011 - par Amine

Les causes sociales du conflit libyen

Pour saisir l’aspect social des causes du conflit armé libyen, il est important de définir dans quel contexte est-ce que la révolution libyenne fait parti de ce qui est communément appelé les révolutions arabes. Ainsi, les révolutions arabes sont, tout d’abord, caractérisées par un double jeu stratégique. Les mobilisations citoyennes et la défection des élites. L’approfondissement de la mobilisation est tributaire de la défection des élites et vice versa. Il y a donc un système d’interdépendance entre l’action de chacun et l’action des autres. Une seconde caractéristique serait la crise de l’État. Il s’agit dans les pays atteints par ces révolutions de crises fiscales combinées à une crise de l’emploi et de légitimité du chef de l’État. La fragilité du pouvoir n’est, dans ces contextes, vue que de post-facto. Il ne serait pas illogique de dire que les militaires avaient au préalable des préférences, voir des revendications qu’ils ont tues parce que le régime les en obligeait.

Pour finir, une des dernières caractéristiques que je mentionnerai serait la non-prévisibilité de l’onde de choc des mécontentements populaire. Il est très difficile de savoir si la révolte sera uniquement régionale ou touchera le pays dans son ensemble. Il est à noter que les révolutions arabes s’inscrivent, en général, dans le cadre de revendications pour un changement de régime, arrivent à la fin d’un règne et sont le syndrome de la modernité : La recherche intrinsèque d’une certaine liberté sociale. Ceci dit, dans le cas de la Libye, s’agissant d’une société à la tête de la laquelle se trouve un régime autoritaire, le peuple – encore d’avantage qu’en Tunisie – tend à dissimuler tout ce qui pouvait s’opposer au régime. Ainsi, les révolutions arabes sont propices à la contagion et ont tendance à « actualiser » l’effet Tocqueville. En d’autres termes, ces révolutions naissent de la frustration citoyenne ayant des revendications importantes et qui tend à se développer plus vite que les avantages individuels de chacun de ses membres. L’autoritarisme de ces régimes ne fait qu’accentuer le besoin de ne pas « rater le train ».

Par la suite, je l’ai mentionné un peu plus haut, il est très difficile de prédire une révolution. L’effet surprise est inhérent au principe d’une révolution même. La Libye, qui semblait stable était rongée par des problèmes sociaux importants et autant la communauté internationale que les libyens même était aveuglés par cette stabilité. Pour finir, les révolutions arabes ont un effet modulaire, dans la mesure où la réussite de l’autre est un exemple pour soit. Ceci dit, je pense que ce qui explique la trajectoire qu’a prise cette révolution se trouve principalement dans le fait qu’un processus révolutionnaire dans un cas ne préjuge pas d’une diffusion réussie d’un cas analogue.

Les causes du conflit libyen ne sont pas récentes. Si elles se définissent comme une contagion des révolutions arabes, elles sont néanmoins tributaires d’une crise importante de l’État. La jeunesse revendiquait, ainsi moins de corruption (la Libye classé 146ième pays sur 180 pays les plus corrompus, par Transparency International), plus d’emploi (30% de sans-emplois), une hausse du salaire moyen et une liberté de presse plus concrète. Le problème était ancien et passé sous silence. L’aspect modulaire des révolutions arabes, accentué par la situation propre à la Libye (mentionnée plus haut), n’était que le phénomène propulseur de cette révolution.



2 réactions


  • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 20 mai 2011 16:34

    En attendant Khadafi a dit qu’il allait buter les insurgés, rue par rue et maison par maison : c’est une déclaration d’intention de génocide !

    Je parie qu’en plus vous êtes hostile aux Israeliens alors qu’ils font nettement moins de dégâts !

    Que Khadafi retire ses troupes et il n’y aura plus de morts !


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 20 mai 2011 22:06

      *ça va faire un peu cliché ce que je vais dire*

      Il semble qu’il y ait une conception assez théâtrale de l’exercice du pouvoir parmis certains dirigeants. Peut-être aussi le côté matamore méditerranéen de la sardine qui a bouché le port de Marseille.
      Khadafi est l’incarnation même de ça (voir les costumes, les poses, les lunettes noires, les pin’s, etc...)
      Quand les frappes ont débuté, il a aussi annoncé qu’il allait « mettre le feu à la Méditerrannée ». Ce n’était guère crédible. De même quand la coalition sous direction US a attaqué l’Irak en 1991, Saddam Hussein prédisait un cataclysme. Je ne pense pas qu’il le croyait lui-même.

      Alors quand Khadafi promettait le feu et le sang aux insurgés, fallait-il le prendre au pied de la lettre ?
      Personnellement je n’en suis pas si sûr.
      Alors on peut dire : « Hitler dans Mein Kampf promettait l’extermination des Juifs et il l’a vraiment fait ». C’est vrai. Les Allemands sont surement moins matamores que des méditerranéens et ils en disent moins mais il le font (quand je vous disais que j’allait sortir des clichés !). Il y a sans doute un côté performatif plus développé chez un Khadafi : je le dis alors c’est presque comme si c’était fait.

      Bon cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas le prendre au sérieux, car sous ses airs de bouffon, il y a une grande cohérence du personnage.

      En fait on aurait pu penser que nos dirigeants étaient mieux informés que nous, pour se précipiter dans une guerre aérienne visant à destituer un leader qui tient fermement la barque depuis quand même 40 ans.
      Toute cette opération, au final, et navré pour les adeptes de la théorie du complot des méchants occidentaux néo colonialistes, pue l’amateurisme à plein nez.


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