vendredi 22 janvier 2021 - par Alain Roumestand

Les Etats-Unis de Joseph Robinette Biden Junior

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Image emblèmatique de l'investiture de Joe Biden, 46ème président des USA : dans l'immense cimetière d'Arlington le président élu en compagnie des présidents Barack Obama, Georges W. Bush, Bill Clinton. Preuve s'il en est que la démocratie américaine est toujours bien vivante et que les USA qu'on donne régulièrement en passe de perdre leur leadership mondial, restent la grande puissance qui compte.

Joe Biden qui a recueilli 81 millions de voix et succède au président Donald Trump avec ses 74 millions de voix, va devoir faire face à des enjeux mondiaux particulièrement difficiles à gérer : nucléarisation de l'Iran, missiles intercontinentaux de la Corée du Nord, concurrence exacerbée de la Chine communiste, volonté de la Russie de retrouver la puissance passée. Et la crise pandémique mondiale, qui dure depuis un an déjà, est un facteur de déstabilisation puissant par les dégâts humains, sociaux, économiques qu'elle engendre dans toutes les nations, à des degrés divers.

Il va falloir au président investi et à ses équipes beaucoup de doigté, d'intelligence anticipatrice, de travail patient pour diriger le pays dans un monde qui a profondément changé pendant les 4 années du mandat très controversé mais très actif, de Donald Trump.

Le président Biden se trouve en effet dans un pays où se font face 2 nations qui se détestent, qui ne se comprennent absolument pas. Cette opposition n'a pas été créée par Donald Trump. Elle date d'une quinzaine d'années. Qu'on se rappelle Sarah Palin la candidate à la vice-présidence, en ticket avec le républicain John McCain ; qu'on se rappelle les thèmes du Tea Party. Cette opposition a pour causes essentielles l'évolution démographique du pays (la population blanche se trouvant concurrencée par les populations afro-américaine et hispano-américaine), les inégalités croissantes qui entraînent l'émergence d'un populisme basique, une économie mondialisée, une dette de l'État et des États que les économistes évaluent en 2040 à 200% du PNB. Les institutions (une même Constitution depuis près de 2 siècles 1/2) ne fonctionnent plus efficacement et l'équilibre entre le pouvoir fédéral et le pouvoir des États est perverti. Les classes moyennes ne se retrouvent plus dans les "élites" proclamées de Washington qui leur font peur.

Donald Trump par son énergie déstabilisatrice, pas seulement "twitterielle", a fédéré ces mécontentements en proclamant "Make America Great Again". Le président Obama reconnaît lui-même qu'il avait bien vu ce mouvement grandir pendant ses 2 mandats, mais qu'il n'avait pas trouvé de réponse efficace et capable de renverser la vapeur.

Le président Biden va devoir proposer un nouveau projet de société, pour restructurer la société américaine. Tout en sachant que le trumpisme va tout naturellement survivre à la défaite électorale du président Trump. Même si le désormais "ex président" doit répondre de ses actes, jugés illégaux par le parti démocrate, dans des procès politiques ou financiers. Le président Biden et son administration qui ressemble beaucoup à celle de Barack Obama savent que les 2 mandats Obama n'ont pas bien fonctionné et n'ont pas réussi à changer fondamentalement le sort de millions d'Américains déclassés. Les fractures doivent donc être traitées, car l'Amérique s'est durcie, les divisions sont devenues très fortes.

Lutte contre la pandémie, plan de relance, politique d'immigration sont donc à l'agenda immédiat de Joe Biden qui doit aussi prendre en compte les questions internationales qui concernent au plus haut point la première puissance mondiale, comme l'avait fait d'ailleurs Donald Trump son prédécesseur, avec un autre éclairage idéologique et pragmatique. L'international et ses enjeux impactent largement la vie des américains et pas seulement pour l'emploi et la croissance...

Les USA savent qu'il leur faut compter avec un monde en mutation constante et dans une inédite et gravissime crise pandémique. De nouvelles entités doivent être prises en compte en dehors des classiques Chine, Russie : l'Inde, la Turquie, l'Indonésie..., sans oublier l'Afrique et l'Amérique latine, prennent de plus en plus de place sur l'échiquier mondial. Le monde est multipolaire mais il est aussi entré dans une nouvelle ère de politique de force, de puissance et de démonstration de cette puissance. Pour conserver des lieux de discussions et de prises de décision au niveau mondial, les USA devraient proposer une réforme, dans la complémentarité des participants, d'organisations objets de critiques de la précédente mandature, comme l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), l'OIT (Organisation Internationale du Travail), le FMI (Fonds Monétaire International).

Le nouveau secrétaire d'État Antony Blinken a annoncé que la fermeté envers la Chine et les sanctions tarifaires édictées par l'administration Trump resteront de mise. Pour les démocrates comme pour les républicains l'envol économique de la Chine n'est pas irréversible. La Chine rencontre en effet un grave problème démographique, un défaut de gouvernance avec la corruption et une grande vulnérabilité par rapport à l'extérieur. La Chine, pour la nouvelle administration, peut être un partenaire dans la lutte contre le changement climatique, mais elle reste toujours un rival systémique, une puissance à repousser pour garder le leadership mondial des USA. Là se trouve la nouvelle guerre froide.

Pour ce qui concerne la Russie, protagoniste d'une autre guerre froide plus ancienne, l'administration Biden va sans aucun doute prolonger le traité Start 2 signé par Obama en son temps et expirant au mois de février. De même les traités sur les "forces nucléaires intermédiaires" et "à ciel ouvert" devraient être l'objet de l'intérêt immédiat des autorités. Pour le premier traité il faudra gérer l'héritage de Trump qui s'était retiré et pour le deuxième traité il faudra intégrer le voeu de la Russie de se retirer. La complexification des armes nucléaires nouvelles devrait entraîner des négociations larges avec tous les pays concernés : Inde, Pakistan, Chine, France, Grande-Bretagne.

Les démocrates sont aussi obligés de reconnaître que Trump a été, depuis le président Carter, le premier président à ne commencer aucune guerre et ils devraient suivre cette ligne non belliqueuse, alors que depuis des décennies les USA n'ont pas gagné une seule guerre.

Ils notent également que vis-à-vis du Mexique ou du Canada l'administration Trump a pris des initiatives positives et qu'il faut continuer l'action en profondeur.

La nouvelle administration démocrate pense d'ores et déjà à profiter des relations renouées par Trump avec Kim Jong Un, pour signer enfin un traité de paix avec la Corée du Nord, toujours en guerre avec les USA depuis 1953.

Le nouveau secrétaire d'État déjà cité et John Kerry qui a été un des artisans de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran, accord dénoncé par Trump, souhaitent aller plus loin. Et au-delà du traité de 2015 ils souhaitent replacer l'Iran dans un environnement régional plus positif.

Donald Trump a réussi au Moyen-Orient à dégripper la situation avec un réel rapprochement d'Israël, des Emirats arabes unis, de Bahrein. Joe Biden ne remettra pas en cause les avancées, de même l'ambassade des USA en Israël restera à Jérusalem.

Du pain sur la planche donc, tant au plan intérieur qu'au plan extérieur, pour Joe Biden qui, lorsqu'il était vice-président d'Obama, se montrait très actif en politique internationale, peu enclin à suivre des politiques aventuristes, loin de tout maximalisme, pondérant même son président. Insistant sur la nécessité d'avoir des alliés solides et de les utiliser au mieux des intérêts américains.

Face à ce programme d'activités dantesque, les observateurs, spécialistes les mieux informés taisent tous un élément qu'ils ont tous en tête, l'âge du président Biden, malgré toutes ses qualités passées : 78 ans. Et ce n'est pas un petit problème...




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