jeudi 2 juin 2016 - par MUSAVULI

Les Génocides des Congolais – De Léopold II à Paul Kagame

Que se passe-t-il dans l’Est du Congo depuis deux décennies ? Pourquoi ces massacres récurrents ? Comment les qualifier ? Qui sont les acteurs immédiats et les forces de l’ombre ? Pourquoi peuvent-ils se livrer à des crimes aussi graves, pendant si longtemps, sans être inquiétés par la justice ? Pourquoi la Cour pénale internationale reste-t-elle muette ? Pourquoi le projet de création d’un Tribunal pénal international pour le Congo s’est-il enlisé ? Qui sont derrière les massacres de Beni, vingt ans après les grands massacres de 1996-2003 ? Pourquoi la communauté internationale reste-telle aphone sur une élimination des populations à une échelle aussi apocalyptique ?

« LES GÉNOCIDES DES CONGOLAIS », ouvrage disponible sur ce lien, revisite les vingt dernières années de la guerre atroce menée contre le Congo et ses populations depuis 1996, avec le Rwanda de Paul Kagame pour base-arrière. Il décrit ce qu’est cette guerre, en réalité, une entreprise transnationale de prédation de deux types : une prédation économique consistant à l’accaparement des ressources du pays par une coalition des forces transnationales opérant derrière le Rwanda et une prédation de type génocidaire consistant à l’élimination des populations congolaises par des massacres, des assassinats, des déplacements forcés et des viols utilisés comme arme de guerre. En 2016, cette entreprise transnationale de prédation rentre dans ses vingt ans. Elle a causé la mort de six à dix millions de Congolais, occasionné le viol d’un demi-million de femmes, mais reste toujours mal comprise en raison de mécanismes de brouillage des pistes notamment derrière des « rébellions » et de mystérieux « groupes armés » créées et pilotés par Kigali, Kampala et leurs parrains en Occident.

Dans une démarche combinant trois approches contiguës de la géostratégie internationale, de la géopolitique régionale et le décryptage des ambitions ethno-régionales des élites au pouvoir à Kigali et Kampala, l’ouvrage met en perspective le tournant de la politique des puissances anglo-saxonnes (Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada) dans la région des Grands-Lacs, après la chute du Mur de Berlin (1989). Il analyse les ambitions ethno-hégémoniques du président rwandais Paul Kagame sur le Congo et une forme de mise sous tutelle de la RDC par Kigali derrière le régime actuel de Kinshasa. Il décrit les enjeux économiques autour du pillage des ressources minières du Congo, dont le coltan, un minerai indispensable à l’industrie des produits électroniques (téléphones portables, ordinateurs, consoles de jeu,…) et rappelle les points de similitude entre l’élimination des populations congolaises depuis les vingt dernières années et la tragédie du début du siècle dernier lorsque le Congo était sous l’administration du roi des Belges, Léopold II, avec pour enjeux le caoutchouc.

Après avoir mis en lumière les impasses dans lesquelles se trouve la question de la justice pour les innombrables victimes et leurs familles, l’ouvrage se veut être un appel pour la création d’un tribunal pénal international pour le Congo.

Boniface MUSAVULI est diplômé de l’Université Lumière Lyon II en France (Faculté de droit). Militant des droits de l’homme et ancien de l’ASADHO (Association africaine de défense des droits de l’homme), il est un membre actif du Think Tank DESC-WONDO spécialisé dans l’analyse des questions de défense en RD Congo et dans la région des Grands Lacs.



9 réactions


  • asterix asterix 2 juin 2016 18:45

    Bonjour Musavuli,

    Comme tu n’es pas très explicite sur les massacres qu’on attribue, à tort ou à raison à Léopold II, voici un article bien informé dont l’auteur ne partage pas tes positions. Je ne sais pas laquelle des deux adopter, mais il me semble utile pour les lecteurs d’avoir plusieurs sons de cloche pour se faire une opinion et non pas en accepter une par simple commune renommée :
    http://www.lalibre.be/debats/opinions/non-leopold-ii-n-est-pas-un-genocidaire-567922033570ed3894b6608a
    En espérant contribuer ainsi au débat sur une période mal connue du Congo et ce d’autant plus qu’il n’y a pas de trace écrite d’un témoignage autre que celui du colonisateur blanc.
    Bien à toi, tu sais que je partage ton combat sur le sens des temps présents, là où il y a et où il y aura des traces qui serviront à établir l’Histoire d’un peuple, de plusieurs peuples réunis sous le même drapeau par un caprice de celui qui en était le propriétaire avant d’en faire don à l’état belge.


    • MUSAVULI MUSAVULI 2 juin 2016 21:15

      @asterix,
      Cet article traduit la lecture de cette période par Jean Stangers. D’autres chercheurs se sont, eux aussi, penché sur cette période et ont une lecture moins accommodante avec l’ancien souverain belge. Mon ouvrage apporte une autre lecture de la situation puisqu’il s’agit, non seulement d’un travail de recherche rigoureusement documenté, mais surtout de l’expression d’une sensibilité proche des victimes concernées. Une des erreurs dans la démarche de compréhension des génocides, c’est de chercher à s’accorder avec des « spécialistes » à l’autre bout du monde et méconnaître ce que ressentent les communautés ravagées. L’accès au savoir a, heureusement, permis aux populations indigènes de produire, elles aussi, des chercheurs capables d’apporter un autre son de cloche. Plus globalement, la question de savoir à quel niveau se situait la responsabilité de Léopold II, dans ces atrocités, aurait été tranché si l’idée de création d’un tribunal sur le Congo, comme le réclamait Ed Morel, avait abouti. Dans mon ouvrage, je relance la même demande au sujet des atrocités que subissent les Congolais depuis les vingt dernières années. 


  • asterix asterix 2 juin 2016 19:06

    Tu constateras comme moi que ce qui était une contribution externe d’un jour à un journal belge a donné lieu à plus de 150 réactions, ce qui prouve à tout le moins que la Belgique n’est et sera sans doute à jamais sensible à la situation passée et présente de ce qui fut sa colonie. En faisant l’effort de remettre les choses dans le concept de l’époque, il est sûr qu’elle n’a pas été et de loin, une des pires colonisatrices et vous a livré, lors de votre indépendance en 1960, un pays africain moderne et doté d’infrastructures administratives, sociales, hospitalières et de transports à nulles autres pareilles. Ceci sans doute parce qu’elle était trop petite pour mettre ton pays entièrement sous coupe, ce que se sont chargés de faire les USA, le Rwanda et Kabila fils qui n’est pas celui de son père. Merci d’en tenir compte, le Belge ne fut pas ce que fut le Turc vis à vis de l’Arménien. Quelque part, les liens tissés le resteront et ils ne sont pas nécessairement toujours négatifs. Si l’on doit se mettre à votre place, vous devriez également vous mettre à la nôtre.
    Vive le Congo libéré de ses démons.


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 3 juin 2016 09:21

    Bonjour l’auteur,
    vous devriez en débattre avec Sonia Rolland, qui présentait un reportage dithyrambique sur le Rwanda de Paul Kagamé, diffusé récemment sur LCP France O
    http://www.lcp.fr/emissions/droit-de-suite/273442-rwanda-lhistoire-dune-reconstruction


    • MUSAVULI MUSAVULI 3 juin 2016 11:37

      @Olivier Perriet,

      Je pense qu’elle ne maîtrise pas la complexité des enjeux de la région des Grands Lacs. Débattre avec elle n’aurait aucun intérêt pour les gens qui veulent comprendre ce qui se passe dans la région depuis les années 1990. 

    • Nobodyknows (---.---.177.118) 8 juin 2016 23:30

      @MUSAVULI Lu et approuvé. Et, en fait, il n’y a pire aveugle que qui ne veut rien voir...


  • Historicus (---.---.32.143) 15 juin 2016 18:23

    Il est frappant de voir cette persistance de vouloir ratacher la période léopoldienne à un concept juridique forgé en 1944 par Lemkin et utilisé pour la première fois par Ferencz en 1947, avant d’être formalisé par l’ONU en 1948.

    Les thèses de doctorat les plus récentes - autant en histoire qu’en démographie - montrent d’une part les actions du gouvernement de l’EIC pour limiter les violences dans l’exploitation du caoutchouc et ce y compris dans les actions judiciaires et d’autre part que l’élimination de 10 millions d’habitants ne tient pas au regard des modèles démographiques, puisqu’alors les espérances de vie ne dépasseraient pas 4 et 5 ans sur une période courant de 1885 à 1908. Et si on relit la prédace d’Edmund Morel au livre de Twain, on remarque que même l’adversaire le plus acharné du roi des Belges rejette l’allégation d’autant de morts.

    • MUSAVULI MUSAVULI 1er juillet 2016 04:16

      @Historicus, si vous m’aviez lu, nous pourrions en discuter en toute sérénité. L’ouvrage est toujours en vente. 


  • Adelin REMY 19 août 2017 11:59

    Le prétendu  »génocide" de="de" millions="millions" congolais="congolais" par="par" le="le" roi="roi" belge="belge" ii="ii" est="est" une="une" affirmation="affirmation">span>Joseph Ki-Zerbo, le meilleur historien africain qui ne peut être soupçonné de sympathie pour les régimes coloniaux, écrit quil y avait 43.500 travailleurs congolais dans l’industrie du caoutchouc en 1903, une des années de production maximale. Il est impossible de comparer ces 43.500 travailleurs avec le chiffre totalement extravagant de 10 millions, soit 435.000 morts par an ou 1.200 morts par jour, pour une population de maximum 1.500 Européens en 1906.
     »Il est tout à fait naturel de préférer les mensonges aux vérités. Ils sont moins compliqués.">


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