samedi 6 août 2011 - par Mohamed Takadoum

Maroc-Algérie : je t’aime, moi non plus

 Le roi Mohammed VI du Maroc a encore demandé samedi le 30/07/2011 la réouverture des frontières terrestres de son pays avec l’Algérie fermées avant son accession au trône et a appelé à une normalisation des relations entre Rabat et Alger. En effet, les frontières terrestres entre les deux pays voisins du Maghreb avaient été fermées en 1994, suite à un attentat terroriste perpétré à Marrakech (sud du Maroc) dans lequel des touristes espagnols avaient été tués et dont les autorités marocaines avaient imputé à l’époque la responsabilité aux services secrets algériens. En réalité ces frontières et ce depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 ont été plus fermées qu’ouvertes. Elles n’ont été ouvertes que de 1963 à 1974 et de 1975 à 1994. 

Pour le roi ‘Nous tenons à l’amorce d’une nouvelle dynamique ouverte sur le règlement de tous les problèmes en suspens, en prélude à une normalisation totale des relations bilatérales (…) y compris la réouverture des frontières terrestres’, a souligné Mohammed VI, dans son discours du trône.

‘Cette démarche exclut tout immobilisme ou ostracisme incompatible avec les liens de bon voisinage, l’impératif d’intégration maghrébine et avec les attentes de la communauté internationale et de notre espace régional’, a-t-il ajouté.

Réactions au discours du Roi
 
La demande du roi n’a trouvé jusqu'à présent aucun échos de la part des autorités algériennes si l’on exclut celle de M Kassa Aissi, porte-parole du Front de libération nationale (FLN), “Ce type de réaction intervient toujours comme des effets d’annonce mais sans rien de concret”, a-t-il affirmé en rappelant que c’étaient les Marocains qui avaient “décidé de fermer” la frontière terrestre commune des deux pays.
 
L’accueil réservé à cette demande du roi par la presse algérienne a été pour le moins mitigé voire franchement hostile. “La question des frontières est perçue comme un échappatoire aux difficultés socio-économiques du Maroc”, a affirme le journal Liberté qui ne parle du sujet que dans ses pages intérieures.
 
Pour Le Soir d’Algérie, le même thème est souligné : “Mohammed VI ou l’obsession des frontières”, titre-t-il aussi en page intérieure.
 
“Ce qui est nouveau en revanche, c’est sa volonté affichée de régler préalablement tous les problèmes en suspens”, relève Le Soir tout comme son confrère Liberté, et c’est d’ailleurs la position d’Alger selon les deux quotidiens.
 
Quant au Moudjahid, le journal du FLN, il se contente de publier en dernière page le message de félicitations adressé par le président Abdelaziz Bouteflika au souverain marocain pour le 12e anniversaire.
 
Par contre le quotidien d’Oran accueille avec satisfaction le discours du roi. En effet pour ce journal « Il n'est pas rare d'entendre en Algérie l'argument selon lequel l'ouverture de la frontière occidentale ne bénéficierait qu'au Maroc et se ferait au détriment de l'économie du pays. Faut-il répondre que la frontière algéro-marocaine n'a pas été fermée de toute éternité ? Et que le sort de l'économie algérienne ne dépend pas d'une frontière close mais de sa capacité à produire, à créer de la richesse, à innover et à bien former les générations montantes ? » Un peu plus loin le journal ajoute « Mais si l'on se place dans une perspective plus longue, le déséquilibre n'est plus aussi patent. Sur le fond, en quoi importer de Tunisie ou du Maroc ce que nous importons de toute façon d'Europe ou d'Asie devrait pénaliser l'économie algérienne ? ».
 
En fait, les réactions de la presse algérienne résument assez bien la position d’Alger sur cette question : l’économie algérienne n’a rien à gagner de l’ouverture de cette frontière qui bénéficiera surtout à l’économie marocaine en plus des problèmes au trafic de drogue.
 
Du coté marocain c’est un autre son de cloche qui est avancé.
 
La fermeture des frontières n’a pas entravé le développement de la région de l’orientale du Maroc bien au contraire. En effet, les agents d’autorité (walis et gouverneurs) qui se sont succédé sur cette région se croisaient les bras en attendant l’ouverture des frontières. Or cette politique a bien changé depuis l’avènement de Mohammed VI ; la région de l’orientale du Maroc fréquemment visité par le roi (au moins une fois par an) est devenue un pôle de développement du pays (station balnéaire de Saadia, réhabilitations urbaines, autoroute Fès Oujda et rocade méditerranéenne-Tanger Oujda-, desserte ferroviaire Nador Berkane, Port de Nador, Agricole de Berkane, Zones Industrielles, développement universitaire etc…. Des projets importants sont en cours de réalisation dans la région comme le méga projet touristique de Nador.).
 
Concernant le tourisme ? Le Maroc reçoit prés de 10 millions de touristes et prévoit d’en recevoir 20 millions en 2020.
 
Quand à la contrebande et autres trafics ; ils fleurissent lorsque les frontières sont fermées et qu’il n’y a pas de coopération sécuritaire et douanière entre les deux pays ce qui est le cas.
 
C’est donc sur le plan humain que l’ouverture de cette frontière est une nécessité pour les deux pays qui ne peuvent plus continuer à se tourner le dos.
 
Pour comprendre pourquoi cette frontière a été plus fermée qu’ouverte, il faut rappeler que les relations tumultueuses entre les deux pays sont le fruit d’un lourd passé qui a engendré des méfiances et des rancunes entre les deux pays. 
 
Le passif historique.
 
En effet, les relations tumultueuses entre Rabat et Alger ont pour objet un passif historique perçu différemment dans les deux pays. Cette incompréhension remonte à la colonisation de l'Algérie et la résistance menée par l'Emir Abdelkader. En effet Moulay Abderrahmane - sultan du Maroc à l'époque- avait soutenu le chef de la résistance algérienne l'Emir Abd el-Kader contre la colonisation française. De ce fait, un conflit a éclaté entre l'armée français et l'armée marocaine conduite par le Sultan Moulay Abderrahmane. Cette bataille s'est terminée par la défaite de cette dernière à Isly (14 août 1844). Par le traité de paix qui lui était imposé, le Sultan reconnut la présence française en Algérie et s'engagea par conséquent à ne plus soutenir l'Emir Abdelkader lequel après avoir mené une guérilla se rendit aux Français.
 
Pour les Algériens, c'était une trahison du sultan du Maroc, mais pour les Marocains au contraire, la bataille d'Isly qui s'est soldée pour le Maroc par la perte de 800 hommes est un signe de solidarité dont les conséquences furent lourdes pour le pays : un tracé des frontières imposé par la France, l'affaiblissement du Pays qui a conduit à la perte de Tétouan en 1860 au profit de l'Espagne et un peu plus tard à la partition du Maroc entre la France et l'Espagne.
Pendant l'occupation française de l'Algérie, la France a annexé de larges portions du territoire marocain notamment en 1900 et 1901. A l'indépendance du Maroc, Mohammed V a refusé l'offre de la France de restituer ces territoires en contrepartie de ne plus héberger les combattants du FLN. Le roi Mohammed V voyait cette proposition comme un « coup de poignard dans le dos » des « frères algériens » et parvint séparément à un accord le 6 juillet 1961 avec le chef du Gouvernement provisoire de la République algérienne, Ferhat Abbas.
 
A leur indépendance les autorités algériennes ont refusé de discuter du sujet alors même que lors du référendum d'indépendance en Algérie, les habitants de Tindouf indiquaient sur leur bulletin : « OUI à l'indépendance, mais nous sommes marocains »  Ceci entraina les deux pays dans une guerre en 1963.
 
Les conséquences de cette guerre pour les deux pays étaient lourdes. Les deux régimes ne se sont vraiment jamais réconciliés depuis. Alger a toujours reproché à Rabat cette guerre ce qui l'a entrainé à vouloir déstabiliser le régime marocain de Hassan2 par opposants interposés. Cela s'est aussi traduit par l'expulsion de 350 000 ressortissants marocains établis en Algérie dans des conditions souvent inhumaines. Les autorités algériennes reprochent de leur coté aux marocains d’avoir en 1973 dépossédés sans indemnisations  des algériens des terres acquis au Maroc. 
 
Enfin la création du Polisario au départ un mouvement de libération du Sahara sous occupation espagnole sous l'égide du Maroc et qui va être rapidement instrumentalisé par Alger contre son voisin de l’Est.
 
Le dégel ?
 
Ou en sont les relations aujourd’hui. Sur le plan humain le Maroc est la deuxiéme destination touristique préférée des algériens en 2011 après la Turquie. Ceux ci sont obligés de prendre l’avion cependant. Sur le plan officiel, les deux pays ont échangés des ministres en 2011. La ministre de l’énergie marocaine a visité l’Algérie et le ministre algérien de l’agriculture le Maroc en 2011.
 
L'Algérie fournira du gaz naturel  au Maroc à compter du mois de septembre, aux termes d'un accord conclu récemment.
 
Cet accord prévoit la fourniture de 640 millions de mètres cubes de gaz par an à deux centrales électriques hybrides : Aïn Beni Mathar à Jerada, près de la frontière algérienne, et la centrale de Tahaddart, près de Tanger. Ce gaz transitera par le gazoduc Pedro Duran Farell qui relie les champs gaziers de Hassi R'mel à l'Espagne, via le Maroc.
 
A signaler que sur le plan électrique, les deux pays sont connectés et connectés à l’Europe via une liaison entre le Maroc et l’Espagne. Le courant donc passe la frontière terrestre mais pas les hommes.
 
Sur le plan des infrastructures, les deux pays ont préparé l’ouverture éventuelle des frontières. Du coté marocain, l’autoroute Oujda (ville frontalière)- Fez 371 km a été mise en service au mois de juillet de cette année. Cette liaison connectera la ville au réseau autoroutier marocain. Par ailleurs, la rocade méditerranéenne dont le dernier tronçon est en cours d’achèvement reliera Tanger sur l’atlantique à la ville d’Oujda.
 
Du coté algérien l'autoroute Est Ouest en cours d’achèvement prévoit une bretelle jusqu'à la frontière algéro marocaine. 
 
Conclusion :
 
Ce n’est pas seulement une histoire d’ouverture des frontières, c’est une histoire d’ouverture des esprits. Eponger le passé historique en le laissant aux historiens et en gager un partenariat économique (gagnant- gagnant) est la solution. Le rôle de la société civile et des citoyens est de s’emparer de cette question pour faire avancer les mentalités sur ce qui rapproche les deux pays. L’Algérie est un pays riche mais fragile économiquement. Elle importe. 75% de ses besoins, les exportations hors hydrocarbures ne représentent que 2 à 3%. Le Maroc est pauvre comparativement mais n’est pas fragile économiquement puisque son PIB a doublé en 10 ans avec une progression annuelle de prés 5% grâce à la diversification de son économie ; les phosphates principale richesse du pays ne représente que le quart de ses exportations.
 
L’Algérie doit s’ouvrir sur les autres pays pas seulement le Maroc pour que son secteur privé se développe et réalise la diversification nécessaire de son économie. Le secteur privé ne se développera pas s’il n’est pas confronté à la concurrence étrangère. Il faut des étapes, des lois et des règlements mais l’ouverture est une nécessité économique et il faut agir tout de suit. Des économistes algériens ne cessent y compris sur ce site de demander l’ouverture et la diversification de l’économie algérienne.



13 réactions


  • mek123 6 août 2011 15:10

    les algérien on raison de ne peut ouvrir la frontière,
    le roi leur laiche les bote pour qu’il puisse importé du gaz est pétrole gratuitement,

    j’ai remarqué que toute tes article était plus au moins flatteur pour le roi. a mon avis tu doit être payer ou une petite main du pallait est en plus tu vient juste de t’inscrire.


  •  Mohamed Takadoum Bouliq 6 août 2011 16:03

    Vous n’allez pas m’entrainer dans le décompte de qui a fait quoi.
    L’article fait en grande partie ce décompte mais c’est pas but de l’article. Je l’ai bien dit dans la conclusion.
    « Ce n’est pas seulement une histoire d’ouverture des frontières, c’est une histoire d’ouverture des esprits ». On en plein dedans avec votre intervention.


    • mamouda 7 août 2011 03:07

      plein dans le mil, je me demande pourquoi on reste tout le temps prisonnier du passé et se jeter les responsabilités, il faut noter que le monde change et évolue, l’Europe bat de l’aile, les réserves de gaz et de pétrole s’épuisent. le marché de l’agroalimentaire connait une inflation sans précédant. et toute l’alimentation algérienne est importé de l’europe et de l’aise. quand au Maroc il importe ces carburants du moyens orient. alors i l’est temps de réfléchir profondément et laisser de coté nos différences . enfin de compte c’est le peuple qui paie les frais des oligarques des deux pays.


    •  Mohamed Takadoum Bouliq 7 août 2011 14:25


      Merci, c’est le type de réaction que je voulais avoir en rédigeant cet article. Des réactions qui vont dans le sens de faire retrouver ces deux peuples qui ont tant de choses en commnu mais qui continent à se tourner le dos. 


    •  Mohamed Takadoum Bouliq 7 août 2011 20:00

      Vous n’avez certainement pas  bien lu l’article ou vous ne l’avez tout simplement pas lu. Dans ce dernier cas, vos commentaires sont sans objet.

       Si vous l’avez lu vous avez certainement vu que  lorsque Mohammed VI a succédé à son père, les frontières étaient déjà fermées et que les problèmes évoqués dans l’article existaient déjà.

       Le problème du Sahara Occidentale est un problème qui relève des Nations Unies qu’est ce que l’Algérie a  avoir la dedans. En tout cas officiellement elle dit que ce n’est pas son affaire.

       Ici nous parlons de relations bilatérales. En d’autres termes, les deux problèmes qui restent en suspens entre les deux pays et je les ai évoqués dans l’article restent : l’indemnisation des 350 000 marocains chassés d’Algérie en 1975 et les propriétaires terriens algériens nationalisés au Maroc en 1973.     


  • Plum’ 7 août 2011 09:49

    >>>Enfin la création du Polisario au départ un mouvement de libération du Sahara sous occupation espagnole sous l’égide du Maroc et qui va être rapidement instrumentalisé par Alger contre son voisin de l’Est.<<<

    Hum, et l’invasion de ce territoire par le Maroc n’est sûrement qu’un détail... Le parti-pris est flagrant.


    •  Mohamed Takadoum Bouliq 7 août 2011 14:06

       Parti pris flagrant : lisez l’article objet du lien et vous comprendrez.. Il renvoit à un autre article assez long il est vrai mais il faut le lire à mon avis.
      Il y a tout l’historique de ce mouvement avec justement son instrumentalisation d’abord par la Libye de Kadhafi en conflit à l’époque avec le régime de Hassan 2 et ensuite par l’Algérie de Boumedienne et de Bouteflika son ministre des affaires étrangères de l’époque.


    • Plum’ 8 août 2011 23:49

      Je l’ai lu et c’est pour ça que je parle de parti-pris flagrant. Ce n’est pas inintéressant, mais guère convaincant tant c’est partial. L’auto-détermination du peuple Sahraoui n’y est pas du tout de mise, par exemple.


    •  Mohamed Takadoum Bouliq 9 août 2011 02:27

      C’est votre point de vue et je le respecte bien entendu. Pour moi en tout il n’est pas partial car il retrace l’historique du Polisario racontée par des gens qui avaient assisté à sa naissance.


  • Png persona-nongrata 8 août 2011 14:37


    @ Omar ,

     Pourquoi cette haine envers le Maroc ? Pourquoi tant de mensonges ?

    Tu devrais plutot aller demander a ton gouvernement de récupérer l’argent des algériens en centaines de milliards invertis dans les bon du trésor américain qui ne valent déjà plus rien au lieu de nous enfumer avec ton nationalisme aveugle !

    Pour le sahara pas de soucis si tu rends la Kabylie au Kabyles on fera pareil !


  • Png persona-nongrata 8 août 2011 14:40


    Lés généraux de la mort algérienne révent d’une ouverture sur l’atlantique voilà pourquoi ils s’ingérent dans les affaires marocaines !


  • ghani 8 août 2011 17:59

    Pour mettre fin a toute ’guerre froide" entre le maroc et l’algérie, il faurait tout d’abord regler la question du sahara, sur quoi, si on s’attarde sur ce sujet, en comparant les arguments du polisario et du maroc, on remarque bien que la revendication territoriale historique du maroc est parfaitement véritable, et que les propositions d’autonomie du sahara proposé par le roi M6 a travers son ministre des affaires etrangeres taieb fassi fihri sont tout a fait pertinentes.
    Mais lorsque l’algerie affirme que ce n’est en aucun cas son affaire, elle noie le poisson car elle est l’entité principale du probleme juste apres le maroc, le polisario, pour ma part, relegué en quatrieme position apres l’ONU(espagne et co). En effet, l’aglerie participe à l’enlisement de ce probleme qui dure depuis des années, de part sa politique geo-strategique sur la region, aussi, de part sa politique interieur a travers la désinformation sur le sujet ( point commun avec l’espagne), politique mise a nue lors des evenement de laayoun en 2010.
    En somme, il est incontestable que c’est le maroc qui tend la main à son frere algerien, à travers des proposition economique comme le souligne bien bolqi nottament avec le passage du gazeoduc, proposition ayant trouvé un interlocuteur algerien receptif, mais aussi avec des propostion concretement politique avec la question des frontieres, il suffirait cette fois ci que l’interlocuteur soit tout aussi receptif afin de soigner les relation bilaterales entre ces deux pays malade depuis pres d’un demi siecle.


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