Mirage 2000 de Taïwan : à côté, une affaire étrange...
Dans un précédent article, le public français, ses élus, ses dirigeants politiques et tous les citoyens avaient été informés que Taïwan avait déjà déposé auprès de la Cour d'Arbitrage International une demande contre la France (plus précisément visant la DCNI).
Cette demande, appelée « affaire BOA » (ou dossier n° 2) est relative à des commissions interdites et des rétro-commissions illégales dans le contrat de fourniture de pièces détachées pour....les célèbres frégates Lafayette ! Une audience préliminaire doit se tenir sur ce dossier en avril 2012.
Rappelons que le dossier original (n° 1) a coûté à l'Etat français, donc aux contribuables, la somme de 630 millions d'euros.
Plus récemment encore, le même public français était informé que Taïwan avait décidé de déposer auprès de la Cour Internationale un dossier n° 3, cette fois relatif à des commissions interdites par contrat et des rétro-commissions illégales dans le dossier des Mirage 2000 fournis par la France à Taïwan suite à un contrat signé en 1992.
Il semble intéressant d'informer politiques et citoyens d'une affaire qui, sans lien direct apparent avec la plainte n° 3, liée au contrat des Mirage 2000, pourrait cependant avoir sur cette dernière quelques conséquences.

Une bien étrange affaire qui touche la haute hiérarchie de l'Armée de l'Air en 1996
L'affaire qui nous intéresse ici car elle pourrait avoir de très lourdes conséquences à divers niveaux démarre en 1996, une date à retenir par rapport aux contrats avec la France en faveur de l'Armée de l'Air de Taïwan.
Une petite fille de 5 ans est violée et tuée à Taïpei, au quartier général de l'Armée de l'Air.
Quelques jours après, le 8 septembre 1996, un soldat de 20 ans à cette époque, membre de l'Armée de l'Air, Chiang Kuo Ching, est accusé par un autre militaire, puis par des officiers de sa hiérarchie d'en être l'auteur. En octobre 1996, soumis à de violentes tortures qui brisent ce jeune homme, celui-ci, pour arrêter ses bourreaux, finit par signer des aveux alors qu'il écrit à sa famille et ses amis qu'il a été trahi et est innocent.
Jugé pour le crime en question par un Tribunal militaire, il est exécuté le 13 août 1997 d'une balle dans la nuque après avoir été endormi par une piqûre, malgré qu'aucune preuve matérielle n'ait été fournie soutenant sa culpabilité annoncée. Chiang avait juste 21 ans !
Ses parents et amis refusent ce verdict et vont se battre avec courage et dignité, appuyés par les juristes de la Fondation pour des réformes judiciaires de Taïwan, pour faire éclater la vérité.
Le dossier est réouvert en 2010 suite à cet acharnement de la famille et des amis.
Cette fois, c'est le Procureur de Taipei qui reprend le dossier à zéro, le même que pour le dossier des frégates Lafayette !
Utilisant le fichier des empreintes digitales et de l'ADN des membres de l'Armée de l'Air de l'époque avec un cheveu trouvé sur la petite fille comme élément central matériel, les enquêteurs civils arrêtent en JANVIER 2011 le véritable coupable de ce crime abominable, confondu par son ADN et diverses autres traces physiques, Hsu Jung Chou, lequel a depuis reconnu, cette fois sans torture et avec des faits vérifiés par la police scientifique, le crime.
Le 14 septembre 2011, le Tribunal Militaire annule le jugement de 1997 et blanchit totalement le jeune soldat exécuté à tort par une hiérarchie militaire qui a enfreint, pour assurer sa mort, toutes les lois et procédures en cours à l'époque
Mais, l'affaire ne s'arrête pas là.....
Les responsables-coupables doivent payer de leurs poches leur faute criminelle
Dès le verdict de blanchiment complet de Chiang rendu, la famille, les amis et la Fondation pour les réformes judiciaires de Taïwan exigent que les auteurs de cette mortelle erreur, issue de tortures et de mensonges, soient identifiés et sanctionnés.
Si, au début, un organisme de l'Etat a essayé de fermer le dossier sur la demande d'identification des auteurs de ces tortures contre un jeune soldat innocent, tout en acceptant le principe du paiement d'une réparation financière, face au scandale public et à la colère des citoyens, la Justice finit par identifier les 8 coupables, l'ancien commandant en chef de l'Armée de l'Air de l'époque, Chen Chao Min et 7 officiers supérieurs de cette arme.
Le scandale est d'autant plus fort que Chen Chao Min a été Ministre de la Défense en 2008 et 2009, après avoir, de 1992 à 2002, grimpé toute la hiérarchie militaire de l'Armée de l'Air.
L'écho populaire est donc immense et l'opinion massivement, unanimement derrière la famille de Chiang contre les tortionnaires et criminels du jeune soldat innocent.
Alors que le procès des 8 s'ouvre, ceux-ci semblent vouloir demander à l'Etat, donc aux contribuables taïwanais, de payer pour leur crime la somme de 131, 85 millions de NT$, soit environ 3,3 millions d'euros.
http://taiwaninfo.nat.gov.tw/ct.asp?xItem=178951&CtNode=458&htx_TRCategory=&mp=4
Mais, le Ministère de la Défense de Taïwan s'y oppose et demande le gel conservatoire de tous leurs biens :
http://taiwaninfo.nat.gov.tw/ct.asp?xItem=181639&CtNode=458&htx_TRCategory=&mp=4
Les juges taïwanais refusent et réfutent l'analyse des accusés et condamnent les 8 anciens hauts gradés à la saisie de tous leurs biens et comptes bancaires afin de payer la somme allouée à la famille du soldat Chiang.
http://taiwaninfo.nat.gov.tw/ct.asp?xItem=181699&ctNode=467&mp=4
Un exemple pour d'autres pays, car, à Taïwan, les responsables et coupables sont les payeurs, pas les citoyens-contribuables.
Des questions qui en appellent beaucoup d'autres......
Au delà du succès de la famille et des amis de Chiang Kuo Ching dans cette affaire sanglante, de nombreuses questions se posent en filigrane de l'affaire, questions auxquelles la Justice n'a toujours pas répondu.
La première est celle-ci : pourquoi la hiérarchie de l'Armée de l'Air à Taipei a-t-elle été si acharnée à vouloir la mort dans le déshonneur du jeune soldat Chiang ?
Car, à l'évidence, les 8 officiers reconnus coupables de tortures savaient très bien que Chiang ne pouvait être matériellement coupable.
Il leur fallait des AVEUX pour détruite son honneur d'homme et de soldat et le faire ensuite condamner à mort.
Pourquoi le soldat accusé à tort et torturé écrit-il à sa famille qu'il a été trahi par ses camarades ?
A-t-on voulu faire taire un soldat qui pouvait représenter un danger pour les hiérarques du haut commandement de l'Armée de l'Air au moment même où arrivaient à Taïwan les Mirage 2000 français avec les premiers problèmes techniques mettant en danger la vie des pilotes taîwanais ?
Est-on en face d'une réédition, dans l'Armée de l'Air, du cas du capitaine Yin dans la marine en 1993 ? Le jeune soldat a-t-il vu ou entendu des choses qu'il ne devait ni voir, ni entendre ? En ce cas, une erreur de coupable, suite à un crime horrible, aurait été la bienvenue
Ou bien a-t-on voulu protéger le véritable assassin dès le début ? Si tel est le cas, pourquoi ? Et surtout pourquoi ces tortures, cette volonté de faire de Chiang « le coupable », pourquoi cette mobilisation d'officiers de haut rang contre un jeune homme doux, calme et innocent, terrorisé par le déchaînement de violences physiques et morales ?
Mais, par dessus les hypothèses que l'on peut avancer pour le moment sur les objectifs réels des 8 responsables-coupables d'un crime de sang au nom de l'Etat, avec un innocent assassiné, il n'en reste pas moins que la société taïwanaise s'interroge sur cette hiérarchie militaire des années 1990-2000, déjà maculée du sang du capitaine Yin et par une corruption latente.
L'innocence du soldat Chiang Kuo Ching a été reconnue, c'est une bonne et utile chose.
Les responsables-coupables paieront leur crime, cela est juste et nécessaire.
Maintenant, il serait nécessaire de savoir POURQUOI 8 officiers de haut rang ont voulu ensemble la MORT d'un jeune soldat innocent du crime dont il était accusé.
Si la réponse à cette question est apportée, alors, Chiang Kuo Ching ne sera pas mort POUR RIEN.
Car il l'a écrit : IL A ETE TRAHI......