Moyen-Orient-Caucase : guerre probable à court terme avec quelques espoirs significatifs venus des États-Unis
Dans un précédent article écrit à ce sujet qui exprimait son inquiétude, tous les signaux passent à l'orange puis au rouge les uns après les autres. Compte tenu d'une perte de rationalité de plus en plus visible des élites et de l'absence d'un mouvement populaire structuré (les peuples ne se mobilisent pas ou trop peu ou trop tard), et selon la phrase célèbre de Gide, le monde sera-t-il sauvé par quelques-uns ?
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En Europe, les conflits russo-géorgien et arméno-azéris sont gelé avec tendance à l'aggravation si l'Iran rentre en guerre.
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En Syrie, grâce aux interventions étrangères, on s'installe dans la guerre civile entre partisans du parti Baas (Hasad), des kurdes, des frères musulmans, d'Al Qaïda, du clan Hariri du Liban et déborde sur le Liban, l'Irak et la Turquie, réactivant l'irrédentisme Kurde en Anatolie.
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En Iran, encerclé par les États-Unis, la situation pourrit inexorablement. L'embargo américain puis de l'UE sur le pétrole, la coupure du réseau bancaire SWIFT ne pousse pas la population à la révolte contre son gouvernement. L'Iran tisse une toile d'amitiés et de soutien dans le monde entier et vend son pétrole à la Chine qui peut tout acheter. L'embargo est inefficace mais irrite les iraniens qui ont voté une loi leur permettant le cas échéant de miner le détroit d'Ormuz, obligeant les marines américaine et anglaises à y patrouiller en permanence.
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En Israël et Palestine rien ne change ; C'est la routine de la répression.
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Au Bahreïn, la révolution noyée dans le sang (on en parle moins à la télévision) se radicalise au fil des mois au cris de « à bas le Grand Satan - les États-Unis - et vit sous un état d'urgence permanent qui ne dit pas son nom. Elle s'étend à l'Arabie Saoudite avec les manifestations à Médine et l'assassinat du Cheikh Namar Bagher al-Namar. Tout ceci surveillé de près par l'Iran.
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En Égypte, le départ de Moubarak que les États-Unis pensaient faire avaler à la place Tahir en échange d'une clique de colonels débouche sur une situation imprévue. Poussé par l'opinion publique chauffée à blanc, le nouveau président risque de dénoncer le traité de paix avec Israël et refuser l'aide américaine.
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Au Yemen, un désastre humanitaire (200 000 enfants en passe de mourir de faim) sur fond de drones américains. Tout sauf la stabilité.
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En Libye, la période de la no-fly zone triomphante BHL/Sarko, le temps est venu de voir les conséquences de l'aventure. Ce n'est pas le chaos somalien mais des fiefs féodaux réactivés : Tripolitaine, Fezzan, Cyrénaïque. Une dé-intégration limitée. Le niveau de vie s'est effondré, les armes se dispersent au Mali, Algérie, Syrie.
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L'occident n'a pas trop perdu de billes en Tunisie après des erreurs de départ grossières mais corrigées par la suite.
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Algérie : L'aventure libyenne a disséminé des groupes armées berbère et d'AlQuaïda Tunisie, Algérie, Mali. Pour éviter la contagion, l'armée algérienne doit déployer massivement ses troupes à la frontière avec la Libye et le Mali coupé en deux.
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On arrête la liste. Seul le Maghreb reste à peu près sous contrôle avec la bombe algérienne qui éclatera si le chômage et le prix de la nourriture augmentent.
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Un précédent libyen après lequel les dirigeants des pays non amis du bloc occidental savent qu'ils seront assassinés. Le message est clair au monde entier : autant se battre jusqu'au bout. Ce n'est pas Khadafi qu'ils assassinent mais le principe de souveraineté. La duplicité des occidentaux (je parle des élites évidemment) fait qu'il est impossible de leur faire confiance. La Russie et la Chine qui défendent le principe de souveraineté et qui n'assassinent pas les dirigeants extérieurs apparaissent comme de meilleurs protecteurs. Occident 0, Russie-Chine 1.
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Des formules incantatoires « toutes les options sont sur la table », « la question n'est pas de savoir si mais quand », « L'Iran à un an de la bombe » qui font office de diplomatie et les mythes de réalité.
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Le mélange des genres entre diplomatie et économie avec des embargos qui n'ont jamais prouvé leur efficacité (Cuba) mais qu'on continue indéfiniment. Le commerce mondial est déstabilisé avec des effets boomerang et pervers puis se restructure avec d'autres partenaires, créant de nouvelles solidarités commerciales puis politiques. Un embargo sur le pétrole qui se retourne contre celui qui les édicte (la partie qui a besoin de ce pétrole) et qui donne sur un plateau un pistolet chargé pour tirer là où ça fait le plus mal : l'économie et le pouvoir d'achat. Quelle est cette politique étrangère suicidaire ? M. Hollande a t-il été élu pour ça ?
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Des représailles économiques contre les pays tiers qui ne respectent pas cet embargo : ceci s'appelle un blocus et le blocus, c'est la guerre, appelant logiquement des représailles par une loi (et oui, l'Iran est un état de droit avec des lois et pas une peuplade de sauvages asiatiques) autorisant le gouvernement iranien à fermer si nécessaire le détroit d'Ormuz). Pour contrer cette menace, encore plus de navires de guerre américains accroissant encore le risque d'incident. Encore plus de dépenses de déficits, de taxes, d'endettement. Toujours ces 50 millions d'américains qui n'ont ni travail ni couverture sociale, qui vivent de bons d'alimentation. La France vit moins bien (nettement moins bien) que l'Autriche ou la Suisse neutres.
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L'aide au renversement de pays laïcs dans des pays issus de l'ancien empire ottoman qui avaient su (ce n'est pas facile) garder un délicat équilibre multiconfessionnel. Le résultat est que les chrétiens sont tués par des salafistes extrémistes et Al Quaïda. Bravo Juppé-Fabius, dignes héritiers de François premier et des capitulations donnant à la France le monopole de la protection des chrétiens au Levant. On ne peut pas faire pire.
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Le rappel d’ambassadeurs immédiatement après des massacres et avant toute enquête, jetant une suspicion légitime de coup monté prémédité. La reconnaissance de la partie rebelle dans un conflit encourageant celle-ci à l'intransigeance. Des conférences où la partie principale n'est pas invitée. Une mission de paix sabotée.
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La déstabilisation par organisations non gouvernementales (et même sans se cacher en ce qui concerne la Russie) des régimes avec qui on est censé « approfondir les relations ». Beau moyen de créer la confiance nécessaire à l'approfondissement de ces relations.
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L'appel international à ce que la Russie et la Chine « paient le prix » (pay the price) de leur opposition à la déposition du chef d'état syrien (principe de souveraineté). Les chinois qui ont apprécié ont vigoureusement protesté. Là on rentre dans la folie furieuse : la Russie a 13 000 têtes nucléaire (4000 actives), fournit en gaz l'Allemagne et l'Europe Centrale. La Chine possède des armes financières et économiques qui pourraient envoyer les économies européennes et américaines au tapis. Ce ne sont pas des républiques bananières avec lesquelles on peut jouer à l'Empire Romain. Même si Hilary Clinton est connue pour sa psychopathie et le couple Clinton entouré d'une sulfureuse liste de décès par mort violente inexpliqués, ça ne rend pas le climat international serein. En attendant, la Russie révise logiquement sa position concernant la vente de S300 à l'Iran « compte tenu de la nouvelle situation géopolitique dans le monde » ( Korotchenko ). Avec des S300 on voit pas comment les israéliens pourraient prendre le risque d'aller bombarder (ou alors très vite avant que les batteries soient livrées). La psychologie de l'ubris de l'invincibilité continue par inertie. Mais les attitudes ne sont plus rationnelles car cette invincibilité n'existe plus.
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Le bombardement de civils par drones dans un pays allié (le Pakistan) excitant la rage populaire et poussant son gouvernement à se tourner vers la Chine. 30 % de civils tués avec cette nouvelle invention qui déréalise encore un peu plus l'ennemi. Les images d'Hilary Clinton se moquant des pakistanais arrivent dans ce pays de 173 millions d'habitants et doté de l'arme atomique. Le Pakistan n'est pas Panama ou la Barbade ! Les espoirs des bombardés se tourne naturellement vers la recherche iranienne qui travaille activement à casser les codes pour être en mesure de détourner ou faire se crasher ces satanés engins.
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A l'extérieur de l'empire.
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Nous avons vu que depuis l'élection de Poutine en Russie la période Medvedev de l’accommodement avec l'Ouest est terminé. Les lignes rouges sont tracées. On en voit le résultat en Syrie. L'empire n'avance plus. Ce sera niet à chaque tentative d'aller plus loin ou la guerre. Si le bloc américaniste était rationnel, la menace de guerre serait suffisante pour l'éviter. Mais j'ai montré que ce bloc n'est plus rationnel.
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L'Iran continue sa politique habile et intelligente du bien contre le mal (secourir de bateaux américains attaqués par des pirates) sans donner de prétexte pour attaquer mais en usant la lourde machine américaine. Si l'Iran peut techniquement fermer le détroit d'Ormuz, fera-t-il ce cadeau aux américains : je ne le crois pas tant que les achats en pétrole se feront en dollars américains ; une augmentation brusque du cours du pétrole sauverait le dollar selon un scénario premier choc pétrolier de 1973 (orchestré par Bildelberg / Kissinger dans ce but). La Chine serait pénalisée. L'Iran ne fera probablement rien que de continuer à craquer les codes des drones, installer se batteries de tir au pigeon pour avions américains défectueux (F22), développer sa toile diplomatique (l'Iran n'est en rien isolé sauf dans la tête des occidentaux), renforcer sa présence médiatique par Press TV, agence Fars, organisation de conférences sur la position de la femme après les révolutions arabes (l'Arabie tremble), offrir un tapis pour la paix à l'UNESCO. Des petits actes symboliques, des pieds de nez intelligents de l'intelligence face à la force brute et mécanique.
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L'Amérique-du-Sud est en train tranquillement d'expulser les États-Unis du sous-continent. C'est un changement géopolitique majeur. L'ALBA regroupe les pays hostiles à l'Empire (Cuba, Venezuela, Bolivie, Équateur, Nicaragua, Honduras et avec pays observateurs Iran et Russie entre autres). Le MERCOSUR plus modéré (Marché commun sud-américain) a fait rentrer le Venezuela comme membre à part entière. Il devient de plus en plus opposé à la vision du monde de l'empire. Le contentieux Argentine-Malouines fait office de fédérateur.
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A l'intérieur de l'empire.
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Les pays de l'Union Européenne sont complètement alignés sur l'empire. Les espoirs qui ont pu être mis dans l'élection d'un socialiste en France on été déçus. Si l'Union Européenne traverse une crise de déliquescence, politique, économique, financière, on ne voit pas aucune force sérieuse capable d'infléchir significativement les choses. Tout est verrouillé.
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Le Vatican, qui aurait incontestablement son mot à dire (des chrétiens sont tués en Syrie par des salafistes) est en pratique hors d'état d'agir, en plein scandales du Vaticangate .
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Israël prépare quelque-chose mais quoi ? La question n'est pas si Israël agira mais où, quand et comment. La pente vers la guerre ne sera pas certainement pas inversée par Madonna qui demande au gouvernement israélien de ne pas attaquer l'Iran. Ce sont de bons sentiments ou de l'habile marketing mais la paix est à chercher ailleurs.
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Le meilleur grain de sable peut venir des États-Unis où il va falloir suivre de près la proposition de loi de Ron Paul (grâce à laquelle on apprend au passage qu'une attaque contre la Syrie est programmée) et qui demandel'interdiction de financer directement ou indirectement quelque engagement américain que ce soit en Syrie(The Syria Non-Intervention Act of 2012). Si cette loi passe probablement plus pour des motifs électoraux que de grands principe, la guerre serait bloquée en Syrie. L'intérêt de cette proposition de loi est de dire ce que tout le monde sait : le but est le renversement d'un régime, le but est l'Iran, une confrontation avec la Russie peut amener à une guerre mondiale thermonucléaire.
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Voici la traduction in-extenso de ce discours dans l'excellente traduction de Henri Hude :
Cela fait plusieurs mois que nous vivons au milieu de plans, de rumeurs et de propagande de guerre pour attaquer la Syrie et déposer Assad. Cependant, la semaine dernière, il a été rapporté que le Pentagone avait terminé sa programmation militaire à cette fin.Mon opinion est que tous ce qui est présenté à l’appui de cette attaque, et pour la justifier, n’est que du vent. Ce n’est pas plus crédible que le prétexte donné en 2003 pour l’invasion de l’Irak ou pour l’attaque de 2011 sur la Libye. Or, ces guerres ont été un gaspillage complet. Nous devrions donc nous arrêter un instant et réfléchir avant d’entreprendre encore un violent effort d’occupation et de changement de régime à l’encontre de la Syrie.
Nous n’avons aucun souci de sécurité nationale requérant une escalade aussi insensée de la violence au Proche-Orient. Aucun doute ne devrait pouvoir exister quant au fait que nos intérêts de sécurité sont bien mieux servis, si nous nous tenons complètement en dehors de ce conflit interne qui fait rage en Syrie en ce moment. Nous sommes déjà trop impliqués dans le soutien aux forces qui, à l’intérieur de la Syrie, désirent anxieusement le renversement du présent gouvernement. Il est probable que le conflit armé actuel (ayant maintenant le caractère d’une guerre civile) n’existerait pas, sans les interférences extérieures.
Indépendamment de savoir si nous attaquons ou non encore un autre pays, le fait de l’occuper et de mettre en place un nouveau régime que nous puissions espérer contrôler, pose une grave question constitutionnelle. D’où le Président [des États-Unis d’Amérique] tire-t-il donc une pareille autorité ?
Depuis la Seconde Guerre Mondiale, nous n’avons cessé d’ignorer l’autorité véritablement légitime permettant d’entrer en guerre. Elle a été remplacée par des entités internationales, telles que l’ONU et l’OTAN, ou par le Président lui-même, cependant que le Congrès était complètement ignoré. Il est triste à dire que le peuple n’objecte rien à cela.
Nos derniers Présidents soutiennent explicitement que l’autorité pour entrer en guerre n’est pas le Congrès. Cela a été le cas depuis 1950, lorsque nous fûmes entraînés dans la Guerre de Corée par une résolution des Nations Unies et sans approbation du Congrès. Et une fois encore, nous sommes sur le point de nous engager dans une action militaire, contre la Syrie, et, en même temps, nous réactivons de manière irresponsable la Guerre froide avec la Russie.
Nous jouons au chat et à la souris avec la Russie, ce qui représente une bien plus grande menace que la Syrie pour notre sécurité. Comment pourrions-nous tolérer [, pour prendre une analogie,] une Russie qui exigerait au Mexique une solution humanitaire à une violence qui se produirait sur la frontière américano-mexicaine ? Nous considérerions qu’il y aurait là un légitime souci de sécurité pour nous. Or notre engagement en Syrie, où les Russes possèdent en vertu d’un traité une base navale, est [pour les Russes] l’équivalent de ce que serait pour nous leur présence dans notre arrière cour, au Mexique.
Nous sommes hypocrites, lorsque nous condamnons les Russes qui protègent leurs intérêts de voisinage, alors que nous n’avons cessé de faire exactement de même, et à des milliers de milles à distance de nos frontières. Il n’y a aucun intérêt pour nous à prendre parti, à apporter une assistance secrète, et à encourager la guerre civile, dans un effort pour changer le régime en Syrie. C’est une provocation, sans raison nécessaire, que d’accuser faussement les Russes de fournir des hélicoptères à Assad. Blâmer faussement le gouvernement d’Assad pour un prétendu massacre perpétré en réalité par une faction rebelle violente, ce n’est rien moins que de la propagande de guerre.
Les gens les mieux informés et les plus instruits reconnaissent maintenant que la guerre planifiée contre la Syrie est seulement un pas de plus à l’encontre du régime iranien. C’est quelque chose que les néoconservateurs admettent ouvertement. Le véritable but des néoconservateurs (eux qui sont en charge de notre politique étrangère depuis deux décennies) est de contrôler le pétrole iranien, comme nous avons fait pour celui de l’Arabie Saoudite, et comme nous tentons de le faire pour celui de l’Irak.
Sans un changement significatif et rapide dans notre politique étrangère, la guerre est inévitable. Les désaccords entre nos deux principaux partis sont minimes. Tous deux sont d’accord pour annuler le blocage de tout crédit de guerre. Aucun des deux ne veut abandonner notre présence croissante et agressive au Moyen-Orient et en Asie du Sud.
Cette construction d’une crise peut aisément échapper à notre contrôle et déboucher sur une guerre bien plus importante, qui serait autre chose qu’une occupation supplémentaire et un de ces changements de régime qui sont devenus pour le peuple américain une acceptable routine, à laquelle ils ne prêtent plus attention.
Il est temps que les États-Unis essayent une politique faite d’abord de diplomatie, et qui recherche la paix, le commerce et l’amitié. Nous devons abandonner cet effort militaire pour promouvoir et assurer l’Empire américain. D’ailleurs, nous sommes en banqueroute et nous n’avons pas les moyens [de cette politique].
Le pire de tout, c’est que nous sommes en train de mettre en œuvre la politique de Ben Laden, dont le but a toujours été, au dehors, de nous embourber au Proche-Orient et, au-dedans, de nous mener par ce moyen à la faillite.
Il est temps de rappeler nos troupes et d’établir une politique étrangère non-interventionniste, qui est la seule route menant à la paix et à la prospérité.
Cette semaine, j’introduis donc une proposition de loi visant à interdire à notre gouvernement, en l’absence d’une déclaration de guerre par le Congrès, d’apporter un soutien, direct ou indirect, à toute action militaire ou paramilitaire en Syrie. J’espère que mes collègues se joindront à moi dans cet effort.