jeudi 12 mai 2016 - par Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko

Obligation d’infléchir le cours de l’Histoire en RDC

Répondant à une requête en interprétation déposée par plus de 250 députés de la majorité présidentielle alors que la perspective de la tenue du scrutin présidentiel en 2016 est de plus en plus incertaine, la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo, saisie par voie d'action, a un rendu un arrêt sur le sort du président sortant. En effet, selon ledit arrêt lu le 11 mai à Kinshasa par le président de la Cour, Benoît Luamba, « suivant le principe de la continuité de l’État et pour éviter le vide à la tête de l’État, le président actuel reste en fonctions jusqu'à l'installation du nouveau président élu ».

Le conflit horizontal de normes

Il s'agit, dans ce cas précis, d'une situation de conflit de normes entre l'article 70 et 75 de la loi fondamentale. D'une part, le maintien en fonction du président de la République sortant s'opère jusqu'à l'installation du nouveau président élu. D'autre part, l'exercice provisoire des fonctions du président de la République en cas de vacances pour des causes bien définies est assuré par le président du Sénat. Par conséquent, à l'occasion d'un litige donné qui implique deux ou plusieurs normes de même valeur, la Cour constitutionnelle ne peut qu'être amené à prendre position pour l'une ou l'autre, sans qu'il ne statue sur leur validité. Ainsi est-il indispensable de déterminer la règle à appliquer. Les deux normes ayant le même champ d'action, il n'était donc pas question pour la Cour de faire prévaloir la norme de niveau supérieur sur la norme qui lui est subordonnée. Par conséquent, le juge aurait dû recourir à une démarche pragmatique en vue de la conciliation. Or, en ayant privilégié l'une des normes au détriment de l'autre, la Cour a exclu à tort l'article 75 de la loi fondamentale du principe de la continuité de l'État. Ainsi a-t-elle ignoré que ces deux articles sont concernés de la même façon par la question prioritaire de constitutionnalité, que l'intérim du président du Sénat aurait aussi permis d'« éviter le vide à la tête de l'État ».

Les rôles du juge et de la norme

Si le juge doit trancher, faute de commettre un déni de justice, il doit donc se positionner par rapport aux deux normes en conflit sans outrepasser ses pouvoirs. Mais ce constat est mis à rude épreuve dès lors que la Cour n'a pas résisté au devoir naturel d'interprétation, lequel est apparu comme un acte de volonté. En effet, en n'ayant pas apprécié tous les éléments qui auraient dû être pris en compte pour régler ce conflit horizontal de normes qui lui était soumis, la Cour constitutionnelle s'est fondée sur des éléments potentiellement très subjectifs.

La séparation des pouvoirs ?

En accordant la primauté à l'article 70 de la Constitution stipulant qu'« à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l'installation effective du nouveau Président élu », sur l'article 75 spécifiant qu'« en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d'empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l'exception de [quelques-unes biens définies] sont provisoirement exercées par le Président du Sénat  », l'arrêt rendu par la Cour a tout simplement mis à mal la sécurité juridique. Ainsi est-on en droit de s'interroger sérieusement sur la subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir politique en République Démocratique du Congo, sur la violation de la clause constitutionnelle relative à la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaires – plus précisant l'article 149.

Et maintenant ?

L'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle n'a pas du tout tenu compte de la volonté manifeste du gouvernement congolais de ne pas organiser les élections dans le délai constitutionnel dans le but de permettre le maintien au pouvoir du président sortant. Par conséquent, cette décision laisse présager que la tenue du dialogue souhaité par le président de la République n'aura pour seul objectif que d'entériner son maintien au pouvoir à la tête d'un gouvernement de transition.

Dans un pays où l'opposition s'oppose systématiquement de manière épidermique, où des partisans de la majorité présidentielle deviennent curieusement et sans aucun fondement idéologique des opposants, où l'élite n'a jamais osé jouer son rôle de conscientisation et d'éducation politique, le cours de l'Histoire ne peut être infléchi que par le Peuple qui est le souverain primaire. Les Congolaises et les Congolais sont condamnés à déjouer tout pronostic pour ne pas rester les éternels dindons de la farce.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko



12 réactions


  • maQiavel maQiavel 12 mai 2016 16:50

    Merci pour l’analyse.


  • Charlotte Mondo 12 mai 2016 16:59

    Le peuple congolais doit retenir les leçons du passé et se prendre en main. Face à des gens qui ne pensent avant tout qu’à se maintenir au pourvoir pour ne rien faire, ou à prendre le pouvoir pour mieux piller le pays et se servir davantage, les Congolais doivent choisir un autre destin. Qui ne risque rien n’a rien. Merci pour la pertinence de cet article qui, j’ose espérer, éveillera beaucoup de conscience !


  • maQiavel maQiavel 12 mai 2016 18:19

    En fait , il ne s’agit même pas d’"une question de légalité mais de légitimité.


    • Et hop ! Et hop ! 13 mai 2016 01:11

      @maQiavel. La majorité électorale ne donne aucune légitimité dans les pays où il y a plusieurs nations ou ethnies, avec en plus un système clanique.


      Il ne peut pas y avoir de régime démocratique dans ces pays, les électeurs votent pur un membre de leur ethnie, et c’est l’ethnie la plus nombreuse qui s’empare du pouvoir, et ensuite qui persécute les ethnies minoritaires. Pour qu’il y ait un système d’élections il faudrait refaire toute la carte de l’Afrique en remettant les frontières entre les ethnies.

      Houphouët Boigny, Saddam Hussein, Khadafi, Bachar El Assad ont été d’excellent chefs d’État parce qu’ils appartenaient à des ethnies très minoritaires, ce qui leur a permis d’arbitrer les conflits entre ethnies majoritaires.

      Il y a aussi les cas de pays qui sont traditionnellement constitués de deux ethnies ayant des fonctions différentes, une ethnie très majoritaire qui est sédentaire, cultivateur, industrieuses, prolifique, l’autre très minoritaire (5%) qui est nomade, guerrière, malthusienne, et qui constitue l’encadrement politique, comme les Houtou et les Tutsi, les Kabyles et les Arabes, les Gaulois et les Francs, etc..

      Dans la Rome antique, dans la Gaule antique, dans les République de Gênes, de Venise, de Pise, c’étaient les chefs des familles patriciennes, des « gens », autrement dit les chefs des clans, qui formaient le sénat et qui élisaient le chef d’État. Ce n’était pas le suffrage universel à un degré, le vote des individus.

    • Charlotte Mondo 13 mai 2016 01:18

      @Et hop !
      Les clichés ont encore un très bel avenir ! Franchement, il vaut mieux en rester là et en rigoler, quoi. 


    • Charlotte Mondo 13 mai 2016 08:04

      @Et hop !

      N’importe quoi. Si vous avez du respect pour les autres, vous aurez au moins dû axer votre intervention sur le sujet abordé. Barbarisme. On voit bien où vous voulez en venir.

      Pour votre information, un barbarisme est une faute de langage qui enfreint les règles de la morphologie, et non celles de la syntaxe. Sinon, on parlerait de solécisme. Le barbarisme importe dans une langue donnée des formes qui sont usuelles dans une langue étrangère, sinon on parlerait de cacographie ou d’hypercorrection.

      « Françaises, Français, je vous ai compris ! » haranguait un célèbre général. En politique, l’insistance est de mise pour interpeller distinctement à la fois un homme et une femme. La grammaire n’est pas la politique. Soyons des bâtisseurs d’expression... Hugh !

    • maQiavel maQiavel 13 mai 2016 11:09

      @Et hop !
      La réalité ethnique existe dans ces pays mais la politique ne peut être réduite à cela notamment à cause de l’urbanisation, il faut faire attention aux clichés à la Bernard Lugan.


      Et puis , un peuple , ça se construit aussi politiquement ...

    • Charlotte Mondo 13 mai 2016 11:22

      @maQiavel
      Complètement d’accord. La politique devrait être plus idéologique qu’ethnique... Il y a effectivement tout un cheminement politique à prendre en compte pour tendre davantage vers les fondamentaux démocratiques.


  • Jo.Di Jo.Di 13 mai 2016 00:45

    « Les Congolaises et les Congolais »
     
    Cette soumission à la sémiologie bobo de la bien pensance pseudo anti-sexiste me fait penser à Desproges :
     
    « Belges, belges ! »
     

     


    • Et hop ! Et hop ! 13 mai 2016 01:19

      @Jo.Di : cette façon de dire et d’écrire est un barbarisme, une importante faute de syntaxe.


      En français, quand on parles des Congolais, cela comprend obligatoirement les congolaises, c’est une règle de la grammaire française.

      Sinon, il faut préciser, les Congolais de sexe masculin.

      Dans les annonces d’emploi de Pôle emploi, section bâtient, on trouve aujourd’hui :

      Offre d’emploi : (sic)

      - Maçon, maçonne
      - Tailleur, tailleuse de pierre,
      - Surveillant, surveillante de chantier, (pourquoi pas chantier, chantière !)
      - Plombier, plombière, (sic)

      Difficile d’être plus cons, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait de plus en plus de chômeurs.


    • Charlotte Mondo 13 mai 2016 01:23

      @Jo.Di
      Il faut de tout pour faire un monde, de la même façon que tous les goûts sont dans la nature. On veut nous imposer la pensée unique, franchement. On discute d’un sujet sérieux et on essaie de trouver des solutions pour éviter l’oppression de tout un peuple, quelqu’un essaie d’amuser la galerie avec son histoire de sémiologie. C’est du mépris, n’en déplaise à l’humoriste de mauvais goût.


    • Charlotte Mondo 13 mai 2016 08:06

      @Et hop !

      N’importe quoi. Si vous avez du respect pour les autres, vous aurez au moins axé votre intervention sur le sujet abordé. Barbarisme. On voit bien où vous voulez en venir.

      Pour votre information, un barbarisme est une faute de langage qui enfreint les règles de la morphologie, et non celles de la syntaxe. Sinon on parlerait de solécisme. Le barbarisme importe dans une langue donnée des formes qui sont usuelles dans une langue étrangère, sinon on parlerait de cacographie ou d’hypercorrection.

      « Françaises, Français, je vous ai compris ! » haranguait un célèbre général. En politique, l’insistance est de mise pour interpeller distinctement à la fois un homme et une femme. La grammaire n’est pas la politique. Soyons des bâtisseurs d’expression... Hugh !

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