Présidentielle américaine : Ron Paul est-il crédible ?
Alors que la lutte politique s’intensifie pour conquérir la Maison Blanche, le Représentant du Texas Ron Paul jouit toujours d’un certain succès. Connu pour incarner le courant libertarien du parti républicain, le tranchant de ses positions le rend populaire auprès du mouvement Tea Party.
Le Bulletin d'Amérique —
Alors que la lutte politique s’intensifie pour conquérir la Maison Blanche, le Représentant du Texas Ron Paul jouit toujours d’un certain succès. Connu pour incarner le courant libertarien du parti républicain, le tranchant de ses positions le rend populaire auprès du mouvement Tea Party.
Ron Paul, c’est d’abord la réputation de ‘‘Docteur No’’ du Congrès. Ce sobriquet fait référence à sa formation de médecin – ayant pratiqué en tant qu’obstétricien et gynécologue – ainsi qu’à sa propension à ne pas voter comme tout le monde. Il apparaît comme un franc-tireur, déterminé à promouvoir vigoureusement la liberté individuelle et à recentrer l’État sur l’essentiel. Un tireur de sonnettes d’alarme, mais aussi une figure marginale de la scène politique. En 2008, il prônait une « révolution » politique et libérale lors des primaires. Il n’a obtenu qu’environ 10% des voix – ce qui reste un score honorable, – d’autant qu’il a su créer tout un phénomène autour de lui, abondamment relayé dans les réseaux sociaux et sur Internet. Aujourd’hui, il atteint 6,5% des intentions de vote.
Le Représentant du Texas situe son choix d’entrer en politique après la décision prise le 15 août 1971 par l’administration Nixon de faire sortir les États-Unis de l’étalon-or. Ron Paul a perçu cet événement comme la reprise en main politique d’une monnaie, le dollar, qui aurait dû rester indexée sur un élément neutre – reflétant une juste appréciation de sa valeur. Ce positionnement reflète une sensibilité marquée sur les questions économiques, dont il fait parfois son fer de lance. Il a pu revenir régulièrement sur le cas de l’étalon-or, notamment dans un livre, The Case for Gold, en 1982.
« End the Fed » !
Ron Paul prône aussi la fin de l’impôt sur le revenu, au profit d’autres formes de taxation et d’un allégement conséquent de la pression fiscale. Il n’a, au reste, aucune sympathie pour la Réserve Fédérale. En septembre 2009, il a publié End the Fed. Sous ce titre provoquant, on retrouve la critique d’une institution jugée corrompue et inefficace. Par ses actions, elle augmenterait artificiellement le prix du dollar – la monnaie risquant, à force, de ne plus rien valoir. Ron Paul craint ainsi l’hyperinflation, qui a fait des ravages au Zimbabwe ou dans la République de Weimar.
Par ailleurs, l’élu du Texas reste un féru de discipline budgétaire. À tel point qu’il n’a, par exemple, pas voté pour la proposition de budget élaborée par les Républicains pour 2012, et promue par Paul Ryan. Ce choix montre une nature de cavalier solitaire – ils n’étaient que quatre à ne pas adopter le Path to Prosperity ! Dans tous les cas, il s’est engagé auprès de ses électeurs à ne pas soutenir d’augmentation d’impôts ni des budgets non-équilibrés.
Ron Paul adopte de surcroît une lecture stricte de la Constitution — ou constitutionnalisme, — orientée aussi vers la défense des droits des états fédérés. En cela, il épouse certains traits du Texas dont il est élu, l’état étant connu pour son esprit d’indépendance farouche, de liberté, et sa méfiance envers Washington.
Un candidat isolé
De cet État du sud, et à la tête d’une circonscription plus grande que le Massachusetts, il est élu depuis la fin des années 70 – après avoir remporté, après quelques premières déboires, des campagnes en 1976 puis en 1978. Ses affiliations partisanes ont néanmoins connu quelques secousses. En 1988, il pense que la Présidence Reagan est un échec, notamment sur le front des déficits qu’il juge trop élevés. Ron Paul devient ainsi le candidat du petit Parti Libertarien à la présidentielle, et effectue une performance marginale – environ 0,5% des voix. En 1992, il conseille Pat Buchanan lors de la primaire Républicaine et contre le Président sortant, George Bush père.
Pour lui, être candidat à la présidentielle, de la même manière qu’aux primaires, reste avant tout une occasion d’éclairer l’opinion. Ses positions fortes en faveur de la liberté économique l’isolent des compromis politiques traditionnels. Elles donnent aussi à son message une force inédite. En témoigne la foi de ses partisans. Le financement des campagnes de Ron Paul se fait ainsi en grande majorité à partir de dons individuels. Par exemple, 700 000 dollars ont été levés en une journée, le 21 février 2011, à l’initiative de supporters « grassroots » qui ont relayé le message autour d’eux. Cette popularité se diffuse par ondes de chocs au sein de nombreux cercles. Elle explique qu’en mars 2011, au sommet des Tea Parties organisé à Pheonix, dans l’Arizona, il ait remporté le sondage de popularité. Ce fut le cas dans de nombreux rassemblements comparables – où la pureté de ses positions séduit les militants de terrain.
Mais ses positions bien moins conservatrices sur les questions sociales ne devraient pas lui permettre de concurrencer efficacement l’égérie du mouvement Tea Party, Michelle Bachmann. Par exemple, sa conception de la non-ingérence de l’Etat fédéral dans la vie privée des individus se reflète dans sa position face au mariage homosexuel : « Je suis favorable à toutes les associations volontaires, et les gens peuvent les appeler comme ils le veulent ».
Un héritier de Robert Taft & de Friedrich Hayek
Sur un autre plan, le courant libertarien promeut néanmoins une vision bien spécifique des relations internationales, qui reste peu embrassée dans le monde politique. Ron Paul dit s’inspirer de Robert Taft, figure du parti républicain des années trente et quarante, opposant notoire au New Deal et à tout interventionnisme à l’étranger – les relations commerciales avant tout. Ron Paul reprend cette ligne et la considère comme le seul moyen d’atteindre la paix et la prospérité. Il s’est en cela opposé frontalement au courant néo-conservateur [à lire, "les Néoconservateurs demeurent une des principales écoles de pensée"] et aux actions entreprises par les États-Unis au Moyen-Orient. Le « docteur » Ron Paul préconise au même moment de sortir de l’ONU, de l’OTAN, de l’OMC, de l’ALENA : ces institutions, supranationales, nuisent selon lui à l’indépendance des États.
En termes de références personnelles, Ron Paul cite volontiers Hayek, Ayn Rand, ou Mises. Son intérêt pour l’École autrichienne est ancien, et fondateur quant à son engagement en politique. Il exhibe fièrement les portraits de ces figures emblématiques dans son bureau, ainsi que celle de Murray Rothbard qu’il a côtoyé. En plus de publier régulièrement des livres sur les sujets qui lui portent à coeur, Ron Paul est le fondateur d’un think-tank, la Foundation for Rational Economics and Education (FREE). Tout bien considéré, l’élu du Texas reste une figure marquante, un législateur prolixe quoique peu suivi, ainsi qu’un défenseur infatigable de la liberté individuelle la plus absolue. Il reste néanmoins à savoir si sa capacité à mobiliser ses partisans lui permettra, cette fois-ci, d’élargir son audience et de présenter la cause qu’il défend d’une manière plus fédératrice que par le passé.
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A lire, sur les primaires républicaines :
Quel Républicain face à Obama ? Les chances de Pawlenty, par Kenneth R. Weinstein ;
Quels atouts pour Mitt Romney ? par Philippe Deswel