lundi 30 août 2010 - par Gérard Luçon

Propagande, quand tu nous tiens

Ce commentaire sur le film de Martin Scorcese intitulé Kundu, reflète tout le système de propagande mis en place pour oublier et remodeler l’histoire (relevé dans TV grandes chaînes nr. 161).

Je cite : « Le parcours du Dalaï-lama, chef spirituel et politique du Tibet, de sa reconnaissance comme 14ème réincarnation de Bouddha à son exil forcé après l’invasion de son pays par l’armée chinoise ».

Parlons donc de ces deux mots : « son » et « pays ». Le Tibet a été indépendant et « reconnu » comme Etat environ 150 ans en tout et pour tout depuis 4.000 ans. Cela s’est passé durant la dynastie des Tubo qui a duré du 7ème au 9ème siècle (629 à 842). Cette dynastie expansionniste, qui a transformé une société tribale en société de castes, a envahi la Chine de l’époque pour constituer ce qu’il est convenu d’appeler « le grand Tibet » avec comme apogée le milieu du 8me siècle, quand leur royaume initialement de 200 km2 allait s’étendre de GuangZhou à HangZhou, ChengDu, en annexant Xi’An, capitale de la Chine soit 1/3 du territoire actuel de la Chine (J.Gernet in « le monde chinois »). C’est ce territoire que le Dalai Lama revendique, sans vergogne ! Un peu comme si nous, français, revendiquions les territoires conquis par Napoléon…

Entre 815 et 841 cette dynastie décide de distribuer les terres, les fermes, les troupeaux et les hommes/esclaves aux communautés bouddhistes. 

Du 9ème au 13ème siècle, c’est le chaos, les divisions tribales, la chasse aux bouddhistes, la floraison des écoles diverses et des Tantras dont Kala Chakra (id. la roue de la destruction in www.trimondi.de), qui n’est autre qu’une école violente sur laquelle s’est basée le nazisme. L’invasion par l’Islam va permettre à ce tantra de situer définitivement le Dharma dans les « régions nordiques et cachées du Shambala » (in R.M.Davidson Tibetan Tantric Buddhism in the Renaissance) soit l’emplacement géographique du Tibet actuel. En 1956 l’actuel Dalai Lama a officié sa première cérémonie sur la base de ce Tantra, avec comme pour chaque cérémonie basée sur ce Tantra, et au-dessus de la tête du Dalai Lama, était le grand Tankha, une représentation du seigneur suprême et de son épouse copulant, en ayant dans leurs 32 mains 24 armes sur lesquelles sont fichés des corps humains, des têtes de morts, des brochettes de têtes humaines, etc (in peintures du 14ème siècle, palais du Potala)… où est la non violence ?

Les rivalités hidouisme-bouddhisme, puis les invasions successives des mongols 1154 - 1227 et des mandchous 1644 - 1911, avec entre temps une longue période de réforme du bouddhisme tibétain sous le règne des 12 premiers Dalai Lamas, le 1er régnant de 1391 à 1474 n’ont en rien aidé à une stabilité politique ni à la constitution d’un Etat, au vrai sens du mot. Cette période de près de 400 ans entre les deux grandes invasions a été marquée par des guerres entre les différentes écoles bouddhistes, entre ces maîtres qui avaient droit de vie et de mort sur les esclaves. Ce n’est en aucun cas durant cette période que le Tibet a cherché à être reconnu comme pays, ratant définitivement l’occasion d’exister.

Dans le même registre l’appartenance du Tibet à un individu censé être la réincarnation d’un dieu relève de la toute puissance de cet individu et de ses séides sur toute une population, et les moines tibétains ne se sont pas privés de rendre esclaves, d’avoir le droit de vie et de mort, de couper les mains et bras des réfractaires ou voleurs. Les paysans n’avaient pas de terres, pas de droits, c’était le moyen-âge dans sa partie la plus sordide. Jusqu’en 1959 les terres du territoire tibétain étaient partagées en 38% Dalai Lama et son gouvernement, 37% communautés bouddhistes et 25% seigneurs et maîtres (in E.Maertens Histoire du bouddhisme tibétain).

En 1913, c’est la conférence de Simla, suite à la 1ère demande réelle d’indépendance du Tibet, qui aboutit à la non reconnaissance de cette indépendance par les grandes puissances de l’époque et à un partage entre un Tibet qui politiquement est une province chinoise mais dont l’économie est supervisée par les anglais.

Ensuite durant la seconde guerre mondiale, et pour contrer l’expansionniste indien et anglais (ligne Mac Mahon, guerre de l’opium, Traités inégaux), également pour punir le Dalai Lama de son alliance avec le Japon (in QingYongZhang A secret story of Japan coveting Tibet), le Président Roosevelt a promis à Tchang Kai Tchek que le Tibet resterait dans le giron chinois et ne serait jamais reconnu comme Etat par les USA (in Telegrams sent by Soong Tes-ven, foreign minister of the Republic of China (ROC) during World War II, showed that Kuomintang leader Chiang Kai-shek and U.S. President Franklin D. Roosevelt reached a consensus that Tibet was part of China’s territory. The collection, compiled by professor Wu Jingping from the Shanghai-based Fudan University and Kuo Tai-chun, research fellow at the Hoover Institution of Stanford University, included telegrams sent in 1943, when Soong reported to Chiang the results of his discussion with British Prime Minister Winston S. Churchill over the Tibet issue at a Pacific Council meeting in Washington DC. In one of the telegrams, written in Chinese, Soong reported a dialogue between Roosevelt and Churchill. "Roosevelt said, ’I asked Churchill why did he mention Tibet at all, and he replied that Britain had no intention to occupy the region. I then said that Tibet had been part of China since imperial times and it is now part of the Republic of China, which had nothing to do with Britain.’").

La Chine communiste a simplement mis en application cette promesse.

Lorsque les troupes chinoises sont entrées au Tibet elles entraient simplement dans une de leurs provinces, il n’y a donc pas eu « invasion », pas même occupation, et ce d’autant plus que la majorité des tibétains, alors illettrés, se sont retrouvés avec une répartition des terres, avec le droit d’aller à l’école, avec la fin de la justice de caste. Seule continuité notable qui peut choquer notre sens de la démocratie participative telle que nous la faisons appliquer en Irak ou en Afghanistan, ils n’ont pas obtenu le droit de vote, mais comme ils ne l’avaient pas auparavant… Les moines quand à eux ont fui pour ne pas risquer de se retrouver jugés par une justice ordinaire et non plus divine, ou pire, se retrouver obligés de se mettre au travail ne serait-ce que pour pouvoir se nourrir. Parmi ces fugueurs, le dalaï-lama et son précepteur (un ancien officier nazi, Heinrich Harrer qui l’a accompagné plus de 20 années et qui était venu en Chine en 1939 dans le cadre d’une expédition organisée par l’armée allemande « plus précisément la SS »).

La fuite en Inde de ces 2 personnages a d’ailleurs été l’objet d’un sordide marchandage des autorités indiennes qui n’ont accepté la présence de ces réfugiés qu’en échange de la prise en charge par les USA et pour une durée indéterminée de tous les frais liés à cette présence sur leur territoire, ainsi que de l’envoi aux USA de jeunes scientifiques indiens chargés d’apprendre les techniques de la fusion et de la fission pour équiper l’Inde de l’arme nucléaire. Rien n’est gratuit en ce bas monde (in K.Conboy and J.Morrison The CIA’s secret war in Tibet, and in http://images.library.wisc.edu/FRUS/Efacs, qui est le site du Foreign Relations of USA). D’ailleurs la 1ère bombe indienne a été nommée « le sourire du bouddha » (in Press Trust of India du 10/10/1997, visible sur le net).

Gérard Luçon

Sinologue



11 réactions


    • Philou017 Philou017 30 août 2010 20:32

      Vous ne rapportez que des propos occidentaux, et souvent engagés dans la lutte pro-tibet.
      Pour les deux principaux, qui on fait des études un peu poussées, semble-t-il (extraits de Wikipedia) :

      - Patrick French :
      Lors des élections générales de 1992, French fut candidat du Parti vert au Parlement, période à laquelle il était aussi président de l’association Free Tibet Campaign.[4] Il a été membre du comité de direction du groupe de soutien au Tibet au Royaume-Uni

      - Warren W. Smith Jr

      Il est l’auteur de Tibetan Nation : A History of Tibetan Nationalism and Sino-Tibetan RelationsCommission internationale de juristes intitulé et coauteur du rapport de 1997 de la Tibet : Human Rights and the Rule of Law .

      Warren W. Smith est un chercheur indépendant (? ?? ) et animateur et écrivain pour le service tibétain de Radio Free Asia, dont le travail s’est focalisé sur l’histoire et la politique tibétaines. Après avoir passé cinq mois au Tibet en 1982, il décrit les Chinois comme des chauvins qui se considèrent supérieurs aux Tibétains. Il affirme que les Chinois ont utilisé la torture, la contrainte et la famine pour contrôler les Tibétains .

      Il est aussi le président de l’association Cultural Survival-Tibet Project

      Il est aussi critiqué :

      Barry Sautman qualifie Warren W. Smith de « propagandiste professionnel œuvrant pour la radio Radio Free Asia du gouvernement américain » .

      ----------

      Il y a incontestablement une part de propagande dans les thèses pro-Tibet. Se référer uniquement à leurs thèses ne me parait pas fiable.

      Il y a eu une répression féroce au Tibet dans les années 50, c’est parfaitement regrettable. Mais il faut rappeler que le pouvoir de Mao était féroce envers tous les Chinois. La « revolution Culturelle » a fait aussi des millions de morts en Chine. On ne peut pas isoler le Tibet du contexte.

      Personnellement, je ne sais pas quelle est la vraie réalité des choses au Tibet, car il est difficile d’y voir clair. Mais je pense que les manipulations continuelles des agences occidentales et particulièrement la CIA, qui finance le Dalai-Lama, doivent rendre circonspect.

      S’il n’y avait pas ces manigances continuelles, nul doute que les Tibétains seraient moins contrôles par les Chinois.

      Quand à la notion de génocide culturel, ca me parait une innovation suspecte. Depuis quand un peuple peut-il perdre son identité ?

      Les Bretons ou les basques ne l’ont pas perdu, bien qu’ils soient Français depuis longtemps.


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 30 août 2010 13:24

    "la démocratie participative telle que nous la faisons appliquer en Irak ou en Afghanistan" : pas la peine de lire cet article.


  • W.Best fonzibrain 30 août 2010 14:37

    merci pour l’article.


    toujours l’histoire de la paulle et la poutre.

    le vrai problème provient de la manipulation mentale proveant des lumière, nous autres occidentaux fous avons pensé que ce que nous disont s’applique au monde entier.

    le censé universalisme des lumière est une imposture, c’est juste une imposture idéologique pour emmerder le monde entier


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 30 août 2010 16:10

    Bonjour,

    Nous avons tous été complètement surpris par le parcours de la flamme olympique surtout dans sa traversée de Paris, et particulièrement le moment haut en couleur où notre champion du monde de judo, le vainqueur du yéti, se l’est faite éteindre et souffler des mains...

    D’où ce paradoxe de voir reporter sans frontière, soutenu par les us, contredire ce que vous écrivez comme quoi, " le Président Roosevelt a promis à Tchang Kai Tchek que le Tibet resterait dans le giron chinois et ne serait jamais reconnu comme État par les USA "

    Bon, évidemment, ce sont les us qui ont financé ce train qui permet aux touristes chinois d’envahir littéralement le Tibet, et peut-être que les derniers tibétains non génocidés pourront être parqués dans des camps comme un musée. Pour savoir qui est à l’origine de ces mouvements autour du Tibet, il n’y a qu’à regarder l’enseigne qui trônera au dessus de l’entrée du Tibet...Land...avec casinos et cie...


    • Philou017 Philou017 30 août 2010 20:40

      « D’où ce paradoxe de voir reporter sans frontière, soutenu par les us, contredire ce que vous écrivez comme quoi, » le Président Roosevelt a promis à Tchang Kai Tchek que le Tibet resterait dans le giron chinois et ne serait jamais reconnu comme État par les USA «  »

      Au cas où ca vous aurait échappé, Roosevelt à vécu et présidé bien avant que RSF existe.

      Si l’implantation assez forcée de Chinois Han apparait encouragée, je ne vois pas non plus poirquoi le Tibet devrait rester ethniquement pur.
      Rien qu’en France, nous avons connu des immigrations Italiennes, Polonaises, Espagnoles, et aujourd’hui de Maghreb et d’Afrique.

      Il y a forcement des choses à critiquer dans la politique Chinoise, mais je me garderais bien comme vous de trancher abruptement, ainsi que d’employer sans retenue le terme génocide.


    • Lefumiste Lefumiste 31 août 2010 10:28

      ignoble manipulateur me parait quand même un peu fort et peu objectif !

      Pourriez-vous développer ? Je serai curieux d’avoir votre avis.

      Merci


  • Deneb Deneb 31 août 2010 07:15

    Le maoisme ayant fait 70 millions de morts, finalement le Tibet avec seulement 1 million s’en est plutôt bien sorti.

    Je sais, c’est horrible de tenir ce genre de comptes, mais, comme dirait le pote Djougashvilli : la mort d’un homme est une tragédie, la mort des millions, des statistiques.


  • Lefumiste Lefumiste 31 août 2010 10:15


    Je ne me permettait pas d’approuver ou de contester cet article, puisque je ne pense pas avoir d’arguments pertinents. Cependant pour être allé en Chine il y a 2 ans, et dans les régions frontalières du Tibet, je ne peux m’empêcher de constater qu’il existe quand même une sorte de d« étouffement culturel » dans cette partie du Pays !

    Étouffement qui est bien plus visible sur cette communauté que sur la cinquantaine d’autres peuplant la Chine !!

    A l’époque où j’y suis passés, je n’avais pas pu m’empêcher de penser que les Tibétains faisaient peur du fait de leur religion prônant une certaine tolérance. Tolérance il est vrai, difficilement compatible avec le régime et l’idéologie politique Chinoise.

    Article intéressant qui a le mérite de remettre en cause certaine « vérités »....


  • Lefumiste Lefumiste 31 août 2010 10:17

    Rectification : « de leur philosophie (et non religion....) prônant une certaine tolérance » smiley


  • @distance @distance 31 août 2010 11:42


    Il ne faut pas oublier la rivalité coloniale entre la Russie et la Grande-Bretagne en Asie au XIXe siècle : luttes d’influence entre empire russe et empire britannique.

    Le 7 septembre 1904, le traité de Lhassa a été signé dans le palais du Potala entre les Britanniques et le gouvernement tibétain. La force britannique fut soutenue par le Roi Ugyen Wangchuck du Bhoutan, qui fut anobli en récompense de ses services.

    En 1903-1904, sous les ordres de Curzon, Younghusband, conjointement avec John Claude White, l’agent politique britannique au Sikkim, mena une expédition britannique au Tibet, dont l’objectif putatif était de régler les disputes sur la frontière Sikkim-Tibet, mais dont le vrai objectif, selon le China Tibet Information Center, aurait été d’établir l’hégémonie britannique au Tibet.

    L’expédition devint de façon controversée (en outrepassant des instructions de Londres) une invasion et une occupation de facto du Tibet. A peu près à cent miles à l’intérieur du Tibet, sur la route de Gyangzê vers la capitale de Lhassa, un conflit en dehors du hameau de Guru mena au massacre, par l’expédition, de 600-700 militaires tibétains.


    EXPEDITION militaire britannique au Tibet (1903-1904)


    Sénat : Le Tibet en exil : à l’école de la démocratie
    RAPPORT de groupe d’amitié n° 67 (2005-2006) - 14 juin 2006



  • @distance @distance 31 août 2010 12:10


    Le 20 avril 1938 cinq jeunes scientifiques allemands montent à bord, dans le port de Gènes, sur le « Gneisenau », un navire rapide qui fait la liaison avec l’Extrême-Orient. Le but de leur voyage : le haut plateau du Tibet, entouré d’une nuée de mystères, le « Toit du monde ».
    Sous la direction du biologiste Ernst Schäfer, s’embarquent pour une aventure hors du commun pour les critères de l’époque, Bruno Beger (anthropologue et géographe), Karl Wienert (géophysicien et météorologue), Edmund Geer (en charge de la logistique et directeur technique de l’expédition) et Ernst Krause (entomologue cameraman et photographe).

    Tous les participants à cette expédition étaient membres des « échelons de protection » (SS), mais ce fait justifie-t-il d’étiqueter cette expédition d’ « expédition SS », comme on le lit trop souvent dans maints ouvrages ? Cette étiquette fait penser qu’il s’agissait d’une expédition officielle du Troisième Reich. Est-ce exact ? Les SS avaient-il vraiment quelque chose à voir avec ce voyage de recherche vers cette lointaine contrée de l’Asie ? Quel intérêt les dirigeants nationaux-socialistes pouvaient-ils bien avoir au Tibet ? Comment
    cette expédition a-t-elle été montée ; quels étaient ses objectifs, ses motifs ? A quoi a-t-elle finalement abouti ? Beaucoup de questions, qui ont conduit à des études sérieuses mais aussi à l’éclosion de mythomanies, de légendes.

    TIBET
    certaines images de ce documentaire sont très violentes


Réagir