mardi 17 janvier 2006 - par Altiplano

Quand l’Amérique latine entre en dissidence...

L’élection de Michelle Bachelet à la présidence du Chili amplifie le basculement à gauche du continent sud-américain, et s’inscrit dans un vaste mouvement de recomposition de l’échiquier politique régional. Le Vénézuela avec Hugo Chavez, le Brésil avec Luis Inacio Lula da Silva, l’Argentine avec Nestor Kirchner, l’Uruguay avec Tabaré Vasquez, la Bolivie avec Evo Morales ont, à des degrés divers, marqué une dissidence vis-à-vis de la traditionnelle emprise des Etats-Unis sur son arrière-cour (the backyard).
Cette nouvelle configuration est le produit d’élections libres et démocratiques et, à ce titre, ne peut souffrir aucune contestation de la part de Washington. S’il semble acquis que le Chili, présidé par Michelle Bachelet, ne remettra pas en cause les solides liens commerciaux qui le lient aux Etats-Unis, ces derniers en viennent désormais à s’interroger sur la viabilité de leur ambitieux projet de zone de libre-échange des Amériques qui, "de l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu", doit former un ensemble géo-économique conçu par les stratèges états-uniens. Le Sommet des Amériques, qui s’est tenu en Argentine en novembre 2005, a d’ailleurs mis en lumière une défiance croissante des nations latino-américaines à l’égard de ce projet. Ainsi, la prestigieuse revue Foreign Affairs se demande si Washington n’est pas en train de perdre l’Amérique latine... Un haut diplomate du Département d’Etat estime, quant à lui, que les Etats-Unis devront "faire plus" pour leurs voisins du Sud.
En réalité, ces dominos, qui tombent les uns après les autres, pourraient permettre l’émergence d’un autre pôle d’intégration, autonome, différent de la ZLEA et affranchi de la tutelle nord-américaine : le Mercosur. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Washington n’apprécie que modérément cette intégration latino-américaine qui se fait sans son accord. Sous la houlette de la diplomatie brésilienne, qui se perçoit en acteur global, le Mercosur vient d’accueillir le Vénézuela parmi ses membres. Cette adhésion préfigure une combinaison inédite, construite autour de la puissance régionale du Brésil et de la "diplomatie pétrolière" chère au président Chavez. Bien que moins engagé dans la critique antilibérale que le colonel-parachutiste vénézuélien, le président brésilien Lula n’en est pas moins déterminé à construire un pôle d’intégration régionale. Si les sombres affaires de corruption qui ont impliqué son entourage tout au long de l’année 2005 ne resurgissent pas lors des prochaines élections brésiliennes, Lula aura dans les mains les clefs d’une Amérique latine telle que l’avait rêvée le Libertador, Simon Bolivar...




Réagir