samedi 2 janvier 2016 - par MUSAVULI

RD Congo - 2 janvier : Hommage au colonel Mamadou Ndala

C’était un 2 janvier, le 2 janvier 2014, à Beni. On pouvait voir des gens marcher dans les rues de Beni, de Goma, de Butembo, puis s’arrêter tout d’un coup et fondre en larmes comme des enfants. On entendait les femmes en larmes dire « voilà un homme qui nous libérait des viols et des massacres… et puis, on le tue ». Le colonel Moustapha Mamadou Ndala venait d’être assassiné à Beni, crime qui plongea les Congolais, surtout les populations de l’Est du Congo, dans une profonde consternation. 

En ce début d’une année 2016 annoncée pour être difficile sur le plan politique et sécuritaire au Congo, arrêtons-nous un instant sur ce héro comme le pays en compte assez peu. Mamadou Ndala n’était pas seulement l’homme qui l’avait l’honneur des soldats congolais en remportant des victoires sur les forces rwando-ougandaises, ennemis longtemps présentés comme invincibles. Il était l’incarnation d’un peuple qui réussissait, militairement, à se faire respecter sur son sol, une fierté longtemps perdue.

Qui était Mamadou Ndala ?

Mamadou Mustafa Ndala est né le 8 décembre 1978 à Ibambi, dans le territoire de Wamba, Province du Haut-Uélé. Il était, à sa mort, le commandant du 42e bataillon commando des URP (Unités de Réaction Rapide). Il s'est rendu célèbre en remportant des victoires éclatantes sur le M23, un mouvement armé parrainé par le Rwanda et l'Ouganda et qui sévissait dans l'Est du Congo.

Le jeune Mamadou Ndala entre dans l'armée le 6 juin 1997. Quatorze ans plus tard, le 7 janvier 2011, il est promu au grade de colonel. Il prend le commandement du 42ème bataillon des URP, une unité qui se fait rapidement remarquer par la population de Goma en menant des offensives victorieuses contre les combattants du M23 qui assiégeaient la ville. Dans un premier temps, les victoires des hommes de Ndala laissent la population dubitative.

En effet, l'armée congolaise avait habitué la population à des débandades ahurissantes, comme en novembre 2012 lorsque le M23 s'était emparé de la ville de Goma désertée par l'armée nationale. Trois mois plus tôt, dans une interview accordée à la journaliste belge Colette Braeckman, le général rwandais James Kabarebe avait affirmé que l'armée congolaise n'était même pas capable de tuer un rat. Les Congolais étaient ainsi prostrés dans un mélange de ressentiment et d'humiliation. Ils n'en revenaient pas en voyant leurs soldats s'imposer sur le champ de bataille et montrer les corps des ennemis jusqu'alors présentés comme invincibles.

La rumeur et le sursaut patriotique des Congolais à Goma

Mi-juillet, une rumeur annonçant le rappel du colonel Mamadou Ndala à Kinshasa provoque de violentes manifestations à Goma contre la Monusco et le président Joseph Kabila accusés de vouloir paralyser l'action de l'armée et du colonel. C'est une pratique longtemps déplorée au Congo : les officiers qui se distinguent au combat contre les groupes armés tutsis parrainés par le Rwanda et l’Ouganda, sont rappelés à Kinshasa et neutralisés, comme s'il y avait une volonté visant à faire perdurer la guerre dans l’Est du Congo[1]. Le nom du général Félix Mbuza Mabe[2], surnommé « le sauveur de Bukavu », revenait dans toutes les conversations. Cet ancien officier des FAZ (Forces Armées Zaïroises), puis des FARDC, est connu pour avoir sauvé la ville de Bukavu en juin 2004[3]. Après ses prouesses militaires, Mbuza Mabe fut rappelé par Kinshasa et envoyé sur la base de Kitona. Il mourra en 2009 à Johannesburg[4]. La population de Goma fut ainsi paniquée par l'idée que le colonel Mamadou Ndala fût au point de subir le même sort. Elle entreprit de bloquer tous les accès menant à l’aéroport et, dans les jours qui suivirent, se chargea elle-même de porter les munitions et les rations pour l’armée qui se battait contre le M23.

La guerre va connaître un tournant décisif fin août 2013 lorsque le M23 lance des obus sur la ville de Goma. Une offensive musclée des FARDC, appuyées par la brigade d'intervention de la Monusco, va mener les troupes de Mamadou Ndala à son plus haut fait d'armes, la conquête des "Trois antennes" dans le secteur de Kibati. La bataille de Kibati cause de lourdes pertes au M23 qui laisse d'importantes quantités de munitions et sombre dans le doute. Après Kibumba, Kiwanja et Rutshuru-centre, les hommes de Mamadou Ndala s'emparent de la base de Rumangabo le 28 octobre 2013. Les victoires des FARDC s'enchaînent jusqu'à la prise de Bunagana, à la frontière du Rwanda, de l’Ouganda et de la RDC le 30 octobre 2013. Le colonel Mamadou Ndala rentre triomphalement dans la ville. Dans la foulée, Martin Kobler, le patron de la MONUSCO, annonce la fin du M23 en tant que force militaire[5].

La dernière mission

Conformément à la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l'ONU, l'opération de neutralisation des groupes armés devait se poursuivre. Le colonel Mamadou Ndala est ainsi envoyé dans le Nord de la Province du Nord-Kivu, en territoire de Beni, où sévissait un violent groupe armé, les ADF, connu pour de multiples exactions dont des kidnappings. Le colonel Ndala prend l'engagement devant la population de traquer ces maquisards même sous l'eau. Le 2 janvier 2014, en fin de matinée, il quitte avec son escorte l'hôtel Albertine de Beni-Boikene en direction d'Eringeti à bord d'une jeep montée d'une mitraillette lourde. À hauteur de la localité de Ngadi (environ 10 km de Beni), la section tombe dans une embuscade. Une roquette de RPG-7 frôle l’arrière de son 4x4. S’ensuivent des tirs nourris. Mamadou Ndala et ses hommes sont en infériorité numérique. Les assaillants prennent le dessus et achèvent le colonel, déjà blessé, à bout portant avant de le mutiler et de le brûler dans son véhicule. A ses côtés, trois gardes du corps dont une femme commando prénommée Edith.

Qui a tué le colonel Mamadou Ndala ?

Quelques temps seulement après l’embuscade, Lambert Mende, ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement, affirme à la télévision de Kinshasa que le colonel Mamadou Ndala a été tué par les rebelles islamistes ougandais des ADF. Une version rapidement mise en doute[6]. Un des gardes du corps du colonel, Paul Safari, rescapé de l'embuscade, avait décrit les assaillants comme des hommes portant des uniformes FARDC et parlant kinyarwanda et lingala, deux langues que ne parlent pas les ADF. Les premiers indices des enquêteurs privilégient la piste des anciens du CNDP, le mouvement des criminels de guerre Bosco Ntaganda et Laurent Nkunda, parrainé par le Rwanda et l’Ouganda, et dont les membres avaient été intégrés dans des régiments FARDC en 2008. Le lieutenant-colonel Tito Bizuru, ancien cadre du CNDP, son garde du corps et le général Mundos, le bras droit du président Kabila à Beni, sont les principaux suspects immédiats. Ils sont interpelés dans le cadre de l’enquête, puis relâchés pour des raisons restées inexpliquées. Cette piste CNDP va définitivement être fermée.

Le procès sur l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, tenu à Beni, a abouti, le 17 novembre 2014, à la condamnation à mort du colonel Birotsho Nzanzu Kosi[7] sur la base des propos d’un obscur témoin à charge qui avait été amené de Beni à Kinshasa puis de Kinshasa à Beni, et qui fit toutes ses dépositions en étant masqué. Le procès avait toutefois déjà perdu en crédibilité après la mort subite du chauffeur de Mamadou Ndala, le sergent-major Arsène Ndabu Ndongala, dès le deuxième jour des audiences.

Selon plusieurs sources, le colonel Birotsho n’est qu’un bouc émissaire. Autrement dit, les véritables assassins de Mamadou Ndala courent toujours.

Boniface MUSAVULI

 

[1] B. Musavuli, « RD CONGO : La stratégie du chaos et du mensonge », agoravox.fr, 13 décembre 2014

[2] De son vrai nom NKOY NKUMU MBANZE.

[3] La ville avait été envahie par les troupes du général Laurent Nkunda et du colonel Jules Mutebutsi.

[4] Des suites d'une longue maladie, probablement due à un empoisonnement.

[5] Les combats entre les FARDC et le M23 auront coûté la vie à plus de 900 combattants « 201 morts FARDC et 680 blessés. Du côté du M23, 721 morts et 543 capturés, dont 72 Rwandais et 28 Ougandais », déclara le général Jean-Lucien Bahuma, commandant de la 8e région militaire, qui comprend la province du Nord-Kivu. Trois casques bleus de la mission de l'ONU ont également été tués.

[6] « Exclusif : Les premières investigations de DESC sur la mort du Colonel Ndala »Desc-Wondo, 4 janvier 2014, consulté le 9 février 2014.

[7] Cf. « Procès Mamadou Ndala : le colonel Birocho Nzanzu condamné à mort », radiookapi.net, 17 novembre 2014.



1 réactions


  • JC_Lavau JC_Lavau 3 janvier 2016 10:10

    En France nous ignorons pratiquement tout des tragédies africaines.
    Merci de tenir quelques chandelles allumées pour eux.


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