jeudi 20 janvier 2011 - par Fatma Benmosbah

Révolution tunisienne – Les menaces extérieures

Outre les questions que le peuple tunisien est en droit de se poser après l’annonce de la formation du nouveau gouvernement, il faut aussi se demander quel est l’avenir de ce pays sur le nouvel échiquier régional et international.

A l’heure où tous les peuples, et particulièrement les peuples arabes, expriment leur soutien à la révolution tunisienne, certains gouvernements, malgré des déclarations positives, restent sceptiques quant aux conséquences de ce raz de marée autant formidable qu’inattendu qui a balayé à jamais l’une des dictatures les plus répressives et les plus sanglantes de notre monde actuel.

L’Italie, comme la France ont refusé à l’avion de l’ancien président d’atterrir à Cagliari ou à Paris ‘sur leur sol respectif) alors que l’Arabie Saoudite a accepté de l’accueillir. A l’exception de la France, les deux autres pays ne font pas partie de ceux vers lesquels le regard doit se porter pour préserver la transition démocratique et veiller à son bon déroulement. 

La Libye

Quand bien même le discours adressé par Kadhafi à la nation tunisienne laisse percevoir la peur réelle d’une contagion, on peut l’interpréter comme une déclaration de guerre à la révolution tunisienne. Pour calmer le jeu, l’ancien président tunisien avait déclaré qu’outre les 30000(0) emplois qui seraient créés, la Lybie avait proposé d’accueillir 5 000 demandeurs d’emplois tunisiens sur ces terres. On ne saura jamais qui sont ceux qui se sont « précipités » aux frontières et quels sont les « emplois » qui leur ont été offerts ? On peut également se poser la question : pourquoi Ali Seriati, l’ancien directeur de général de la sécurité présidentielle se dirigeait-il, accompagné d’une cinquantaine de personnes vers la Lybie au moment où il a é arrêté à la frontière ?

 La peur des dirigeants lybiens et dans une moindre mesure algériens peut, en cas de persistance de l’instabilité en Tunisie les amener à essayer d’aggraver la situation pour maintenir le chaos.

La France

Sa position a été claire dès le départ, un soutien silencieux à Ben Ali et à son régime. Sa ministre des Affaires étrangères a même suggéré de proposer le savoir-faire français à la police tunisienne pour "régler les situations sécuritaires". On sait que, à l’image des CRS, les BOP- Brigades de maintien de l’ordre public- avaient été formées par les experts français.

Selon le Professeur Rob Prince, membre du Peace Corps, qui connait bien la Tunisie, le piège dans lequel est tombée l’économie tunisienne est la conséquence de son enfermement dans le rôle stratégique de territoire périphérique ou semi périphérique, ayant pour seule mission de fournir une main d’œuvre sous payée aux entreprises délocalisées ainsi que d’être une destination touristique bradée pour les pays européens et particulièrement la France.

Après un silence pesant et une attitude hostile à la révolution, le gouvernement français a amorcé un virage à 180° pour apporter son soutien total au changement opéré en Tunisie. Mais la véritable grande question est de savoir comment la France va-t-elle opérer pour éviter un repli du marché tunisien sur lui-même en premier lieu et sur d’autres débouchés où les balances commerciales seraient plus équitables ? A la traîne, ses médias « officieux », continuent de brandir le spectre de l’islamisme, mais pour combien de temps encore ?

Les Etats-Unis

"Je condamne et déplore le recours à la violence contre des citoyens qui ont exprimé de façon pacifique leur opinion en Tunisie et je salue le courage et la dignité du peuple tunisien a déclaré le président Obama en apprenant la chute de l’ancien dictateur. Compte tenu du comportement du « je dis une chose et je fais son contraire » adopté par le président américain depuis son arrivée au pouvoir, ces déclarations semblent avoir très peu d’impact sur le peuple tunisien. Ce dernier n’oublie pas que la désignation de Ben Ali à Varsovie n’était qu’une couverture à sa véritable activité en tant qu’agent de la Cia lors de la guerre froide, que ce sont encore les Etats-Unis qui l’ont « placé » à la tête du pays en 1987 et qui l’ont soutenu sous couvert du combat contre l’islamisme et le terrorisme. Ces deux « menaces » montrant des signes d’essoufflement, ce soutien a commencé à laisser percevoir des failles depuis quelques années. L’abandon de la lutte contre le terrorisme comme leitmotiv a laissé le régime de Ben Ali sans parrain. La publication des Tunileaks a révélé que les Etats-Unis exécraient Ben Ali mais qu’ils ne trouvaient pas de solution de rechange. Enfin le coup de grâce de l’armée à Ben Ali n’aurait pas pu se faire sans le feu vert des USA.

Force est donc de reconnaître aujourd’hui qu’ils ont joué de manière indirecte un rôle important dans la chute du Dictateur.

La question qui se pose est de savoir quel va être leur rôle dans la marche du pays vers la démocratie ? Sur quelles nouvelles bases leur collaboration avec le nouveau régime va-t-elle être fondée ? Et surtout de quelle manière les USA vont-ils poser leurs exigences de poursuivre la collaboration militaire et le maintien des « relations » avec Israel ? 

Israel

Non content d’autoriser la création de sociétés fictives pour le blanchiment d’argent en provenance d’Israel, les placements de la fortune de Ben Ali dans des comptes bancaires israéliens ne seraient plus secrets pour personne.

Dans un travail de sape mené sous forme de dossier spécial sur la révolution tunisienne, la presse israélienne ne contient pas ses craintes de voir cette révolution réussir et surtout de devenir contagieuse. « Les autorités israéliennes suivent attentivement la situation tout en s'inquiétant que la « révolution du jasmin » ne fasse tache d'huile au Proche-Orient » a déclaré Benjamin Netanyahou. « La dictature va revenir » titre le Ydediot Aharanot, quand Haaretz décrit la révolution tunisienne comme « un tremblement de terre.

Par ailleurs, une information du Yediot Ahahranot n’a pas manqué de retenir l’attention des lecteurs, celle de la laborieuse évacuation de 20 touristes israéliens détenteurs de passeports européens (conf. l’affaire Medhbouh à Dubaï) par le ministère des Affaires étrangères israélien. Pourquoi par le biais des ambassades européennes ? Qui sont-ils réellement ?

Selon des sources non officielles, depuis plusieurs années des agents du Mossad avaient élu domicile dans le bunker du palais de Carthage. Quelle était leur véritable mission ? On le saura peut-être un jour. En attendant et pour mieux comprendre les préoccupations israéliennes, il suffit de faire référence à l’une des dernières déclarations publiques de Yehud Olmert : « la chute du gouvernement de Moubarak si elle devait arriver, sonnerait le glas des accords de camp David ». Il semble avoir compris le mécanisme de ce que l’on appelle l’effet domino.

Fatma BENMOSBAH



16 réactions


  • pierrot pierrot 20 janvier 2011 12:40

    Il faut féliciter, à mon avis, l’admirable peuple tuninien qui a chasser le dictateur et sa famille mafieuse dans des conditions difficiles.
    Mais la lutte pour la démocratie en Tunisie continue pour que les amis du tran ne reviennent pas.

    J’espère que cette admirable révolution se propagera à d’autres peuples victimes de la dictature : Arabie, Egypte, Lybie, Syrie, Belarusie, etc. liste non exhaustive hélas.

    Bonne journée.


  • Henri François 20 janvier 2011 14:08

    à l’auteur,
    Et si une bonne fois pour toutes toutes ces « étrangers » s’occupaient de leurs oignons, qu’ils soient français, américains, israeliens, chinois ou martiens ! Même s’ils avaient des intérêts économiques ou stratégiques qui ne sont pas des priorités pour eux dans ce petit pays.
    Il suffit également de fantasmer, d’ergoter et d’inventer (« la fuite avec une tonne d’or » par exemple ou la présence du Mossad) au sujet du peuple tunisien. Laissons celui-ci se débrouiller tout seul comme il l’a fait jusque là. Tout en étant vigilant à ses côtés et seulement à ses côtés.
    Bien à vous.


  • nomadius 20 janvier 2011 14:25

    Le chaos en Tunisie rendrai l’Algérie malheureuse Madame. Les Algériens vivent les évènements en Tunisie comme s’il s’agissait de leur patrie. La stabilité de la Tunisie faciliterait la marche du Maghreb vers la démocratie et l’unité.


    • Fatma Benmosbah 20 janvier 2011 15:19

      Nomadius, je ne parle pas du peuple algérien, je connais bien ce peuple pour être moi-même de mère algérienne et je sais qu’aujourd’hui tout le peuple algéien, comme le peuple lybien sont à nos côtés. Je parle des gouvernements qui ne veulent en aucun lâcher le gateau qu’ils se partagent entre mafieux depuis des années

       Bien a vous 
      Fatma 

  • ddacoudre ddacoudre 20 janvier 2011 15:11

    bonjour fatma

    succincte, mais une analyse qui cerne bien les enjeux.
    un seul reproche Ben ALI n’était pas un dictateur, un dictateur (Chef d’État qui s’est emparé du pouvoir et qui l’exerce sans contrôle démocratique).ne se fait pas élire, ce sont des autocrates qui exercent une autorité quasi absolue. notre président français est un autocrate, pas du même acabit que Ben Ali, mais un tout de même.
    j’ai écrit deux articles qui vont à contre courant de l’information officieuse.
    en un mot je pense que les tunisiens se feront voler leur fronde, car ce n’est pas une révolution, ils ont seulement chassé leur président, et ne change pas d’institution.
    si le choix de ces termes a été fait, dictature et révolution, il faut rechercher se qu’il recouvrent.http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=87320.
    http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=87437.
    ddacoudre.over-blog.com .

    cordialement.


  • Philou017 Philou017 20 janvier 2011 15:38

    Un éclairage intéressant des « affaires arabes » à Charm Al Cheikh, et ailleurs :

    Les pays du Golfe se déchirent autour de la Tunisie

    Encore une fois le torchon brûle entre les pays du Golfe. En effet, les événements qui ont secoué ces derniers jours la Tunisie ont opposé le Qatar aux autres pays du Conseil de Coopération du Golfe.

    Ainsi, à Charm Al Cheikh, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères arabes en marge du sommet économique arabe, les oreilles de Kamel Morjan, ministre des Affaires étrangère tunisien ont sifflé lors de sa rencontre avec ses homologues Saoudien et Koweitien. Ceux-ci ont fait savoir au responsable tunisien qu’ils étaient très mécontents de la manière dont a été traité le président déchu Ben Ali. Ils ont également fait savoir qu’ils ne reconnaîtraient pleinement le nouveau gouvernement mis en place à Tunis que si celui-ci présentait quelques garanties notamment « politiques ». Zine El Abidine Ben Ali entretenait de très bons rapports avec les pays du Golfe et notamment avec les princes des Emirats et ceux du Koweït. D’ailleurs, et d’après des sources contactées par Maghreb-intelligence en Egypte, le ministre koweitien des AE, Cheikh Mohamed Sabah Al Salem Al Sabah s’est montré particulièrement « froid et arrogant » avec son homologue tunisien. Le prince Saoud Al Fayçal s’est lui aussi montré ironique en faisant allusion au rôle présumé joué par les « Etats-Unis du Qatar », comme il aime le répéter, dans la révolution du Jasmin, notamment à travers Al Jazeera. Dans ce sens, le premier ministre du Qatar Cheikh Jassim Ben Hamad dit fièrement à tous ses interlocuteurs que le Qatar vient de réussir la première révolution « cathodique » de l’histoire grâce à Al Jazeera.

    A lire aussi :
    Comment Zine El Abidine Ben Ali a été débarqué

    Le face-à-face Kamel Morjan/Mohamed Jegham

    Lybie : Les milices révolutionnaires quadrillent le pays


  • Hortus 20 janvier 2011 15:40

    Le salut du peuple palestinien serait-il passé par Tunis au soir du 14 janvier 2011... A mon sens le 14/1/2011 restera un événement autrement important que le 11/9/2001.


  • Crab2 20 janvier 2011 16:28

    Fatma BENMOSBAH écrit

    Par ailleurs, une information du Yediot Ahahranot n’a pas manqué de retenir l’attention des lecteurs, celle de la laborieuse évacuation de 20 touristes israéliens détenteurs de passeports européens (conf. l’affaire Medhbouh à Dubaï) par le ministère des Affaires étrangères israélien. Pourquoi par le biais des ambassades européennes ? Qui sont-ils réellement ? Fin de l’extrait

    C’eut été étonnant de ne pas trouver, quelque soit le sujet... la petite note antisémite...

    ’’Les juifs sont partout_ouoeee les vilains- pas beaux...’’

    La fille de l’arbitre

    http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2011/01/14/0-2011-la-fille-de-l-arbitre.html




  • diego149 diego149 20 janvier 2011 16:59

    Selon le professeur Robe Prince, membre des Peaces Corps
    Les Peace corps sont en fait de peace des supplétifs de la Cia envoyés par les gringos officiellement pour aider les peuples à se développer et officieusement travailler pour les intérêts de USA. Ici on connait bien on a déja donné... !!!!!


  • depassage 20 janvier 2011 17:35

    Bonsoir,
    Absolument rien à craindre la révolution tunisienne était spontanée donc par définition non prévisible, les régimes Arabes n’ont rien à craindre. Ils sont avertis et ont retenus la leçon...
    De plus la Tunisie sans vouloir enlever le mérite à son peuple est un nain économique, politique, militaire et démographique dans un prétendu monde arabe inexistant...


  • depassage 20 janvier 2011 17:39

    A Hortus,
    Sans vouloir te manquer de respect, tes pseudo analyses geopolitiques sont révélatrices de ton ignorance...


  • depassage 20 janvier 2011 17:43

    A Fatma,
    Article pitoyable, la femme de Ben Ali n’aurait pas fait mieux, penser que la tunisie est un pays important qui pourrait donner le ton dans un prétendu monde arabe ou modifier un tant soit peu une situation géopolitiques... Nous ne sommes plus au temps de Carthage


  • sonearlia sonearlia 20 janvier 2011 18:47

    Enfin le coup de grâce de l’armée à Ben Ali n’aurait pas pu se faire sans le feu vert des USA.

    Rien que pour ça je vote non a l’article.

  • spartacus le vrai pas l'autres !!! spartacus 21 janvier 2011 09:41

    Pour Info, il était bien prévu que Ben ali soit reçu en sauvetage par Sarko 1er, mais des milliers de Tunisiens-Français menançaient d’envahir le Bourget......Alors Nico dans un sursaut de courage inoui à dit Non BEN , il vient pas chez moi, mais on va bien garder au chaud ses comptes bancaires, t’inquiète...


  • ZEN ZEN 21 janvier 2011 10:54

    Merci pour l’article

    le coup de grâce de l’armée à Ben Ali n’aurait pas pu se faire sans le feu vert des USA.

    J’ai entendu hier que Mme Clinton aurait téléphoné directement au ministre tunisien des armées pour le convaincre de consommer sa rupture avec Ben Ali
    J’aimerais trouver une source fiable.


  • COVADONGA722 COVADONGA722 21 janvier 2011 11:39

    bonjour , outre que les quelques generaux tunisiens ne sont guere semblables culturellement aux mafieux étoilés algeriens « quasi tous passé par Frounzé »une différence notable peut expliquer pour partie la non implication de l armée tunisiennne .De mémoire l’armée de terre tunisienne est forte de 27/30000 h dont 24/25000 conscrit ce qui explique 
    son peu d’enthousiasme pour participer à la répréssion .A l ’inverse les genéraux Algeriens ont obligés leur paravent bouteflika à professionaliser l armée Algerienne.


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