Sarah Palin : le fléau de l’Alaska
Féroce militante anti-avortement, membre du lobby des armes à feu, ex-reine de beauté et impitoyable chasseuse d’ours, la colistière de John McCain est à l’image des pires "ploucs" de l’Amérique profonde.
"John McCain n’est pas assez à droite, c’est un centriste. Le choix de Sarah Palin comme colistière, c’est un signe fort envoyé à mon Amérique". Dick Sullivan, pasteur évangéliste, sosie de Porcinet dans les Looney Toons, ne cache pas sa joie sur Fox-News lors de la présentation de celle qui pourrait devenir la première vice-présidente de "ses" États-Unis. "La droite chrétienne et les lobbyistes vont enfin se réveiller. On les sentait un peu réticents, comme convaincus que tout était perdu. Avec elle, on a encore une chance de rester à la Maison-Blanche pendant quatre ans". Dick a fait le voyage vers Dayton (Ohio) en voiture avec toute sa petite famille. "On vient de l’Alabama, il fallait qu’ils voient ça ! Je savais qu’il y aurait une bonne nouvelle." Dick a voté pour le pasteur extrémiste Huckabee durant les primaires, on comprend sa joie.
La "bonne nouvelle" c’est donc Sarah Palin, 44 ans, gouverneur de l’Etat d’Alaska et ex-reine de beauté. Pour "rester à la Maison-Blanche", le parti de "Porcinet" a finalement misé sur une parfaite inconnue. Un choix risqué mais ciblé.
LE FLÉAU DE L’ALASKA
Du côté des avantages, on voit bien ce qui a pu jouer en sa faveur. D’abord son image. Sarah Palin est une femme, jeune et belle, parfaitement télégénique. Non pas que McCain souffre d’un déficit de charisme, c’est un très bon orateur, mais Palin compense sur ce point la vieillesse et les cheveux blancs du sénateur-candidat.
Sur le plan politique, la gouverneur d’Alaska est censée attirer les votes jusque-là réticents de la droite républicaine la plus intransigeante. La jeune femme est une féroce militante anti-avortement, anti-union homosexuelle, elle est membre à vie de la puissante NRA (National Rifle Association, le lobby des armes à feu) et tout naturellement favorable à la poursuite de la guerre en Irak. "Elle aime chasser, elle adore manger des hamburgers à la viande d’élan, elle possède un hydravion et elle a bien failli être élue reine de beauté de l’Alaska", comme le rappelle Libération. Ses valeurs correspondent à celles de l’électorat religieux pro-life, rural et rustique (et parfois raciste) du Middle-west.
D’un point de vue économique, le choix de Sarah Palin n’est pas non plus innocent. Les firmes pétrolières, et leurs milliards de dollars capables de faire et défaire une élection, ont certainement été sensibles aux positions anti-environnement de l’ex-miss qui, rappelons-le, gouverne le plus vaste et le moins peuplé des Etats d’Amérique. Or, l’Alaska est une réserve environnementale dont le sous-sol regorge de pétrole. L’élection de John McCain pourrait sonner le glas de cette exception écologique, mais offrirait de nouveaux débouchés aux firmes pétrolières. Et tant pis pour le protocole de Kyoto.
ERREUR STRATÉGIQUE
Les faiblesses de la veeps (vice-précidentiable) sont, elles, criantes. D’un point de vue comptable, Sarah Palin n’apporte pas d’Etat à John McCain. Les républicains y sont tellement sûrs de gagner qu’ils n’y font même plus campagne.
Dans la pratique, son inexpérience politique est abyssale. Palin, surfant sur sa notoriété de reine de beauté locale, s’est fait élire il y a seulement deux ans pour un bilan que l’on considère, jusque dans son camp, comme famélique. La gouverneur a essentiellement fait la une de la presse d’Alaska pour ses exploits à la carabine car "elle adore tirer sur les ours bruns et blancs", selon le Anchorage Daily News. Après sa nomination, certains membres influents du Parti républicain ont d’ailleurs déploré son "ignorance brute" des dossiers internationaux et se sont inquiétés qu’"en cas d’empêchement de John McCain, c’est elle qui deviendrait présidente des États-Unis". Alors que le candidat républicain a joué la carte de l’inexpérience supposée de son rival démocrate, "Barack Obama fait figure de vieux routier de la politique en comparaison de Sarah Palin qui apparaît comme une novice", nous explique Nicole Bacharan, politologue et spécialiste des États-Unis.
Du point de vue de la stratégie électorale, la nomination de Sarah Palin flirte carrément avec l’erreur politique. En effet, la jeune communiante va devoir faire face au redoutable Joe Biden lors des débats télévisés de campagne pour un résultat plus qu’incertain. Et que dire des femmes qui ne voteront jamais pour McCain à cause de ces positions anti-avortement trop affirmées. Toujours selon Nicole Bacharan, Sarah Palin est "le cauchemar des femmes démocrates américaines".
Dernière chose, et pas la moindre, la nomination surprise d’une reine de beauté inexpérimentée apparaît pour l’électorat comme le signe d’un début de panique face à la déferlante Obama. Or, selon Mathhew Doyd, directeur des campagnes électorales de G. W. Bush, cité par Le Post.fr, "Les Américains aiment les gens qui prennent des risques, mais veulent aussi s’assurer que leurs dirigeants resteront calmes même en temps de crise".
Réponse le 4 novembre prochain, pour le plus grand bonheur, ou désespoir, de Porcinet et de sa famille des Looney Toons.
P. Carnehan, Vinocrator, Paul Werner (The Boston Globe)
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