samedi 12 mars 2011 - par hommelibre

Séisme : l’admirable résilience des japonais

Les images sont parfois très dures, parfois étonnantes. Il y a cette vague noire qui avance et emporte tout, voitures et conducteurs, maisons et routes. Il y a ces vidéos dans les immeubles de Tokyo : ceux qui se précipitent sous les bureaux. Ceux qui restent immobiles, zen. Et cette solidarité d’une homme jeune qui fait de son corps un rempart pour protéger un homme âgé.

Il y a ces incendies qui allument la côte de feux sans artifices sur des centaines de kilomètres. Cette raffinerie en flammes, cette centrale nucléaire dont les autorités disent qu’elle ne présente pas de danger de fuite.

Il y a la ville de Sendai, sinistrée, broyée, noyée, en chaos. Paraphraser Alain Resnais et écrire : Sendai, mon amour.

Il y a ces morts et disparus. 1’000, plus peut-être.

Les japonais connaissent le risque. Il l’ont analysé et ont pris des mesures préventives. Mais rien jamais ne peut être garanti. Ils vivent avec le risque permanent de mourir dans les minutes qui suivent. Ils l’oublient. Ainsi ces jeunes gens vus aux informations ce soir, qui font semblant de rien. Les garçons draguent les filles avec la légèreté des êtres sans mémoire. Les filles sont belles, joueuses,. Les garçons montrent l’audace de ceux qui ont l’éternité devant eux.

La vie est là, au coeur du drame, alors que d’autres sont sous l’eau, enfermés dans leur voiture ou sous les décombres de leur maison. Alors que beaucoup commencent un deuil que la disparition du proche, emporté par le reflux, rendra très long.
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Vivre sur un fil. En équilibre entre être et disparaître. C’est le cas de tous les vivants. Au Japon c’est plus qu’une virtualité : c’est là tous les jours. Tous les jours la terre tremble et rappelle la fragilité de la vie. Chacun peut être le prochain. Ce n’est pas une question de statistique : combien de morts par accident, combien par maladie ? C’est presque prévisible. Au Japon rien de cela. Tous peuvent finir sous les décombres ou sous la vague, même si tous n’en sont pas victimes.

Et tous les jours les vivants montrent à cette terre insécure, instable, la force du vivant, le désir de vivre. Rien ne les arrête. Rien ne les fait renoncer à construire sur ces îles instables. Rien ne les décourage d’avoir des enfants et d’aller travailler tous les jours.

Ils viennent de vivre le pire tremblement de terre depuis plus de 140 ans. Ils savent qu’il y en aura d’autres, ces prochaines années, ces prochains siècles. Mais ils sont debout. La vie ne va que dans un sens. Elle ne recule pas. Si elle recule elle disparaît. Alors ils avancent, quoi qu’en dise ironiquement Alain Souchon.

Alors après la réaction à vif vient l’admiration. Cette résilience, cette capacité à revivre, à remonter, à rebondir, c’est la vie en eux. C’est la vie en nous quand nous sommes jetés à terre par les tremblements du coeur ou du corps.

Remonter après l’adversité, l’injustice, la blessure, la perte. Réparer le corps par la compassion. Réparer la dignité par l’intégrité. Revivre quand le silence s’abat sur nous.

Enfin, juste leur dire que nous pensons à eux.



54 réactions


  • Ariane Walter Ariane Walter 12 mars 2011 08:23

    J’aime bcp votre texte. très émouvant. je partage votre émotion, bien sûr.


  • amipb amipb 12 mars 2011 09:37

    Merci, hommelibre, pour ce texte et cette musique. Ma belle famille vit là-bas, et, même si tout le monde est sauf, nos cœurs battent pour eux en ces moments difficiles.

    Le peuple japonais a donné une formidable leçon au monde par sa force face à la colère de la nature.


  • Georges Yang 12 mars 2011 10:42

    D’accord d’apprécier le courage, le bon sens et le sang froid des Japonais, mais pourquoi utiliser ce terme stupide de résilience qui nous vient des psychologues anglo-saxons !


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 12 mars 2011 10:50

    Vrai que la vie ne tient à presque rien , et dire qu’ on se prend au sérieux .....


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 10:57

    C’est un terme largement utilisé en français, il est même devenu assez coutumier. On pourrait aussi parler de capacité d’adaptation ou de survie, mais c’est un peu plus que cela. Il y a cette notion d’origine : ne pas casser en cas de pression ou de choc. Et la psychologie lui attribue une volonté individuelle qui va plus loin que l’adaptation, ou qui en est distinguée parce qu’étant plus un moteur de l’adaptation qu’un mécanisme.

    Cela dit votre remarque est intéressante : d’un terme mécanique on est passé à une signification porteuse d’âme.


    • Georges Yang 12 mars 2011 11:07

      Oui, le terme est de plus en plus employé en français, en particulier dans l’humanitaire.
      La résilience alimentaire, c’est fermer sa gueule dans un camp de réfugiés quand on vous sert tous les jours du maïs alors que vous avez bouffé du manioc et des haricots toute votre vie !


    • Annie 12 mars 2011 11:50

      Bon commentaire George,
      La résilience, c’est reporter la faute sur ceux qui n’ont pas été assez résilients, plutôt que sur ceux qui leur demandent de « résilier » (résister, mais je n’ai pas pu m’empêcher) toujours plus et de s’adapter à des situations merdiques. L’utilisation du mot est loin d’être innocente.


  • Cocasse cocasse 12 mars 2011 11:45

    Quand on compare l’esprit des japonais, leur solidarité et leur organisation, avec ce qui s’est passé suite à l’ouragan katrina aux US, il y a pas photo.


  • easy easy 12 mars 2011 12:01

    Je ne trouve rien, à redire à l’emploi du résilience ici. Mais une masse de gens c’est plein de gens avec des vécus différents. Et quoi qu’on dise de cette masse, si on lui accorde un seul vécu, un seul psychisme, on dit une bêtise selon un point de vue plus individuel.

    Dans un accident ; il y a ceux qui le subissent très directement (par exemple ceux qui se retrouvent dans des tourbillons), ceux-là devront accomplir un certain travail de résilience (aidés par les autres) ; il y a ceux qui en souffrent indirectement (par exemple ceux qui ont des proches disparus), ceux-là devront accomplir un autre type de travail de deuil et de résilicence. Et il y a ceux qui ne sont pas touchés directement et qui voient dans ce bouleversement des cartes, des opportunités de faire progresser leur prométhéisme (cas d’un polderiste par exemple).

    A peine 48 h après un cataclysme, il y a déjà des gens qui proposent des projets. Pas ailleurs, non là, sur les lieux mêmes de la catastrophe. Ils participent donc forcément à la résilience et en seraient même le fer de lance. 

    On avait entendu des pêcheurs de Banda Aceh dire « Je ne veux plus vivre ici » Ils ne voulaient plus se battre contre ce risque. Mais au même moment où les survivants partaient sans bien savoir où, il y avait plus de gens, dont des « humanitaires », qui examinaient des projets de reconstruction carrément sur place. Et si finalement la vie s’est réinstallée au même endroit, c’est moins dû à la résilience intrinsèque des survivants et des bléssés que du prométhéisme des externes au moral excité
    par les opportunités.

    Même à petite échelle, celle que traite le psy, la résilience d’une personne tient à ce qui reste de ses ressorts écrasés par un drame mais aussi aux ressorts intacts de son entourage et la capacité (ou à la volonté) de cet entourage de lui en faire profiter. 

    Dire à une femme larguée qu’elle ne vaut donc plus rien n’a pas le même impact sur son moral que lui dire qu’elle va rencontrer mieux.

    Jean de Florette, Manon des sources, c’est l’histoire d’un jeune homme intrinsèquement résilient mais qui n’a pas été aidé par son entourage, au contraire.

    Concernant Sendai dont j’ignorais jusqu’à hier son existence et que je reconnaîtrais désormais un peu par son drame, dans l’énergie prométhéenne que l’extérieur va inévitablement lui apporter tant il y a d’argent à brasser, il lui sera proposé des projets pas forcément raisonnables.

    Le plus raisonnable serait de revenir à plus de superstition et donc de ne plus vivre si près de la mer, mais nul doute que les prométhée qui vont rappliquer vont proposer des digues, des polders, des appareillages de surveillance, des maisons sur pilotis, des villes flottantes, toutes sortes de choses pharaoniques pour défier le danger en son sein, pour l’épousailler, non pour s’en écarter.

    Quand on est coincé dans le bas de la pyramide de Maslow, on a peur du danger et on s’en écarte. Quand on se déplace en jet et en hélico, on n’a plus peur que de l’ennui et on fait du danger son amant.


    • Annie 12 mars 2011 12:47

      Vous parlez de deux choses qui sont complètement différentes. On peut comprendre la résilience comme vous l’expliquez, c’est-à-dire la capacité individuelle à faire face à des situations difficiles. Elle existe, elle est réelle et elle est différente pour chacun d’entre nous, mais elle peut être également collective, comme le montrent les réactions des populations touchées par les catastrophes.
      Il y a l’autre résilience, celle qui est désormais un objectif politique. Il ne s’agit plus d’aider les gens à s’adapter à des situations difficiles, mais de leur faire accepter la normalité de ces situations. Je prendrai un exemple, il vient d’Angleterre, mais je n’ai aucune raison de penser que cela ne se passe pas en France. Il existe maintenant des« programmes de résilience » dans les entreprises pour gérer le stress. La question est la suivante : jusqu’à quel point est-il raisonnable de gérer le stress ? ou plutôt jusqu’à quel point le stress est-il normal et doit être géré, plutôt que combattu ?


    • Georges Yang 12 mars 2011 13:17

      C’est tout à fait normal d’être stressé après un cataclysme ; Par contre les psychologues prédateurs voudraient rassurer les gens sous les décombres plutôt que de les en sortir.
      Sale race, les psychologues, encore pire que les écolos.


    • Annie 12 mars 2011 13:23

      Là j’arrête de vous suivre. Je suis d’accord pour ne pas médicaliser le stress, sauf quand il devient pathologique et empêche les gens de fonctionner.


    • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 13:25

      Georges, je ne comprends pas ce que votre diatribe contre les psychologues vient faire ici.


    • Georges Yang 12 mars 2011 13:40

      Les psychologues n’attendent pas que le stress devienne pathologique, là où ils seraient utiles, mais ils pathologisent le stress qui est leur fond de commerce.


    • slipenfer 12 mars 2011 13:50

      chyang !
      Bien le doc tu peu t’associer avec doctory
      lui il veut ouvrir des camps,gardés par des
      militaires pour y interner les toxicomanes
      vous pourrez bosser ensemble,tu y mettras
      tes écolos et tes psycolo en +.
       


    • easy easy 12 mars 2011 13:54

      Bonjour Annie

      «  »«  »«  »«  »«  »Il y a l’autre résilience, celle qui est désormais un objectif politique. Il ne s’agit plus d’aider les gens à s’adapter à des situations difficiles, mais de leur faire accepter la normalité de ces situations. Je prendrai un exemple, il vient d’Angleterre, mais je n’ai aucune raison de penser que cela ne se passe pas en France. Il existe maintenant des« programmes de résilience » dans les entreprises pour gérer le stress. La question est la suivante : jusqu’à quel point est-il raisonnable de gérer le stress ? ou plutôt jusqu’à quel point le stress est-il normal et doit être géré, plutôt que combattu ?
       «  »«  »«  »«  »« 


      Je n’arrive pas à voir la différence.

      Je n’arrive pas à voir qu’il y a d’un côté une résilience qui va à refuser la mort de notre enfant et de l’autre une résilience qui va à l’accepter. Je ne vois pas une résilience qui va à dire qu’une situation susceptible de traumatismes est belle et une résilience qui va à dire qu’elle est moche.

      Il me semble que dans tous les cas, la mort d’un proche ou un coup de poing sur le nez c’est moche et qu’il faut trouver du ressort pour ne pas s’effondrer, pour se remettre en marche malgré le constat que la vie n’est pas rose et que ce ressort qui nous fait nous relever (ressort d’énergie intrinsèque + extrinsèque) a été nommé résilience.




      Par contre, ce que je vois bien plus nettement, c’est la nuance entre la résilience révélée a posteriori, après un choc ou un stress et la résilience acquise par entraînement aux chocs et aux stress à venir (ce que les entraînements militaires ont toujours su faire et ce que les entreprises sont tentées de faire. A la fois pour rendre la troupe moins frileuse aux coups à prendre et à la fois pour la rendre moins scrupuleuse d’en donner)


      Concernant la résilience par entraînement, elle peut comporter deux volets essentiels. Un premier qui tendrait à dire que le choc futur sera bonificateur ou gratifiant »Tu en sortiras plus dur« , le second qui tendrait à dénier ou renverser la transcendance négative de ces chocs.

      Un coup de poing sur le nez, ça fait mal au nez et à l’orgueil. On peut entraîner les gens à mieux supporter ces deux douleurs. Sur le nez, l’entraînement consistera, comme dans la boxe, à prendre régulièrement des coups jusqu’à moins les ressentir et sur l’orgueil l’entraînement consistera à le déplacer ailleurs. Par exemple sur le fait d’appartenir à une élite capable d’encaisser les coups »Nous on est les marines, on n’est pas des mauviettes, on est les meilleurs« .


      Concernant la résilience par entraînement, les soldats et les commerciaux la connaissent par l’armée ou par leur entreprise. Pour les gens qui n’en sont pas, leur entraînement vient des Grandes Gueules. Ce sont elles qui exposent des idées jusque là négatives en renversant leur sens pour les rendre acceptables : »Qu’on les rejette à la mer"


       


    • Annie 12 mars 2011 14:25

      Vous ne voyez pas la différence parce que nous parlons de choses différentes : je ne parle pas des ressources insoupçonnées que les gens se découvrent en cas de coups durs (ou que l’on peut aider à découvrir), quoique dans l’exemple de la mort d’un enfant, ces ressources sont limitées.
      Je parle du glissement de language qui fait que la résilience comme on l’entend aujourd’hui consiste à faire gérer aux autres des situations inacceptables, qu’il s’agisse aussi bien de gérer le stress dans les entreprises créé par les pratiques managériales qui rendent les gens malades, ou la pénurie alimentaire qui est chronique dans certains pays, plutôt que de changer le style de management ou de distribuer des vivres à ceux qui ont faim. En intervenant d’une manière préventive et en développant la résilience aux chocs, on déplace d’abord les responsabilités et on se dédouane ensuite en retardant dans le meilleur des cas ou en écartant dans le pire toute intervention. 
      Pour vous aider à comprendre ce que je veux dire, demandez-vous pourquoi il n’y a plus de famines aujourd’hui mais seulement des situations de précarité alimentaire. Les deux expressions font référence à la même situation, mais conditionnent des réponses différentes. Les mots ne sont jamais innocents.


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 13:16

    @ Annie (et Georges) : Merci d’avoir précisé l’objectif de votre intervention.

    On peut fabriquer des ascenseurs pour faciliter la vie des gens, mais pour les utiliser il faut d’abord qu’ils sachent tenir sur leurs propres jambes. L’absence ou l’éradication du stress est à mon avis une vue de l’esprit. On peut par contre lutter contre l’excès de stress et certaines formes qu’il prend. Mais un certain stress est utile. On peut citer sur un plan très concret le stress immunitaire que représente une invasion virale. Si nous n’étions jamais atteints par des infections nos défenses ne se constitueraient pas normalement.

    Donner à l’individu un milieu trop protégé de tout est de nature à l’affaiblir individuellement et collectivement. Cela dit le fait de développer une résilience individuelle n’est pas opposé à une gestion externe ou collective de la situation. D’ailleurs la notion même de résilience implique un soutien externe, privatif et/ou professionnel. Mais le soutien externe a besoin aussi de la force propre de l’individu. Il y a un équilibre à trouver. Une navette entre l’individuel et le collectif.

    Pour ma part je privilégie légèrement l’individuel, pour ne pas donner au collectif, aux « autres », à l’Etat ou à n’importe qui une trop grande emprise sur l’individu, qui reste la molécule fondamentale sur laquelle le tissus collectif se construit.

    Donner trop de place aux autres dans la responsabilité de sa vie ne me convient pas. C’est en prenant ma propre responsabilité que je trouve de la force. Se plaindre du monde ne le change pas. Les japonais pourraient aussi se lamenter et de se plaindre du monde et de leur île, puis venir habiter dans les plaines stables de la Beauce. Ils devraient se serrer un peu...

    Mais bien sûr cela dépend aussi des situations et des circonstances. Si un conducteur ivre vous percute sur un trottoir vous n’en sortirez probablement que grâce à une hospitalisation, soit à une dépendance presque complète des autres.

    Vous avez amené le débat sur une autre question. Nous parlons de deux choses différentes.


    • Georges Yang 12 mars 2011 13:28

      Oui , il ne faut pas oublier les Japonais, mais compatir ne sert à rien. Les Japonais sont polis, alors ils acceptent l’aide étrangère, mais il sont capables de se débrouiller par eux-mêmes. J’avais apprécié l’attitude de l’Inde après le tsunami, ce n’était pas un comportement de geignards comme en France et dans certains pays du tiers-monde.
      Annie, tout à fait d’accord, la résilience, c’est « ferme ta gueule » pendant qu’on s’occupe de toi scandé par les Agences UN.


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 13:21

    @ Easy : la sollicitude des autres peut en effet conduire à maintenir une situation insatisfaisante comme vous le soulignez. En même temps beaucoup de gens restent dans leurs ancrages et reviennent d’eux-mêmes sur les lieux ou dans les comportements où ils ont souffert. Ils y ont leurs repères, leurs racines.

    Sur un plan pratique on peut reconstruire une ville ailleurs. Mais au Japon, l’ailleurs n’est guère différent en matière de risque, où que l’on soit. De plus reconstruire une ville pour par exemple 100’000 habitants peut prendre 10 ou 20 ans. Pendant ce temps les gens doivent être logés.

    Il faudrait construire avant la catastrophe pour ne plus être ensuite dans l’urgence.


    • easy easy 12 mars 2011 14:33

      Reconstruire ailleurs.

      Une centrale a besoin à la fois d’avaler de l’eau froide et de recracher de l’eau chaude (inévitablement un peu radioactive, même en troisième, même en cinquième circuit).
      Sauf à disposer d’un autre énorme échangeur thermique, on va donc à installer les centrales au fil de grandes masses d’eau. Par exemple au bord de la mer. Certes. M’enfin installer une centrale nucléaire au ras d’une mer constamment tsunamisée, c’est bien plus prométhéen que poule mouillée ou chat échaudé.

      Un port, il faut forcément qu’il soit au ras de l’eau, alors d’accord. Des serres, il faut forcément que ce soit sur terrain plat et comme il n’y en a qu’au bord de la mer, d’accord aussi. Mais autour de ce port, autour de ces serres et potagers, construire des maisons puis des magasins, puis des écoles, puis des pompiers puis des trains puis des aéroports, c’est mépriser systématiquement la superstition, la peur du danger et c’est adorer Prométhée, l’audace et la gloire (gloire et prudence étant incompatibles)

      Les prométhéens sont attirés par les endroits où il y a le plus d’argent, ça va de soi, mais où il y a aussi des superstitions et des traditions à dézinguer. Leur prométhéisme n’en prend que plus de relief.


  • Georges Yang 12 mars 2011 14:28

    Vous devez noter que je ne critique pas votre texte, mais pour moi, le terme résilience est plus que douteux. On en reste là !


    • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 16:11

      C’est ainsi que j’ai compris vos interventions, mais je ne partage pas votre appréciation sur la notion de résilience.


  • Kalevala 12 mars 2011 15:35

    je ne voie pas que viens faire la résilience dans cette catastrophe ?
    Il y aurait ’il pas un abus de langage ?


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 16:10

    @ Kalevala : non, le mot est à mon avis adapté.

    Définition selon psychologie.com :

    " Définition du mot Résilience : Faculté à « rebondir », à vaincre des situations traumatiques.

    La résilience est la capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou génératrice de stress."


    • Annie 12 mars 2011 16:34

      Et à ce moment-là, que dit-on lorsque cet individu ne « rebondit » pas, qu’il n’était pas assez résilient ou que la situation était trop traumatique.


    • Kalevala 12 mars 2011 18:23

      La Résilience est en rapport est une faculté de l’âme et de son psychisme  qui à surmonter des situations traumatiques de sa biographie, permet de développer de des dons de thérapies pour l’humanité.

      <<En psychologie, on s’en sert pour désigner la capacité de se refaire une vie et de s’épanouir en surmontant un choc traumatique grave. Il s’agit d’une qualité personnelle permettant de survivre aux épreuves majeures et d’en sortir grandi malgré l’importante destruction intérieure, en partie irréversible, subie lors de la crise.>>

      http://www.redpsy.com/infopsy/resilience.html
      « capacité  à bien vivre et à se reconstruire après un traumatisme »
      <<Boris Cyrulnik nous précise bien qu’un deuil ne se fait pas avec l’oubli. L’oubli serait une sorte d’abandon et l’apaisement ne peut se produire en abandonnant l’être perdu. Il dénonce parfaitement le fourvoiement de certains confrères qui voient malencontreusement dans le deuil un mécanisme d’éloignement et d’oubli, qui permettrait d’aller de l’avant.>>

      http://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/resilience.htm


    • Annie 12 mars 2011 18:38

      @Kalevala,
      « On a compris en effet que la pire catastrophe est insuffisante par elle-même à créer un trauma chez les personnes qui y survivent ; il faut en plus que la personne se perçoive comme une victime. En s’en tenant à la compassion bienveillante, les intervenants peuvent réduire la personne à son identité de victime et lui compliquer le combat pour la survie en la privant des motifs de fierté dont elle aurait besoin ».

      Voila pourquoi ce genre de théorie est complètement décrédibilisé par ce type de commentaire. D’abord, cela n’est pas « on a compris » mais « la personne qui parle qui a compris », parce que malheureusement dans ce domaine, il n’y a aucune unanimité.
      En fait ce commentaire est une insulte à tous ceux qui souffrent des conséquences de traumatismes exceptionnels, puisque ce qu’implique le commentaire est que cela ne leur arriverait pas s’ils ne s’étaient posés en victimes, parce qu’on leur a démontré une compassion bienveillante. Il faudra m’expliquer comment des gens arrivent 5, 10 ou 15 ans après un événement traumatique à développer un état de stress post traumatique, alors qu’ils étaient parvenus à vivre une vie relativement normale, sans jamais avoir été un objet de compassion, pourquoi des gens comme Bettleheim ou Levi n’ont jamais pu surmonter totalement l’expérience des camps de concentration. Parce qu’ils se posaient en victimes, ou bien parce qu’ils étaient réellement des victimes, et que la nature ou l’accumulation de certains événements traumatiques, fait qu’aucune résilience au monde ne pourra jamais en venir à bout ?


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 17:07

    @ Annie : on peut dire plusieurs choses.

    - soit en effet il n’est pas assez résilient, il n’a pas reçu les modèles et l’affections adéquats dans l’enfance Puisqu’il est considéré que le résilience s’acquiert) ; bien que sur ce point je pense qu’il y a des conditions antérieures encore, peut-être d’ordre constitutionnel (physiologique) qui facilitent la capacité à rebondir ;

    - la situation est trop traumatique pour les moyens dont dispose un individu à une moment donnée ; il ne va pas forcément se laisser mourir mais pourrait faire une dépression chronique, ou baisser les bras, ou se laisser porter par les événements plus que décider sa vie ;

    - les facteurs extérieurs n’ont pas été adéquats ou suffisants pour le soutenir, puisqu’il est admis que ces facteurs sont importants dans la résilience.


    • Kalevala 12 mars 2011 19:01

      @ Annie et Hommelibre, la résilience est un acte d’auto-thérapie. bien sur il peut être enseigner comme exemple à suivre, mais il faut pas se tromper. Les êtres qui vive cela, en vérité ne sont pas légion.
      Quand je n’interroge sur le titre par cette question ; je ne voie pas que viens faire la résilience dans cette catastrophe ? c’est que je voie l’utilisation du mot de la résilience comme inappropriée.
      Ce serait pas plus tôt fatalisme qui faudrait comprendre ?


    • easy easy 12 mars 2011 19:51



      Salut Kalevala,

      «  »«  »« Ce serait pas plus tôt fatalisme qui faudrait comprendre ? »«  »


      Je me trouve à répondre avant Hommelibre. Qu’il veuille bien m’en excuser.

      Le fatalisme est tout à fait substituable à résilience dans le cas des catastrophes naturelles.
      C’est preque la même chose.

      Il pourrait y avoir une petite différence.
      Le fatalisme à lui seul, irait à considérer d’abord qu’il n’y a eu de méchanceté de la part de personne, pas même de Dieu. C’est un point très important qui laisse intact le droit de se relever. Mais cela n’implique pas que le sujet profite de ce droit ouvert pour se relever ; Le fatalisme ne conduit pas forcément à la reconstruction. Il peut même souvent conduire à considérer que « Bon, puisque c’est tombé, laissons tout ça en tas et allons plutôt taquiner le gardon »


      La résilience indique un ressort, une dynamique de reconstruction. Et contrairement au fatalisme, il ne semble pas qu’on évoque la présence ou non de méchanceté (humaine ou divine). Dans la résilience, que le sale coup soit venu du ciel ou d’un Peau-Rouge, on se relève et on rebâtit. Dans l’acception de la résilience, on ne se contente pas d’accepter la ruine, on reconstruit.

      Etant entendu qu’une résilience à une grosse catastrophe naturelle s’établit aisément alors que la résilience à une toute petite méchanceté humaine est très difficile à établir. 


    • Kalevala 12 mars 2011 20:13

      @ easy le fatalisme aussi donne cette faculté à reconstruire. C’est un état d’âme d’acceptation, de résignation, à ne pas confondre avec la résilience qui est une auto thérapie.
      Dans une cas de cette catastrophe, on ne peut pas parler de résilience du peuple japonais. Par contre il faut reconnaitre, les leçons qui ont tirer de leurs expériences des précédents séismes. Et il ne faut pas oublie dans ce débat, d’avoir une pensé pour ce millier de morts et disparues.
      Qui sans doute si cela ce serait produit en France aurait fait beaucoup plus de victimes.


  • morice morice 12 mars 2011 18:37

    c’est pas les japonais, c’est la Lune.


    alors, ce parti suisse d’extrême droite dont vous faites partie ????

    homme libre ou homme cible ?

    gravos le soi disant libre :


    ya pas vous avez un sacré problème mon vieux !

    8. Les hoministes dénoncent la montée en force des idéologies misandres. Ils affirment leur existence masculine comme aussi fondamentale et importante que l’existence féminine. Attachés à l’égalité des genres et des sexes, ils combattent fermement tout déni, discrédit, discrimination, accusations et réécritures de l’histoire diffamantes à l’encontre de la moitié masculine de l’humanité. 


    un sacré problème oui...



    • Georges Yang 12 mars 2011 20:32

      Morice est un cuistre exalté et brouillon, ne tenez pas comptez de ses délires


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 12 mars 2011 20:36

      On a pas le droit d’ insulter ici , donc Morice n’ est  ni un gros con , pas un salopard , un trouduc non plus , juste un citoyen très moyen ....


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 18:43

    Morice le troll troll troll... bête et malhonnête. Menteur et calomniateur... Cerveau mou, cerveau-lent... Aller, je replie. Il est pire qu’une nappe de mazout.


  • easy easy 12 mars 2011 19:00

    On sort du sujet Japon mais bon, résilience en titre oblige.

    Je dirais de la résilience comme Hommelibre à des poux près.

    Le côté inné de la résilience, de l’intelligence ou de la sensualité, je ne regarde pas (pas possible de se faire une idée sûre) mais le côté acquis de l’intelligence, de la sensualité, de la résilience, j’y crois.

    Et l’acquisition de la réslience se fait chapitre par chapitre, sujet par sujet, question par question. On peut, par notre vécu, être très résilient à un coup de poing mais pas à une insulte, ou être résilient à l’inverse. Un Japonais peut rester courageux après un tremblement-de-terre et être déprimé parce que son patron l’a traité d’incapable. 

    Oui, les Japonais sont résilients aux tremblements-de-terre, d’autant qu’ils ne peuvent être imputés à la pollution ou au réchauffement climatique. Mais cette résilience va de soi. Les TDT ont toujours été considérés par la Japonais comme consubstantiels à leur terre, et à force, à leur peuple, à leur culture. Tout en tient compte (maisons légères) 
    Aucun drame consécutif à un TDT ne peut être mis sur le compte d’une inconduite et c’est au contraire le courage à se relever de cette adversité partagée par tous au même moment, au même endroit, qui révèle la bonne conduite de l’individu. 

    N’importe quel peuple, avec n’importe quel génome, serait installé sur ces îles depuis des millénaire, ses gens seraient aujourd’hui aussi résistants aux cataclysmes que les Japonais.


    Mais Hommelibre reprend le poncif selon lequel pour porter une part intrinsèque de résilience, il faudrait avoir été aimé dans son enfance. 
    On ne peut pas tirer quoi que ce soit de sûr, de mesurable, de reproductible ou de prévisible d’une telle assertion et on pourrait donc aussi bien affirmer le contraire.

    S’il y avait à dire quoi, du duvet ou de la pierre, est plus formateur de la résilience, j’irais certainement à répondre que c’est la pierre.

    Mais ça dépend tout de même de quelques points d’articulation
    . Par exemple, Rudyard Kipling avait dit à son fils de 15 ans « Si tu te relèves de mille turpitudes, tu seras un homme mon fils » Face à cela, son fils devait trembler de la perspective de ces terrifiantes épreuves à traverser debout pour mériter d’être appelé homme par son père. Terrifiant. Il n’a d’ailleurs pas eu le temps de tester beaucoup la vie. Mais s’il avait survécu à la première guerre mondiale, s’il avait vécu plus longtemps, chaque fois qu’il se serait sorti d’une épreuve, il se serait dit que son géniteur était fier de lui. Ce qui encourage à ce jeu de résistance.

    Tandis qu’Hervé Bazin pouvait considérer, au contraire, que sa mère aurait été contrariée qu’il se relève de turpitudes. 

    Se relever de décombres oui mais pour qui et de quel droit ? (Ce droit étant donc très altéré quand on a des géniteurs qui semblent regretter de nous avoir chiés (c’est bien le terme qu’ils utilisent alors) 

    Mais là encore, des circonstances externes marquées peuvent influer plus que les géniteurs sur notre libido vitalis.

    Martin Grey, Juif en galère de Varsovie, s’était relevé de mille turpitudes y compris après la guerre. Mais c’est pendant le gheto qu’il avait construit sa détermination. Si ses parents ne l’avaient pas encouragé à lutter, ses coreligionnaires l’auraient fait. Il a donc pu se sentir un devoir de résister ordonné par sa communauté. 

    Primo Lévi pareil, qui a tant écrit, après la guerre et son passage en camp, qu’il fallait se relever. Mais va savoir pourquoi, il a fini par se suicider quand même. 

    La résilience c’est sujet par sujet et moment par moment, conjonction par conjonction. 

    Et quoi qu’il en soit, la résilience aux TDT, par un peuple qui en a l’habitude, c’est la moindre des résilience. Il n’y a aucune performance individuelle ou collective là-dedans.

    Leur résilience aux deux bombes serait plus étonnante m’enfin, ça avait beaucoup de similitudes avec un TDT. 

    C’est leur résilience globale (à l’échelle du peuple) face à leur défaite de 45 qui ressort comme étant remarquable. Idem pour les Allemands et les Italiens. Voilà des peuples qui n’étaient pas du tout nés pour se retrouver à genoux et qui se sont tout de même relevés de cette humiliation. 

    Mais n’est-ce pas le propre de tous les peuples de toujours se relever ? 
    Quel peuple au monde aurait déprimé, se serait suicidé ? 
    Quel peuple a baissé les bras ? 

    Un peuple est automatiquement résilient. Et plus l’individu est socialisé, plus il profite de la résilience de son peuple.

    Se relever est nettement moins évident pour ceux qui se sentent exclus ou rejetés à la mer.


    • epapel epapel 12 mars 2011 20:52

      Sans compter que les japonais sont particulièrement bien éduqués et sensibilisés en matière de comportement face aux séismes et que la prévention des dégâts au Japon est une des plus performantes du monde.

      Ce n’est pas de l’amour, c’est du savoir-faire, de la technique, des moyens et de l’entraînement.


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 20:13

    @ Omar 33 : compassion et solidarité envers les japonais, certainement, oui. C’est le sentiment premier que j’ai eu en écrivant ce billet.

    Le sentiment suivant a bien trait à cette résilience qui fait débat, et j’en remercie chacun ici car le débat est aussi sinon plus important que le billet. En cela nous somme bien dans une Agora.

    En fait ce qui m’interrogeait avant de poster ce billet était de faire de la résilience un fait collectif à un peuple alors qu’en psychologie elle est définie comme un fait individuel. Toutefois j’ai considéré qu’une force collective joue aussi sur la manière dont un individu se gère.

    Sur la question de l’affection reçue dans l’enfance qui favoriserait le potentiel de résilience, c’est une thèse défendue par exemple dans psychologie.com. Je suis d’accord que cela est peu quantifiable, pas plus que les éventuels éléments constitutionnels que j’évoque plus haut. Rien n’est quantifiable avec certitude.

    Aucun peuple ne se suicide collectivement, en effet. Et peut-être tout peuple vivant dans ce pays aurait développé la même force psychique. Enfin, peut-être. Là non plus on n’en sait rien.

    Outre la compassion et la solidarité envers les japonais, il y a aussi une comparaison entre ce peuple qui se bat pour la vie, prévient, anticipe autant que possible, et par exemple une forme de négativisme que l’on connaît en Europe, individuellement ou collectivement. Je n’entends pas les japonais se poser en victime, alors qu’ici nous nous posons si facilement en victimes.

    Easy, que je lis à l’instant répond bien à la question du fatalisme, j’allais dire la même chose. (Easy, pas de problème de préséance à répondre ! Le dialogue est ainsi fait).

    Annie et Kalevala, la vérité doit se tenir à cheval sur les deux positions. Se considérer en victime peut être nécessaire pour passer à autre chose, mais peut aussi maintenir en état passif devant l’adversité. Et il est vrai aussi que malgré une résilience apparente certaines personnes restent profondément blessées. Je rejoins aussi Easy sur ce point que l’on peut survivre à l’écroulement de sa maison, mais pas à une blessure d’estime.


    • Kalevala 12 mars 2011 20:34

      @ Hommelibre : <<Annie et Kalevala, la vérité doit se tenir à cheval sur les deux positions. Se considérer en victime peut être nécessaire pour passer à autre chose, mais peut aussi maintenir en état passif devant l’adversité>>

       La résilience est justement dépasser le stade de vivre une injustice à son encontre et de développer de la compréhension pour autrui.
       
      Je trouve dans ce passage une argumentation malsaine.<<Se considérer en victime peut être nécessaire pour passer à autre chose,>>
      On n’a pas besoin de se sentir victime pour réaliser que l’on est victime. Les personne interner dans les camps Nazis où dans d’autre le savent très bien.
      C’est pourquoi je préféré ne taire que continuer cette discutions oiseuses.
       Elle prend un caractère de plus en plus malsain.


    • Annie 12 mars 2011 20:44

      @hommelibre,
      Ce sera ma dernière contribution parce que je reconnais que ce n’était pas le sujet de l’article. Lorsque vous dites : « la vérité doit se tenir à cheval sur les deux positions », c’est tout à fait vrai, mais malheureusement l’attitude vis-à-vis des personnes traumatisées dépend moins des dégâts psychologiques dont elles souffrent à la suite d’un traumatisme, que de la construction sociale que se fait un psychologue de la souffrance mentale. C’est pour cela que la discussion a été intéressante parce que cette compréhension (ou manque de) de la souffrance mentale à la suite d’un traumatisme conditionne l’approche qui sera adoptée face à cette souffrance. Je ne crois pas que les gens soient traumatisées parce qu’on leur a démontré une compassion bienveillante, mais ils le sont certainement par manque de compassion, la compassion étant un premier pas pour valider une expérience traumatisante.


    • easy easy 12 mars 2011 22:09

      Victime
      Je vois ce mot apparaître et j’ai trop envie d’en parler.

      Passons sur « victime de tremblement-de-terre » . Passons sur les catastrophes naturelles.

      Allons plutôt sur les catastrophes individuelles non méchantes (décès accidentel ou par maladie ou par vieillesse d’un être cher et indispensable) et sur les catastrophes individuelles d’origine méchante ou répressive (coup de poing dans le nez, viol, vol, prison, torture..). Dans tous ces cas, puisque la personne se retrouve à subir et à subir quelque chose de pénible, le qualificatif de victime peut s’appliquer à elle, si l’on est très large.

      Cette victimisation (dans le vocabulaire en tous cas) est si large que finalement, tout individu peut se dire victime, sinon d’un voisin teigneux ou du fisc, au moins de moustiques, de grêle ou de virus. Ca dévalorise ou vulgarise tant cette désignation, ce titre, qu’il ne vaut plus grand chose aux yeux de la personne qui aurait bien besoin d’énergie pour se relever.

      Ainsi, quand bien même on reconnaîtrait à la victime d’une arnaque son statut de victime, ce n’est pas cela qui va la consoler.

      Je sais pour l’avoir entendu mille fois comme vous qu’il se dit que la reconnaissance du statut de victime vaut à celle qui en bénéficie, une délivrance.

      Hélas, on a bien vu que la personne effondrée se sentait coupable alors on a eu le réflexe de considérer que le statut de victime (qui semble valoir sens inverse) la sortirait de sa culpabilité.

      On est allé trop vite. Ce n’est pas la culpabilité qui a poussé Primo Lévi ou Leslie Cheung à se suicider. Leur accorder le statut de victime ne les aurait aidés en rien. Etre déprimé ce n’est pas se sentir coupable. On peut se sentir très coupable et l’être vraiment, tout en ressentant fortement le droit et même le devoir de vivre (Cf Mission)

      Ce qui nous mine le plus c’est l’impression que nous n’avons pas droit à une place sur Terre. C’est cela qui nous donne l’envie d’en partir, le plus vite possible.

      Se sentir à sa place sur Terre, voilà le truc important qui doit venir des parents et si possible de l’environnement proche. Car les plus lointains émettent très souvent des messages qui nous disent « Casse-toi pov con » ou « retourne à la mer ». Yaka voir sur ce site.

      Et à force d’entendre des « Casse-toi’ on est cassé. Surtout si l’on n’a pas été très bien accueilli par ses parents, par ses proches. Surtout si l’on trimbale depuis l’enfance un doute sur notre bonne place en ce monde.



      Chaque village pourrait afficher »Bienvenue à tous« en lettres gravées dans l’airain ou le marbre, à ses entrées.
      Aucun village ne le fait.
      Lorsqu’une banderolle annonce à peu près ça, elle limite la période ou restreint l’accueil à une cible particulière. 

      Chacun tient à pouvoir rejeter qui il veut quand il veut. Chacun tient à pouvoir trier, sélectionner, discriminer.

      Jamais une commune ou un pays ne s’engage à faire tout le temps bon accueil à n’importe qui.

      Chacun de nous comprend, vers 15 ans, qu’il n’est jamais bienvenu partout et tout le temps. Les rares qui se sentent bourrés de trésors peuvent considérer qu’au vu de ce qu’ils apportent ils seront forcément acceptés tout le temps et partout, mais ceux qui se sentent les mains vides en doutenbt. Et celui qui doute déjà d’être le bienvenu, s’il entend une seule fois »Casse-toi« , il peut s’effondrer.

      Comment un psy pourrait-il relever à lui seul un individu qui ne se sent pas le droit de vivre, alors que ce qui compte le plus pour chacun de nous c’est l’accueil que nous réserve ou que nous promet le genre, la classe, le clan, le village, le peuple, la masse ?

      Nous le savons très bien que c’est l’accueil de la masse qui nous importe puisque nous lançons non pas »Je te trouve con« mais »T’es con«  ; nous ne lançons pas »Je ne veux pas de toi« mais »On ne veut pas de toi« . Dans toute attaque, nous cherchons à ruiner profondément l’autre. Alors nous gonflons notre importance, notre autorité, nous nous faisons boeuf et nous insultons au nom d’un »On« valant »Nous tous".
       
      Examinons les insultes, leur construction, leur mécanisme et nous saurons tout de l’Homme. 


    • Annie 12 mars 2011 22:30

      @Easy,
      J’avais dit que je n’interviendrai plus, qu’on me pardonne. Vous dites : « Ce n’est pas la culpabilité qui a poussé Primo Lévi ou Leslie Cheung à se suicider ». Je ne suis pas dans leur tête, mais je peux vous dire que le sentiment de culpabilité est une constante dans les cas de traumatismes autres que ceux provoqués par des catastrophes naturelles (et aussi parfois dans ce cas). Je prendrai l’exemple des camps de concentration qui est extrême et bien documenté, mais les exemples abondent . La survie des rescapés des camps a souvent été tributaire de leur inaction ou de leur passivité, face aux sévices subis par d’autres prisonniers, ou de quelques miettes de pain dérobées à d’autres prisonniers. Parfois, cet instinct de survie les a poussés à commettre des actes qu’ils ne pouvaient s’imaginer commettre dans leur vie antérieure. Ce sont toutes les valeurs qui sont remises en question, l’estime que l’on se porte et la place que l’on occupe dans la société. Le sentiment de culpabilité est un élément incontournable de ce type de traumatismes.


    • easy easy 13 mars 2011 00:18

      @ Annie,

      Pardonnée sans problème.

      Le cas des gens affamés par les nazis ou obligés de vendre leurs parents pour échapper à la mort est spécial. S’ils survivent, ils portent une culpabilité qui les mine. Ca semble bizarre à beaucoup.
      Similaire, mais plus curieusement encore, pour ceux qui échappent à un attentat à la bombe alors qu’il y a eu vingt morts autour d’eux.

      Mais on voudra bien relever qu’un rescapé d’explosiion accidentelle ne ressentira pas cette étrange culpabilité (s’il ne doit pas sa survie à la mort d’un autre ou s’il n’a pas perdu un amour dans ce drame)

      En effet, quand on survit à une méchanceté (camp nazi ou attentat) on ressent une très pénible culpabilité mais si elle semble curieuse ou paradoxale c’est parce que son véritable ressort est là où je l’ai dit, à savoir dans le sentiment peut-être inédit, peut-être récurrent mais en tous cas très fort que des gens ne veulent pas de nous sur Terre et que nous devons en partir. Coupable de ne pas partir quand on nous l’ordonne.

      C’est parce que les psy se trompent et y vont du « je vous assure que vous êtes victime et non coupable » qu’ils mettent tant de temps à guérir ces rescapés. Et c’est au fond par leur bon accueil tout bête qu’ils soignent. On peut guérir n’importe qui en lui démontrant qu’il est le bienvenu sur Terre, en lui parlant aimablement. Et mieux encore, en le convainquant qu’on ne changera jamais d’avis.



      A part ces cas spéciaux, les cas plus courants sont donc les cas de dépressions comme celle de Jacky Cheung et des millions d’autres qui se suicident sans jamais avoir été des survivants de camps ou d’attentats. Mais cette énorme masse de déprimés partage avec les rescapés de méchancetés le fait qu’ils ne se sentent pas non plus les bienvenus sur Terre et qu’on les préfère morts ou au fond d’un trou.

      Stefan Sweig, Juif, découvre non seulement l’inanité ou folie de la guerre, mais aussi la montée de l’antisémitisme et les ghettos. L’Allemagne était un pays où un Juif pouvait se sentir chez lui mais pas majoritaire. Tout Juif, même très sûr de lui, devait forcément considérer qu’il n’y était pas le bienvenu et qu’il ferait mieux d’en partir si possible. Mais Stefan, comme d’autres Juifs, découvre avec horreur que l’antisémitisme n’est pas confiné à l’Allemagne. Il existe même en Angleterre, même aux EU, même en France, etc. Il y a de quoi déprimer et il déprime. Si vous tenez au lieux commun de la culpabilisation alors va pour « il se sentait coupable de vivre »

      Que fait-il ? Il quitte l’Autriche et part au Brésil, avec sa femme. Il est donc à l’abri. Et il ne mange le pain d’aucun prisonnier de camp. Mais il apprend par la presse la progression, les victoires du camp nazi. Pacifiste, constatant la guerre partout, convaincu qu’au fond quasiment tous les gens sont antisémites, ne se sentant plus du tout le bienvenu sur Terre, il se suicide. Et sa femme aussi.



      Quand les gens se suicident ce n’est pas parce qu’ils se sentent coupables. La culpabilité n’a aucun rapport avec la mort, elle ne renvoie pas à la mort. C’est la sanction de la culpabilité qui envoie éventuellement à la mort. La sanction. 

      La culpabilité est liée au fait ; j’écrase un chien, je suis coupable de l’avoir tué, rien ne dit encore que je dois donc mourir. Rien. 
      La sanction est énoncée par des tiers et elle est subjective, culturelle, liée au temps, au contexte etc.
      C’est la sanction qui envoie à la mort. Avec torture et mille humiliations avant pour bien faire le compte.


      Les Nazis pouvait très bien se contenter de dire aux Juifs qu’ils étaient nuls, point. Mais ce n’est pas cela qu’ils ont fait. Ils ont dit « Vous êtes nuls et même nuisibles, vous devez donc être traités comme des cafards » Ils ont énoncé une sanction.

      Et dans un attentat c’est pareil ? Quelque part il y a un groupe de gens qui ont dit « Ils doivent mourir » et c’est ce message que les rescapés ont entendu à s’en faire éclater les tympans.

      Dans un attentat d’ambassade américaine, il y a 30 morts Américains et les rescapés US se sentent coupables. Mais le Chinois qui passait par là et qui s’en est tiré, quand il a compris les objectifs des tueurs, quand il a compris qu’il n’était pas du tout visé, n’a pas du tout culpabilisé.
       


    • hommelibre hommelibre 13 mars 2011 00:34

      Easy, la question des juifs en diaspora et des persécutions qu’ils ont vécues pendant des siècles m’interroge toujours. Pourquoi n’ont-ils pas plus réagi ? Parce que, comme vous le dites, ils n’avaient pas de place. Pas de place à eux.

      Quitter un pays pour un autre ? L’Europe de l’est à l’ouest pratiquait régulièrement une discrimination à l’égard des juifs. Sans porte de sortie, sans un territoire à eux comme au temps des romains, ils étaient comme les rats dans « Mon oncle d’Amérique » de Resnais. Déprimés, sans combattivité.

      Quel projet pouvaient-ils faire sans territoire à eux ? Se fondre, s’assimiler dans les pays où ils étaient ? Impossible, et l’Histoire l’a justement démontré.


    • easy easy 13 mars 2011 09:59

      Bin voilà Hommelibre, je partage exactement le même point de vue que vous.

      Nous nous trouvons maintenant amenés à évoquer l’endroit physique. Il semble que pour résoudre cette constante menace d’être chassé de Terre, il faille un territoire où l’on aurait des droits inéliénables.

      Mais en amont, il faut le rappeler constamment, cet endroit aurait pu n’être que virtuel. Ce dont chacun de nous a besoin dès sa naissance c’est d’un sanctuaire métaphysique. Ce n’est que faute de l’obtenir qu’on en vient à essayer de se construire une armure d’acier, un sanctuaire physique donc un territoire, une citadelle.

      J’aimerais bien qu’un grand connaisseur des questions juives et tziganes me dise s’il y avait, chez ces peuples sans territoire, des expressions ou les mots permettant de dire à un groupe, à une masse, « Vous êtes des nuisibles, vous devez disparaître » 


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 21:23

    @ Kalevala : je ne comprends pas votre point de vue dans votre dernier commentaire. Par exemple bien des personnes se font dénigrer au travail ou par un parent et ne réalisent pas que c’est une forme de maltraitance. Elles ne se voient pas en victimes et peuvent se culpabiliser de ne pas être comme il faudrait. Cela arrive. Il en est de même pour les enfants abusés qui mettent du temps avant de réaliser qu’ils sont victimes. C’est grâce au fait de se reconnaître victime quelles peuvent quitter la culpabilité et commencer à se reconstruire. Mais cette prise de conscience n’est pas destinée à durer. Elle est transitoire, elle sert à replacer à leur juste place les responsabilités des uns et des autres dans une situation donnée. Maintenant il y a tant de situations différentes. Combien d’enfants ont dû se reconstruire sans avoir été entendus dans la maltraitance qu’ils ont subie.

    Je vous rejoins dans le fait que la résilience est le fait de passer au-delà du fait de vivre une injustice. Mais ce passage, s’il n’est pas obligé, peut servir dans un processus de réparation et de reconstruction. Par contre l’exemple que vous citez, soit les camps nazis, ne laisse aucune place au doute sur le fait d’être victimes.


    • Kalevala 12 mars 2011 21:52

      Combien d’adulte on en réalise, quand il est était en age de comprendre d’avoir été victime dans leur enfance de parent (indigne), sans le recourt à des psychothérapies. C’est quand il est possible de voir la différence.
      Quel est la différence entre la personne se sente détruit et la personne qui à subit les mêmes faits et qui malgré sont histoire devient une source de bienveillance et réconfort ? c’est l’objectivation de sa souffrance qui fait la diférence.
      Il a la capacité à relativiser sa souffrance, au regard d’autre souffrance.
      Ce terne, résilience, n’a rien d’anodin, et son utilisation est à être manier avec la plus grande précaution. Car il concerne ce qui a de plus sacré dans l’humain.


  • hommelibre hommelibre 12 mars 2011 21:27

    @ Annie : je vous rejoins, en particulier sur la compassion nécessaire à la reconstruction sociale, dans de nombreux cas. En tenant compte de ma réponse à Kalevala. Je trouve aussi importante la question de Easy : quoi, du duvet ou de la pierre, est le plus formateur à la résilience ?

    Oui nous sommes un peu sorti du sujet du Japon mais la discussion est réellement intéressante et m’apporte des éléments.


  • hommelibre hommelibre 13 mars 2011 00:15

    J’ai un regard un peu différent sur la notion de victime, dans le sens où Easy le suggère : victime d’une action méchante. D’abord une précision : je ne pense pas par exemple que la seule reconnaissance d’un état de victime suffit à la délivrance. On le prétend souvent puisque l’on parle même du « statut » de victime dans les tribunaux. L’époque est aux chevet des victimes.

    Une reconstruction est en effet quelque chose de long. Une thérapie permet de corriger le parcours quand il est trop incertain mais ne donne pas de solution. C’est quand-même une respiration, et une alliance avec le thérapeute.

    Je connais ce processus de résilience, j’y suis encore, ayant été victime d’une fausse accusation qui a atteint ma vie privée et professionnelle. La reconstruction passe par des étapes, des révoltes, des actions. je ne veux pas entrer plus en détail ici, je l’ai déjà fait ailleurs.

    Il y a en effet quelque chose comme ne plus avoir de place sur Terre. Mais aussi un rejet du monde. Une chose très difficile était de reprendre le mouvement, l’initiative sur ma vie. Et le sentiment d’être brûlé de l’intérieur, dévasté.

    Je peux dire aussi que la victoire en justice a été un moment de petite délivrance mais le fond du travail a continué et continue encore. Le travail est autant sur l’extérieur - professionnel, je suis indépendant - que sur l’intérieur : le nettoyage du stress profond, la reconstruction de l’estime de soi et d’un projet de vie.

    Et bien il m’est difficile de dire ce qui me donne envie de vivre et d’aller plus loin. C’est comme ça. J’aime la vie.

    J’écris aussi. Pour donner une idée du vécu passé j’en ai fait une chanson :

    http://www.youtube.com/user/hommelibre999#p/u/7/DJGbzjAuEb0

    Maintenant j’écris d’autres choses. L’écriture me permet de reconnecter un univers intérieur. Je publie un roman en mai. Avoir un projet fait partie de la résilience. Je le voyais aux infos ce soir : un homme devant le désert de l’une des villes rasée pas les vagues, et qui disait comme un simple constat : « Il faut tout reconstruire maintenant ».


    • easy easy 13 mars 2011 10:30

      Je trouve cette chanson valable, son illustration aussi.

      Suggestions ?
      Allez, suggestions :

      Un clip c’est en principe de la poésie. Il faut donc trouver des biais poétiques non seulement dans le texte mais aussi dans les images. Celles de Match ne sont pas poétiques.

      Le letimotiv « Novembre noir » est prononcé sur un ton las et c’est logique. 
      Vous pourriez dire ce leitmotiv sur un tout autre ton pour rompre la monotonie d’ensemble, par exemple en le hurlant, en le hululant ou en le pleurant à la façon de Mickael Jackson.

      Puisque vous illustrez avec des chevaux, vous pourriez installer un rythme sonore évoquant à la fois le galop et le battement cardiaque. Un galop c’est 4 claquements de sabots, un silence puis 4 autres claquements de sabots. Et ces deux masses, c’est à peu près deux diastoles.

      Il y a aussi le bruit de la puie qu’on pourrait entendre d’une certaine manière.


  • Crab2 13 mars 2011 14:21

  • le journal de personne le journal de personne 13 mars 2011 21:51

    Je vous parle de fraternité
    Et vous me renvoyez à la dure réalité
    Aux plaques tectoniques
    de notre écorce cérébrale…
    Aux tremblements des peurs
    Et au déferlement des pleurs
    Et la terre continue de trembler et de nous faire trembler…
    Et un beau jour… ou peut-être une nuit… on décide de ne plus trembler… et on se met à bouger…
    à prendre le large au lieu de subir les vagues successives de cette nature imbécile…
    Oui…oui on ne peut pas changer les lois de la science physique mais on peut changer de politique…
    parce que là, il ne s’agit plus de science mais de conscience…
    cette petite flamme qui tremble et qu’aucun vent ne peut éteindre…
    ma conscience politique… qui voudrait avant de mourir assister à l’éveil d’une autre conscience…
    d’autres consciences, à une sorte d’effervescence… vive la révolution des consciences.

    http://www.lejournaldepersonne.com/2011/03/seisme/


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