mercredi 12 janvier 2011 - par Sylvain Rakotoarison

Un scénario à l’ivoirienne pour Haïti ?

Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 sont contestés. Le second tour prévu le 16 janvier 2011 sera nécessairement reporté de plusieurs semaines. Avec de grands risques d’instabilité.

Il y a exactement un an, le 12 janvier 2010, Haïti connaissait un tremblement de terre gigantesque qui décima Port-au-Prince. Trois cent mille morts, autant de blessés et plus d’un million de sans-logis.

C’est sur fond d’émeute, de choléra et de fraudes qu’ont eu lieu des élections le 28 novembre 2010. Il y a eu des élections législatives ainsi que le premier tour de l’élection présidentielle. Initialement, les élections législatives étaient prévues pour les 28 février et 3 mars 2010 mais le tremblement de terre en a rendu l’organisation impossible. L’élection présidentielle, quant à elle, devait bien avoir lieu le 28 novembre 2010. La campagne électorale a commencé en août 2010.

René Préval (presque 68 ans), ancien Premier Ministre du 13 février au 11 octobre 1991 sous la Présidence de Jean-Bertrand Aristide, a été élu deux fois Président de la République, le 17 décembre 1995 dès le premier tour avec 87,9% (mandat du 7 février 1996 au 7 février 2001) et le 7 février 2006 dès le premier tour avec 51,2% contre 12,4% en faveur de Leslie Manigat (mandat depuis le 16 février 2006).

René Préval n’était pas candidat en novembre 2010.

Le 28 novembre 2010, dix-neuf candidats étaient présents au premier tour de l’élection présidentielle.

Selon les résultats préliminaires annoncés le 7 décembre 2010, les quatre premiers candidats sont : Mirlande Manigat (71 ans) avec 31,4%, Jude Célestin (48 ans) avec 22,5%, Michel Martelly (presque 50 ans) avec 21,8% et Jean-Henry Céant (54 ans) avec 8,2%. Les autres ont obtenu moins de 3,1%. Un second tour est donc nécessaire pour départager les deux candidats arrivés en tête.

Ce second tour est prévu normalement pour dimanche prochain, le 16 janvier 2011.

Mais il y a contestation sur l’identité du second candidat. Certaines analyses d’experts électoraux de l’OEA (Organisation des États américains) remettent en cause la deuxième place de Jude Célestin et dans un nouveau décompte, Mirlande Manigat (l’épouse de l’ancien Président Leslie Manigat qui fut au pouvoir du 7 février au 20 juin 1988) resterait en tête (31,6%) suivie de Michel Martelly (22,2%) puis de Jude Célestin (21,9%).

René Préval, dont le mandat doit s’achever le 7 février 2011, a déjà prévenu qu’il resterait en fonctions après cette date pour assurer la stabilité, mais a promis de partir au plus tard le 14 mai 2011.

Par ailleurs, René Préval conteste les conclusions de l’OEA pour la bonne raison qu’il soutient la candidature de Jude Célestin qu’il veut donc voir présent au second tour.

Pierre Louis Opont, directeur général du Conseil électoral provisoire, estime de toute façon qu’il faudra reporter la tenue du second tour : « Il est matériellement impossible d’organiser le second tour le 16 janvier 2011. À partir de la date de la publication des résultats définitifs du premier tour, nous aurons besoin d’au moins un mois pour tenir le second tour. ».

L’accord conclu entre le gouvernement haïtien et le secrétariat général de l’OEA du 29 décembre 2010 ne fait référence à aucune date pour la remise du rapport de la Mission d’experts chargée de superviser le Centre de tabulation des votes. Un accord qui « garantit un accès illimité à la Mission à tous les documents et toute l’information qu’elle jugera utile pour atteindre ses objectifs ».

Le chef de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en Haïti (Minustah) en place depuis 2004, Edmond Mullet, « renouvelle l’engagement de la communauté internationale à appuyer le gouvernement à la réalisation de ces élections dans les termes mandatés par la Constitution, en vue de doter le pays d’un nouveau Président le 7 février 2011 ». La loi électorale (soixante-six pages), adoptée par les parlementaires les 1er et 9 juillet 2008, est téléchargeable à ce lien.

La situation risque donc de s’envenimer et pourrait bien ressembler à celle de la Côte d’Ivoire.

Pays aux multiples coups d’État, Haïti va connaître des semaines politiques très difficiles où l’indépendance nationale, la légalité constitutionnelle et la légitimité électorale vont être des arguments qui auront peu de poids face au dénuement des quatre cinquièmes de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté et face au deux tiers de la population active qui se trouve au chômage.

La position de la France (qui reste très prudente pour l’instant) ainsi que celle des États-Unis auront une part décisive dans la déclaration des résultats définitifs du premier tour de l’élection présidentielle.

Dans tous les cas, ce ne sont pas les quelques jours qui séparent de la date officielle du 16 janvier 2011 qui permettront de faire une campagne de second tour loyale et digne.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 janvier 2011)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :

Haïti, 12 janvier 2010.
Résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010.

Situation de la Côte d’Ivoire.

La campagne électorale en 2010.






 



2 réactions


  • 2102kcnarF 12 janvier 2011 13:28

    Jean-Bertrand Aristide a été enlevé par les américains avec l’accord de l’ONU, et depuis les élections en Haiti son forcément illégitime :

    WIKIPEDIA :

    En décembre 2000, Jean-Bertrand Aristide est élu président de la République par 93% des voix, mais avec seulement 5% de participation : le peuple haïtien est peu enclin à participer à la démocratie depuis les fraudes électorales survenues lors des élections législatives quelques mois auparavant[29].

    En 2003, une rébellion débute à la suite de l’assassinat près de Gonaïves d’un chef rebelle, Amiot Métayer, par le pouvoir. Puis, elle gagne du terrain et une opposition armée dirigée par Buteur Métayer, le propre frère d’Amiot, se regroupe dans un Front pour la Libération et la Reconstruction Nationales.

    Le 29 février 2004, le président Aristide quitta Haïti à bord d’un avion américain, accompagné par le personnel de sécurité de l’armée américaine. La controverse demeure quant à l’étendue de l’implication des États-Unis dans le départ d’Aristide et si oui ou non le départ était volontaire. Aristide compare son départ à un enlèvement.


    Mais pour vous c’est probablement un ’ détail ’ ......  smiley .....comme le fait qu’à l’occasion l’ONU a tiré sur la foule .......  smiley


  • Rémi Manso Manso 12 janvier 2011 21:33
    Le problème de Haïti est le suivant :
    « Haïti un an après le tremblement de terre connait un baby-boom. La maternité de Port-au-Prince est aux prises avec un nombre sans précédent de femmes enceintes. »
    « L’Organisation des Nations Unies affirme que le taux de fécondité en Haïti a triplé dans les suites immédiates de la catastrophe, probablement en raison d’un manque de contrôle des naissances. »

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