lundi 11 août 2014 - par diagana

USA-Afrique : l’autre forum des promesses

En marge de la rencontre entre les chefs d’Etats Africains et le président Obama, de nombreux militants Africains se sont donnés rendez-vous dans la capitale fédérale américaine pour protester contre des pratiques qu’ils considèrent comme étant les véritables entraves au développement de l’Afrique. Pendant que les « têtes couronnées » discutaient d’opportunités d’investissement, les ressortissants de plusieurs pays africains manifestaient contre les atteintes aux droits de l’homme et les changements constitutionnels en vue de se perpétuer au pouvoir.

C’est que le continent africain présente un tableau contrasté. Aux côtés des exemples de réussite ou source d’espoir qui ne sont plus l’exception, subsistent des zones sombres notamment en matière de Gouvernance et de droits de l’homme.

C’est ainsi que quelques pays retiennent l’attention parce que leurs équipes dirigeantes sont soupçonnés de nourrir l’ambition de procéder à des manipulations constitutionnelles pour se perpétuer au pouvoir. Les cas les plus emblématiques sont ceux du Burkina Faso, du Rwanda, du Burundi, de la RDC et du Congo. Les ressortissants de ces pays sont venus partager leurs inquiétudes avec l’Amérique en manifestant en manifestant à Washington contre ce que d’aucuns qualifient de « coup d’Etat constitutionnel ». L’amphitryon américain n’a pas manqué l’occasion de rappeler à ses hôtes l’attention particulière qu’il attache au sujet. Mais que pourraient bien peser ces discours devant le réalisme qu’imposent les arguments commerciaux et stratégiques quand « la concurrence » -notamment chinoise- fait peu de cas de ce genre de considération.

Sur le plan des droits de l’homme, quelques dossiers brûlants ont refait surface à Washington. Des manifestants Djiboutiens sont venus protester contre la chape de plomb que fait peser sur ce pays Ismaël Omar Guelleh au pouvoir depuis…

Pour leur part, les Gambiens ont réservé à Yahya Jammeh un accueil qu’il n’est pas près d’oublier : bloqué dans son hôtel pendant de longues heures, il n’a pu rejoindre la rencontre avec les autres chefs d’Etat qu’en empruntant une porte dérobée. Sa garde rapprochée s’est de son côté illustrée comme elle l’avait fait à Paris lors du sommet France-Afrique : elle a molesté quelques manifestants dont la journaliste Fatou Camara.

Enfin, le président en exercice de l’Union Africaine, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a du faire face à la mobilisation des Mauritaniens d’Amérique venus protester contre les conditions dans lesquelles se déroule depuis trois ans l’enrôlement des populations qu’ils jugent discriminatoire à l’encontre de la communauté noire de ce pays traversé par des antagonismes raciaux. Ils ont également demandé l’amendement de la loi sur la nationalité qui soumet la bi nationalité à des conditions qu’ils jugent inacceptables. Il est à noter cependant que contrairement à ce qu’ont avancé certains médias américains, il n’y a pas de détenus politiques ou d’opinion en Mauritanie et la liberté d’expression y est une réalité.

Outre ces manifestations, d’autres voix se sont exprimées pour déplorer le peu de place faite à la Société Civile notamment à cette « région africaine » qu’est la Diaspora. C’est ainsi que tout en saluant la rencontre comme une opportunité de renforcer les relations Américano-africaines, la présidente du Diaspora African Women’s Network (DAWN, Réseau des Femmes Africaines de la Diaspora) Mme Semhar Araia a fait un rappel que beaucoup d’Africains pourraient aisément faire leur  : « Nos vies ont changé depuis que nous sommes partis de chez nous, mais nous appartenons toujours aux deux mondes. Nous avons des expériences différentes, mais nous sommes tous issus de communautés qui ont été directement touchées par les politiques et les évolutions dans nos pays d'origine. Nous devrions donc être associés au débat entre l'Afrique et les Etats-Unis. ». En d’autres termes, en mettant fin aux injustices et aux violations des droits de l’homme et en garantissant les mêmes droits à tous, de nombreux Etats africains freineraient l’insoutenable hémorragie qui les prive d’une ressource humaine de qualité si utile dans le cadre de la bataille pour le développement. Une façon plus efficace d’impliquer les forces actives africaines dans la réflexion et dans l’action pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de ses manifestations sur l’avenir des relations nouvelles que s’apprêtent de reconstruire Américains et Africains. Mais d’ores et déjà, on peut constater qu’après des rodomontades dont on ne sait pas jusqu’à quel point elles furent de pure forme (ou pas), les parties ont convenu que show must gone avec aux avant-postes, des préoccupations sécuritaires si chères aux USA. Le président Barack Obama annonce ainsi un renforcement de l’aide à quelques pays en proie à la menace terroriste. Un soutien financier est également en vue pour la mise en place d'une force africaine de réaction rapide aux crises avec la CARIC (Capacité Africaine de Réponse Immédiate aux Crises). Dotée d’une enveloppe de 65 millions de dollars dès la première année de sa mise en œuvre, « l’initiative pour la sécurité et la gouvernance » concernera la Tunisie, le Mali, le Niger, le Ghana, le Nigeria, et le Kenya qui bénéficieront d’un appui pour former et leurs forces armées nationales face à la menace des groupes terroristes. En des temps où les USA cherchent à exposer le moins possible la vie de ses soldats, des forces africaines plus professionnelles et mieux formées pourraient être d’un appui décisif. A la condition, précise cependant Barack Obama, « qu’elles soient respectueuses des populations civiles… [Parce que] la bonne gouvernance reste l'un des meilleurs vaccins contre le terrorisme ». En tout, ce seront 110 millions de dollars qui seront déboursés chaque année et pendant une période allant de trois à cinq ans

Mais les résultats de ce premier sommet US-Africa ne se sont pas limités aux seules considérations sécuritaires. Le partenaire américain apporte aussi la lumière à près de 20 millions d’Africains (source USAID) à travers le Plan Power Africa doté de 26 milliards de dollars en partenariat avec le secteur privé, la Banque Mondiale et le gouvernement suédois. Enfin, Barack Obama a annoncé 33 milliards de dollars d’investissements (dont 14 du secteur privé) qui devraient relancer le développement du continent africain et donner de l’emploi à des milliers d’Africains et d’Américains.

S’il parvient à relever le double défi du développement économique et du respect des droits de l’homme, il est fort à parier qu’au prochain sommet US-Africa les voix discordantes se feraient moins bruyantes. Reste à savoir si le président Obama qui a attendu son second mandat pour lancer ce vaste chantier aura suffisamment de temps pour mettre le vaisseau sur orbite.

Abdoulaye DIAGANA, KASSATAYA.COM

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com



3 réactions


  • Parrhesia Parrhesia 11 août 2014 18:01

    L’amphitryon américain ne fait rien de gratuit !

    La mainmise des USA sur l’Afrique ne cesse de s’alourdir. Elle est accompagnée de son cortège habituel de ruines et de carnage. Ce cortège s’étend désormais sur une partie de plus en plus importante de l’ex France-Afrique qui avait cependant su, en partenariat avec de Gaulle, se protéger de ce fléau tout en se libérant du colonialisme. On remarquera d’ailleurs que les conflits s’y multiplient désormais, comme partout ailleurs !

    Beau résultat en vérité !!!

    J’aime bien aussi la phrase d’Obama qui nous est fort opportunément rapportée par Diagana : « … la bonne gouvernance reste l’un des meilleurs vaccins contre le terrorisme ».

    Parce que le déclenchement de la seconde guerre d’Irak doit sans doute être considéré comme une manifestation de bonne gouvernance ???


  • reveil reveil 12 août 2014 10:32

    33 milliards d’investissement, mouai, en bombes qu’ils vont se prendre sur la gueule plus un milliard de tubes de vaseline.


  • Pepe de Bienvenida (alternatif) 12 août 2014 10:44

    Thomas Sankara doit faire des loopings dans sa tombe.


Réagir