mardi 26 juillet 2011 - par Jean-Luc Crucifix

Venezuela : Ce malade qui nous gouverne

Nul ne doute, au Venezuela ou ailleurs, que la maladie de Hugo Chávez marque un tournant pour le pays. Quoi qu'il arrive, le cancer dont il souffre crée une nouvelle donne dans le jeu politique vénézuélien. Le temps des incertitudes est arrivé, il ouvre de nouvelles perspectives.

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Appui populaire à Hugo Chávez malade

Jugez-en : d'ici quelques semaines, quelques mois (l'incertitude déjà...), Hugo Chávez pourrait reintégrer son poste plus fringant que jamais, en héros capable de tout vaincre, même le cancer. Ou bien pourrait être tout simplement éliminé de la scène politique nationale, laissant un vide immense autour de lui –et pas seulement du côté de ses partisans. Dans les deux cas, c'est une nouvelle dynamique qui s'instaurerait. Dans un cas, la lente dégénérescence du mouvement bolivarien que l'on pressent depuis quelque temps serait enrayée. Dans l'autre, les opposants reprendraient du poil de le bête. Tout s'accélèrerait, dans un sens ou dans l'autre.

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Le retour triomphal de Chávez à Caracas

Nouvelle dynamique

Déjà actuellement, les manifestations de soutien des partisans du président, soudés autour de leur chef, créent une nouvelle dynamique populaire du côté du chavisme : un nouvel élan dans un processus qui en manquait. Chávez théâtralise sa maladie pour remobiliser ses troupes, raille-t-on du côté de l'opposition. Parallèlement, au sommet du pouvoir, une dynamique nouvelle s'enclenche aussi : des mouvements tactiques se produisent, dit-on, au sein de Parti Socialiste Unifié du Venezuela, dans le but de bien se placer dans le cas où s'ouvrirait une ligne de succession.

Les opposants ne sont pas en reste, même si la maladie du président les gêne aux entournures. En effet, il serait pour eux de mauvais goût de se réjouir trop ouvertement de la situation difficile dans laquelle se trouve leur adversaire (tout en ne se privant pas de le faire en privé, toutefois). Pour utiliser un euphémisme, disons qu'ils restent aux aguets de la moindre information qui pourrait provenir de l'entourage politique et médical de Hugo Chávez. Et ils ne lésinent aucunement dès qu'il s'agit de diffuser de la désinformation à ce sujet.

Le vrai front est ailleurs

Car si la bataille de Chávez contre le cancer est bien réelle, le vrai front est ailleurs : autour de la bataille informative qui se joue à propos de la situation médicale du président. D'un côté, le président et ses proches adoptent une ligne résolument optimiste, symbolisée par le nouveau slogan Venceremos y viviremos [Nous vaincrons et nous vivrons] qu'utilise maintenant Hugo Chávez à la fin de ses interventions, en lieu et place de Patria, Socialismo o Muerte [Patrie, socialisme ou mort] –un changement révélateur. Quelle autre ligne pourraient-ils d'ailleurs adopter ? Il serait pour eux politiquement dangereux d'agrandir la brèche qu'a déjà ouverte l'annonce de la maladie du président.

En face, les adversaires tentent de décrypter les messages subliminaux qui permettraient de déceler le degré de gravité de la maladie, et donc d'établir une stratégie en fonction des faibles signaux reçus. Leurs mentors, faut-il le dire, se trouvent aux États-Unis, du côté de la droite dure. Et notamment autour de Roger Noriega, qui fut ambassadeur des États-Unis devant l'OEA et sous-secrétaire d'État aux affaires de l'hémisphère occidental sous George W. Bush.

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Roger Noriega

Proche de ce dernier, le groupe Interamerican Security Watch affiche ouvertement sur son site web une page intitulée Chavez Health Watch. En bonne place y figure une vidéo dans laquelle Roger Noriega affirme que « les jours de Hugo Chávez sont comptés » et fait ses recommandations à l'opposition (en anglais et en espagnol). Ces informations-là, vraies ou fausses, sont amplement reprises dans la presse nationale d'opposition. Elles font partie du jeu politique actuel, qui voit deux adversaires s'affronter à coup d'informations et de désinformations sur la santé du président, sans trop savoir vers quoi ils se dirigent.

En suspens

Le maître-mot reste donc l'incertitude : subitement, le temps s'est mis en suspens dans le Venezuela bolivarien. Mais tout pourrait s'accélérer d'un moment à l'autre. Chavisme et opposition vont devoir désormais jouer avec cette nouvelle réalité.



14 réactions


  • Capone13000 Capone13000 26 juillet 2011 09:26

    Nul doute que les USA se frottent les mains, eux qui ont organisé plusieurs coups d’état contre Chavez en s’appuyant sur le medef local ou les partis d’opposition.

    A mon avis le vénézueala aurait beaucoup à perdre de changer de président.


  • Jean-philippe Santerres 26 juillet 2011 10:59

    Les zuniens, et plus particulièrement la communauté « expatriée » cubaine anti-Castro et vénézuelienne concentrée en Floride fait tout via leur élus américains pour se débarasser d’Hugo Chavez.

    @l’auteur : « bien vu » le titre à double sens, que vous avez choisi pour l’article.


  • BHL=MST 26 juillet 2011 11:31

    Alors comme ça, il y aurait une « bataille informative » au Vénézuela ? Pourquoi pas une démocratie tant que vous y êtes ? Il est plus que temps pour ce pays arriéré et corrompu d’abandonner ses utopies d’un autre siècle et de rejoindre l’axe du bien et des droits de l’homme. Ce monsieur bien rasé et visiblement de bonne famille m’a tout l’air d’être l’homme de la situation. De plus, il parle déjà couramment anglais. 


    • Brath-z Brath-z 31 juillet 2011 18:38

      Si ce message est ironique, il est très bon.
      Si ce message est sérieux, je me demande s’il n’est pas contre-productif.


  • miha 26 juillet 2011 12:58

    Lire la constitution du Vénézuela écrite en 1999 :

    Le président République est élu pour six ans, il ne peut être réélu qu’une seule fois.

    6 + 6 = 12.

    Si Chavez se représente encore une fois en 2012, il va à l’encontre de la constitution qu’il a contribué à mettre en place.

    Il n’a pas su, ou voulu, trouver un successeur capable de continuer ce qu’il a construit (et qui est plutôt pas mal pour la population)

    Ceux qui le traitent de dictateur vont pouvoir pavoiser.... dommage.


  • Jean-paul 26 juillet 2011 14:41

    Le peuple n’aura plus a ecouter les longues heures de discours du president .


  • LE CHAT LE CHAT 26 juillet 2011 15:46

    Obama a t il déjà son Ouattara pour Caracas ? smiley


  • minidou 26 juillet 2011 16:40

    La seule critique que l’on puisse faire à Chavez, c’est de ne pas avoir clairement organisé sa succession, alors même qu’il pourrait disparaitre (sous les coups de ses ennemis ou des métastases...).


    • Brath-z Brath-z 31 juillet 2011 18:37

      C’est toujours le problème des mouvements nationaux populaires. Ils se construisent en général autour de la figure charismatique d’un individu hors du commun (ou supposé tel), et se délitent après lui (Robespierre, Napoléon, Boulanger, de Gaulle, pour ne citer que quelques exemples français), ce qui les rend très fragiles.


  • ak47 26 juillet 2011 17:41

    vive chavez ! a mort l’impérialisme ! 


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